A la tête de l’institution pendant trente ans, Samuel Sidibé a triplé la surface d’exposition et considérablement enrichi les collections.
Certaines personnalités occupent si bien leur fonction qu’elles finissent par l’incarner. Samuel Sidibé, 1,90 m déplié, est de ces figures charismatiques. Fin décembre 2017, il a quitté le Musée national du Mali, qu’il dirigeait depuis trente ans, et son départ à la retraite met en émoi tout le milieu de l’art malien. « Personne n’est indispensable », balaye l’intéressé sans coquetterie.
Samuel Sidibé le dit avec d’autant plus de sincérité qu’il est tombé dans le chaudron de l’art par hasard. En 1970, l’élève assidu décroche une bourse pour étudier la muséologie en France. « Je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire », raconte-t-il. Un an plus tard, le voilà à Clermont-Ferrand. « Cette ville m’a fait. J’avais reçu une éducation protestante très sévère. A Clermont-Ferrand, j’ai découvert la liberté. » Une liberté sans doute plus précieuse que les cours sur la céramique sigillée de Lezoux. Le sujet est intéressant, certes, mais fort peu utile pour un futur cadre malien… Aussi Samuel Sidibé part-il compléter sa formation à la Sorbonne, à Paris, où il décroche une thèse sur les pratiques et rites funéraires en Afrique de l’Ouest.
Grisé par l’élection de François Mitterrand en 1981, il songe un temps à rester en France. Avant de déchanter. « J’avais rêvé d’un pays plus libre, mais ce ne fut pas le cas. Je ne voulais pas vivre dans la précarité, raser les murs par crainte d’être contrôlé parce que mon statut d’étudiant prenait fin », dit-il sobrement. Il plie bagage et retourne au Mali. Le pays est alors exsangue. « Les gens pouvaient ne pas être payés pendant cinq à six mois, raconte-t-il. Si j’avais pu repartir pour Paris le mois suivant mon arrivée, je l’aurais fait. » Pour échapper au spleen, il s’adonne à l’agriculture périurbaine, regarde amoureusement pousser choux et salades, avant de rejoindre l’Institut des sciences humaines, à Bamako.
Une collection de 35 000 objets
Sa carrière ne décolle que lorsqu’il prend les commandes du Musée national du Mali, en 1987. Non que le poste soit une sinécure. L’institution est alors une belle endormie. A l’étroit dans ses deux petites salles d’exposition d’une surface totale de 400 m2, elle accueille à peine 10 000 visiteurs par an.
Mais Samuel Sidibé n’est pas du genre à ronronner. Sitôt arrivé, il se lance dans un chantier d’agrandissement des espaces. La facture pour tripler la surface d’exposition est salée : 850 000 euros. Qu’importe ! Samuel Sidibé parvient à lever des fonds auprès de l’Union européenne. Il enrichit de la même façon la collection, dotée aujourd’hui de quelque 35 000 objets. Un musée californien finance l’acquisition d’un ensemble de textiles. Un partenariat avec l’Allemagne permet d’acheter des instruments de musique. Quant aux subsides suisses, ils sont fléchés vers l’achat de céramiques anciennes.
Samuel Sidibé a aussi l’intuition que le patrimoine ne suffit pas à faire vivre un musée. Aussi développe-t-il le volet contemporain, grâce à une salle d’exposition de 600 m2 inaugurée en 2003. Pour élargir le public, il ouvre un restaurant et une boutique. Puis, en 2005, il annexe l’ancien jardin exotique, en friche, qu’il réaménage avec les fonds du Trust Aga Khan pour la culture. Aujourd’hui, l’ensemble est devenu un complexe de culture et de détente fréquenté par environ 600 000 visiteurs par an, dont 10 % pour le musée.
Samuel Sidibé a enfin mené une croisade contre le pillage de l’héritage malien, obtenant même le retour d’œuvres qui avaient illégalement quitté le pays. Pour autant, lorsqu’on l’interroge sur la question des restitutions d’œuvres à l’Afrique par les musées occidentaux, il reste mesuré. « J’adore l’idée de la restitution, mais j’aime aussi les œuvres, dit-il. La question de leur conservation me semble essentielle. Quand un musée exige le retour d’œuvres qui ne seront pas bien préservées, pas en sécurité, il ne faut pas le faire. Si le musée de Gao me demande d’emprunter une pièce importante, je ne vais pas l’accepter. Il faut regarder les choses au cas par cas. »
Pour lui, la question des restitutions devrait ouvrir un débat plus large sur la professionnalisation des musées en Afrique. « Il n’y a pas de vraie stratégie de formation du personnel des musées », soupire-t-il. Et les professionnels aguerris comme Samuel Sidibé ne courent pas les rues. A tel point que son successeur n’a pas encore été désigné…
Biennale de photographie
Son départ à la retraite ne risque pas seulement d’affaiblir le musée. Il pourrait aussi fragiliser les Rencontres de Bamako, biennale de photographie dont il est le délégué général depuis 2009. En capitaine au long cours, Samuel Sidibé n’a jamais tangué, ni après l’annulation de l’événement en 2013, ni au lendemain des attentats de 2015 qui ont ensanglanté Bamako. Il n’a pas davantage fléchi devant les difficultés financières chroniques.
Mais aujourd’hui, il mesure les limites de l’exercice. « A la fin de chaque édition, la biennale n’existait plus dans la tête de personne, confie-t-il. Jusqu’à ce que, le moment venu, on se remette à chercher de l’argent. » Et d’ajouter : « Il faut sérieusement réfléchir à pérenniser les Rencontres. Lorsque je serai à la retraite, je ne serai plus dans les couloirs du ministère pour négocier. »
Samuel Sidibé accepterait volontiers une mission pour continuer à diriger les Rencontres de Bamako. Mais il veut des gages : « Il faut que la biennale ait un vrai statut et des ressources. »
Par Roxana Azimi (contributrice Le Monde Afrique)
LE MONDE Le 31.12.2017 à 17h00
Félicitations à Samuel pour avoir fait du musée ce qu’il est aujourd’hui. Les résultats ne sont point sujets à débats car bien vérifiables. Il est un modèle d’homme intégre, competent, rompu au travail bien fait et orienté sur les résultats.
Bonne retraite MR SIDIBE.
Votre action à la tête du musée national parle pour vous et c’est uniquement cela qui m’intéresse.
Si chaque responsable malien pouvait faire avancer (même un tout petit peu) les choses dans son domaine de compétence, le Mali avancerait grave!!!
Bonjour Amazone,
j’ai vu que vous avez aussi commenté des articles concernant des relations internationales du Mali sur Maliweb dont je trouve la discussion très intéressante.
Mon nom est Syntia Hasenöhrl et j’ai commencé à fréquenter Maliweb après un séjour de quelques mois au Mali en 2010 pour me tenir au courant sur qu’est-ce qui se passe au Mali.
Comme personnellement, j’étais énervée par les inégalités mondiales pour longtemps, j’ai fait mes études sur l’Afrique et les relations Sud-Nord et je m’intéresse aux perspectives ‘du Sud’ au-delà. Maintenant, je prépare mon thèse à l’Université de Vienne (Autriche). Je pense que les médias en ligne offrent des nouveaux possibilités pour s’engager et qu’un portail comme Maliweb est un bon lieux pour apprendre plus sur les opinions des citoyens lambda.
Pour cela, j’aimerais aussi considérer vos commentaires en réponse à quelques articles sélectionnés sur les relations internationales du Mali. Si vous ne voulez pas cela, je vous prie de refuser ici.
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Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me contacter par là-bas ou à répondre ici.
Merci beaucoup et j’espère qu’on sera en contact!
Faudra aussi récupérer ce que les occidentaux ont braqué…
https://www.voaafrique.com/a/la-c%C3%B4te-d-ivoire-r%C3%A9clame-le-retour-d-environ-20-000-objets-d-art-/4704512.html
30 ans au même poste comme Directeur National (né en 1952).
Avouons qu’il n’est pas seul.
Quel pays le Mali.
Tx on connaît ton genre et ton sexe. Nul. Sinon avec Samuel, rien à dire. Comme toi tu trouves à redire, va prendre sa place on verra. C’est ça aussi le Mali. On aime les postes même si on ne peut pas. Que Dieu aide le musée en lui donnant un bon directeur.
Tx connait ce musée plus que tu ne le puisses imaginer. Il fut parmi les premiers acteurs célèbres de ce musée (connait toutes les pièces et leur histoire) et peut même te donner le nom du futur directeur. Développer la Culture qui baigne dans l’histoire pour le Peuple dans un pays en voie de développement, tel le Mali, nous savons ce que cela signifie. Nous y avons réfléchi il ya plus de 30 ans. Développer des réjouissances qui ne collent pas toujours à l’histoire du Mali, style Dysneyland, voilà ce que veut désormais le peuple malien. Ce que constate amèrement celui qui est resté 30 ans à la tête de ce musée. Homme de culture, je connais l’homme plus que toi. Je suis bien là où je suis et apporte tous les jours ma modeste contribution à la connaissance de l’histoire du Mali. Je ne suis pas un braillard comme toi. Pauvre zozo va.
En attendant, nous on le récupère au Parc national du Mali.
Voilà un cadre qui a du mérite et qui doit être magnifié, saluer avec les honneurs. Il part la tête haute, mais incognito comme si rien ne se passe. Il faut un article du Monde pour faire passer l’information !
On verra dans deux ans ce que va devenir le Musée. Les 30 000 collections ont mille chances de prendre d’autres directions comme on le voit ailleurs dans nos services publics. Pillers et vendu.
A force de critiquer nos cadres et dirigeants on en oublie malheureusement de reconnaitre le mérite de certains. Reconnaitre ce mérite est pourtant nécessaire dans un pays.
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