Si le Mali est compté parmi les grandes nations, ce n’est pas seulement à cause de son passé historique, mais aussi, en raison de la carrure de certains de ses valeureux fils qui se distinguent par leur désir ardent de le bâtir par des actions d’envergure. De ces gens, Pr Diarra en fait partie. Cela, pour avoir donné la preuve qu’il aime son métier et s’y adonne avec sérieux, dextérité et dévouement.
Mardi 20 décembre 2011, Hôpital-mère-enfant-Luxembourg, en cette matinée de pleine saison froide le bureau des entrées maintient son ambiance traditionnelle, au niveau de chacun des trois guichets des longs rangs de patients. Les secrétaires d’accueil s’attèlent comme elles peuvent à ranger les dossiers, orienter les visiteurs et faire retourner certains pour erreur dans le jour de consultation. « Je vais chez Pr Diarra » clament la plupart des patients, « allez-y » répondent-elles. Pourtant, ce n’était pas le jour de consultation du « toubib » demandé. «Pr Diarra ne chôme pas, il est là presque tous les jours, sinon ses jours de consultation sont les lundi-mercredi et vendredi » précise un agent de l’hôpital.
Une fois dans la cour de l’hôpital quiconque à qui où nous demandons le bureau de Pr Diarra, était stupéfait et nous lançait « c’est la première fois que vous venez ici ? Va devant »cela, en considération de la réputation de l’homme au sein de cette structure. Dans ledit bâtiment, nous constatons une grande affluence, tous les bancs étaient occupés par des visiteurs de tous les sexes et de tous les âges. Ce n’était logiquement pas donc évident pour nous d’être reçu par le chef du service de cardiologie. Partagé entre le suivi des travaux d’agrandissement des locaux de son service et la réception des patients, Pr Diarra accepte tout de même à recevoir notre reporter. « Désolé, je ne veux pas m’afficher dans la presse, veuillez voir un autre médecin pour répondre à vos questions » lança gentiment celui dont la renommée en sociabilité a dépassé nos frontières. Face à ce refus notre reporter n’a aucunement perdu le courage et était convaincu que personne d’autre mieux que Pr Diarra ne pouvait parler de la question de maladie du cœur au Mali.C’est pourquoi il ne lâcha pas prise.
Entretemps, dans le box les visiteurs au gré des commentaires, les patients s’échangeaient sur les prouesses du cardiologue Diarra. « Si mon enfant a pu vivre jusqu’à nos jours c’est grâce à Dieu et à Dr Diarra, depuis qu’il a su que moi et mon mari sont des indigents, il a pris en charge tous nos frais de traitement, de nos jours Issou (nom de son enfant) qui était atteint d’une grande maladie de cœur a retrouvé le sourire et s’amuse avec tout le monde » affirme A.D, une dame âgée environ d’une cinquantaine d’années. Tout d’un coup, un vieux, dégageant l’aspect d’un ancien haut cadre de l’administration coupe la parole en ces termes : « tout le monde doit prier afin que des honnêtes médecins comme Diarra puissent vivre longtemps dans notre pays, au profit de nous les pauvres malades ». Sur la renommée de Pr Diarra on a l’impression que ce sont les personnes hors de l’hôpital qui savent mieux témoigner. « J’ai l’habitude d’amener chez Diarra des gens d’autres nationalités dont certains tellement désespérés sur la gravité de leur maladie avaient perdu espoir avant de retrouver leur bonne santé »témoigne un taximan bien connu de la devanture du « Luxembourg ».
Dr Bakayogo Kuati Bakary : «Dr Diarra est une référence pour nous les jeunes médecins »
Ce jour, devant l’atmosphère qui régnait devant la salle de consultation de Pr Diarra on ne pouvait pas croire que ce n’était pas son jour de consultation. C’est les propos d’une très vielle dame qui nous a mis à l’évidence, « quand j’ai appelé Dr Diarra pour lui relater mes malaises, il m’a dit tout travail cessant qu’il sera prêt à me recevoir aujourd’hui. Pr Diarra n’est pas seulement un médecin, c’est un enfant béni qui réconforte les malades par des propos soignés, surtout nous les personnes âgées, c’est Allah seul qui peut le payer » souligne-t-elle les larmes aux yeux.
Aux dires d’une jeune-femme, médecin exerçant au service de la cardiologie dudit hôpital, du nom de Dr Doumbia Coumba Thiam, Dr Mamadou.B. Diarra se distingue par une sociabilité hors norme. « Je ne peux pas vous dire exactement le nombre d’enfants malades soutenus par le Pr Diarra, le plus souvent, il sort de sa propre poche les frais d’examen et d’analyses de nombreuses personnes défavorisées et veille personnellement à leur dossier. Il accompagne même certains à l’extérieur » confie notre interlocutrice avant d’ajouter que Pr Diarra se caractérise aussi par sa ponctualité au service, malgré qu’il ait d’autres charges, notamment à la FMPOS.
Quant à Dr Bagayoko.K.Bakary, un autre assistant de Dr Diarra, il affirme que son chef est à la base de la formation de plusieurs jeunes dont certains sont aujourd’hui des grands cardiologues. « C’est lui qui m’a encadré depuis la 3ème année, j’ai appris avec lui de nombreuses bonnes habitudes en droite ligne de la déontologie de notre métier. Aussi, dans le cadre de la collaboration dans le travail, Il reste une référence dans le paysage médical malien » conclu Dr Bagayogo.
Pourquoi avez-vous choisi la cardiologie comme spécialité ?
Pr Mamadou Bocary Diarra : : en fait, ce n’est pas tout à fait un choix personnel. Quand j’ai acquis mon doctorat d’état en médecine en 1982, il n’y avait pas assez de médecins au Mali, c’est pourquoi, nous nous avons été formés pour être des médecins de brousse, de campagne, afin d’exercer des activités médicales, chirurgicales et de prévention. A cette époque les bourses de spécialisation venaient à compte goutte. Mais secrètement j’avais un penchant pour la cardiologie car, tout au long de mes études de médecine j’ai beaucoup travaillé aux services de cardiologie avec particulièrement Dr Mamadou Kouréichi Touré, lors de ma thèse en cardiologie, j’ai effectué une partie de mes travaux à Dakar avec le Pr Papa Koité, qui est le premier cardiologue en Afrique occidentale. Après avoir été initié par de telles personnalités je ne pouvais qu’embrasser cette spécialité. Aussi, par coup de hasard j’ai bénéficié d’une bourse pour aller faire cardiologie. Toutes ces opportunités ont été un tremplin pour moi de faire de la cardiologie une aspiration.
Après une si riche expérience, quelle lecture faites vous de la politique de santé du Mali en matière de cardiologie ?
Pr.M.B.D : ce qu’il faut savoir est que le Mali a commencé en mettant l’accent sur les activités de prévention, ce qui fait que le curatif était relégué au second plan pendant longtemps. Cela faisant, même si de nos jours force est de reconnaître que le curatif et le préventif sont tous pris en compte, on a qu’à même accusé beaucoup de retard sur le plan du curatif.
En cardiologie le terrain était complètement nu, jusqu’ici malheureusement, il n’existe pas au niveau des grands centres hospitaliers du Mali un véritable service de cardiologie. Il y’a certes des services de médecine avec des cardiologues, mais ce n’est pas suffisant pour une discipline aussi pointue comme la cardiologie. Il faut que les équipements suivent. Mais, toute politique de santé nationale va avec la réalité socio économique du pays. Il incombe donc à l’Etat et aux particuliers de changer de fusil d’épaule en créant des structures appropriées pour la prise en charge de certaines activités comme : mettre un pacemaker, faire une dilatation coronarienne, soigner un infarctus dans l’urgence… Cela empêchera de réduire des évacuations sanitaires et permettre à notre pays de franchir un pas afin que demain on soit au même niveau que les autres.
Mais, il ne faut pas se leurrer, la science de nos jours à un coût, l’Etat doit oser mettre ce coût pour espérer sur le résultat escompté. Sinon, comment un privé risquerait d’acheter une machine à 100 millions et faire des examens à 5000 francs ? Cela, sans compter les frais d’entretien de la machine.
Tout cela pour dire que seule une politique réaliste, sans spectacles, permettra de prendre vigoureusement en compte le domaine de la cardiologie au Mali. Il faut qu’il y ait des projections dans l’avenir.
En matière de la prise en compte de la maladie de cœur on a l’impression que le Mali est à la traine, ou ce sont les malades qui sont exigeants ?
Pr. M.B.D : malgré tout, il faut reconnaître qu’en matière de santé, les autorités publiques ont fait beaucoup d’efforts ces derniers temps. Pour preuve, le visage de nos deux principaux CHU (Point G et Gabriel Touré) a positivement changé de nos jours. Maintenant il faut que ceux à qui on donne les nouvelles structures et les nouveaux matériels sachent s’en approprier, fassent en sorte que ce qu’on vient leur offrir soit leurs biens les plus précieux non seulement pour eux mais aussi, pour toute la république. Soyons réalistes, ça ne plaît à aucun donateur de constater une année seulement après la remise d’un matériel que ceci soit couvert de poussière et jeté dans le fond du magasin pour panne due à un manque d’entretien. Il faut donc un changement de comportement dans nos structures de dernières références pour que, le Mali ne soit pas toujours considéré comme le dernier de la classe.
Quant aux malades, qu’on appelle les patients, ils doivent être patients. A titre d’exemple, dans certains hôpitaux européens c’est difficile d’avoir un rendez-vous avant trois semaines, à Bamako, au maximum c’est une semaine. Les patients doivent comprendre que les praticiens ont besoin d’une programmation afin de satisfaire un large public. Ils ont un temps pour les consultations, un temps pour l’enseignement etc. Aussi pour certaines pathologies on n’a pas besoin de se faire consulter obligatoirement par les spécialistes, il existe des bons médecins au niveau des CSCOM et autres. Maintenant si on arrive au niveau des structures dont le plateau technique est un peu élevé on doit s’armer de patience et d’indulgence.
Au niveau par exemple du service de cardiologie de « Luxemburg », nous consultons tous les jours, 7/7 de 8H à 12H, et à partir de 12 H nous faisons le tour des malades hospitalisés, malgré tout certains malades affirment que nous sommes difficilement accessibles, nous les comprenons mais je pense que c’est surtout çà la fois un manque de patience et de compréhension.
Quels sont vos grands motifs de satisfaction dans l’éradication de la maladie du cœur au Mali ?
Pr. M.B.D : particulièrement, je suis fier devant le fait que l’hôpital Mère-enfant-Luxembourg soit le premier à expérimenter et initier les pacemakers au Mali, ainsi que d’autres types d’intervention non réalisables au Mali pour ne pas dire en Afrique (excepté l’Afrique du sud). Les concernant, les partenaires ont accepté de créer un tissu de collaboration entre nous et de nombreux hôpitaux dans le monde. Mon plus grand motif de satisfaction s’exprime aussi au regard de l’appui que l’actuel Première Dame, Touré Lobbo Traoré, ne cesse d’apporter pour aider les malades du cœur, la preuve en est les locaux de cet hôpital et les équipements qui ont été mis à la disposition de notre service de cardiologie. Chaque enfant sauvé d’une maladie de cœur est une source de bonheur et pour moi, et pour la famille et pour la communauté de l’enfant. Sans se vanter, grâce à cette chaine de solidarité, nous avons pu opérer avec succès plus de 300 enfants. Devant ce résultat, plus qu’un motif de satisfaction, c’est une joie de tous les jours. Si le constat laisse apparaître que notre équipe médicale a fait plus de choses dans la prise en charge de la maladie du cœur mieux que tout le monde au Mali, nous ne pouvons que nous en réjouir. Cependant, il faut reconnaître le mérite de ceux qui ont défriché le terrain avant nous et espérer que ceux qui vont venir après nous feront plus que nous dans la lutte contre la maladie du cœur. Nous souhaitons donc que la cardiologie au Mali soit une question de continuité et d’amélioration progressive.
Interview réalisée par Moustapha Diawara