Au Mali, conte de Noël pour vingt orpailleuses devenues mannequins

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Ces femmes qui fouillent les mines d’or dans la région de Kayes ont été choisies par la princesse burundaise Esther Kamatari pour défiler en ouverture du salon Afrik’Or.

C’est un conte de Noël 100 % africain. Avec en stars, une princesse burundaise, Esther Kamatari et ses vingt-cinq mannequins atypiques. Des femmes qui, il y a quelques mois à peine, s’échinaient dans les mines d’or du sud du Mali. Fin novembre, la princesse est allée chercher, à plus de 4 000 kilomètres, celles qu’elle a rebaptisées « les Magnifiques » pour les faire défiler à l’ouverture du salon Afrik’Or, qui mettra l’or malien à l’honneur début 2021, à Bamako.

C’est à bord d’un 4×4, accompagnée de son chauffeur et de son assistant styliste Jean-Kassim Dembélé que l’ancienne mannequin vêtue de blanc, comme à l’accoutumée, a fait la tournée d’une quinzaine de sites miniers, de ces lieux oubliés qui ne reçoivent pas de visites tous les jours. Là, il a parfois suffi d’une posture, un regard, un port de tête pour qu’elle fasse son casting. « Vous savez, après quarante ans de métier, je sens lorsque quelque chose se dégage », assure Esther Kamatari.

Derrière cette sélection un peu particulière, la styliste veut redonner à ces femmes la dignité qui leur revient. « Elles sont celles qui extirpent l’or de la terre. En leur faisant porter des bijoux en or malien, je veux qu’elles voient, pour une fois, où finit une partie du métal qui ne fait que passer entre leurs mains », explique la princesse.

Le Mali est le troisième exportateur d’or du continent africain. Selon les estimations de Dario Littera, le président de la raffinerie Kankou Moussa, la plus importante du pays, près de 1,5 million de personnes travaillent sur les sites d’orpaillage artisanaux. Et l’expert estime que, dans ce milieu très opaque, près de 60 tonnes d’or passeraient chaque année sous les radars de l’Etat malien pour se retrouver à Dubaï.

Quotidien harassant

D’habitude, les orpailleuses ne voient pas vraiment la couleur de ce métal qu’elles s’échinent à filtrer dans la région de Kayes, première zone d’émigration du Mali pour son extrême pauvreté. « On cherche l’or, mais on ne le porte pas, on le vend », expose Djénéba Sissoko, boucles d’oreilles et colliers de pacotille autour du cou. « Dans le meilleur des cas, on arrive à en donner à nos filles pour les grandes occasions », ajoute une autre « des Magnifiques ». Djénéba, la quarantaine, a un quotidien harassant depuis son jeune âge. Creuser, tirer la terre, laver des seaux à longueur de journée… « Les hommes passent avant nous sur les zones et il arrive qu’on travaille une semaine sans extraire un gramme », détaille-t-elle. Mais c’est la tradition. Les travailleuses de l’or s’effacent devant la présence masculine. Sur dix seaux extraits de la terre, seul le dernier leur revient.

Elles ne peuvent que se taire et accepter leur sort. Un destin d’une extrême violence qu’Esther Kamatari résume en évoquant le souvenir de ce village où toutes les femmes étaient enceintes en même temps. « Une stratégie du chef », lui a-t-on raconté, « pour que les étrangers venus chercher de l’or ne s’emparent pas des filles d’ici ». Dans ce contexte rural de dénuement, il est bien difficile pour elles de contester leur sort. « On est juste résignées », avoue Djénéba Sissoko, habituée à la politique des petits pas.

Récemment a été créée une association, la Fédération des femmes minières du Mali (Femima). Fruit d’âpres négociations avec les autorités traditionnelles qui exercent encore leur pouvoir sur les sites d’orpaillage, sa secrétaire générale, Keïta Gekobed Sogoba a obtenu que « dans certains endroits, les femmes disposent désormais de deux seaux au lieu d’un ».

Pour l’heure, les vingt-cinq « Magnifiques » veulent un peu oublier leur quotidien. Ces mannequins d’un jour se concentrent sur leur nouveau métier et répètent avant de monter sur le podium, mardi 15 février, à la terrasse du restaurant L’Eclipse, au cœur de la capitale malienne. Conscientes de vivre un conte de Noël, les vingt femmes s’appliquent à suivre la ligne blanche tracée au sol. « Ventre rentré, tête droite, ayez la grâce d’un oiseau », leur intime la princesse qui a donné des ailes à leurs rêves les plus fous.

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Source: https://www.lemonde.fr/afrique

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