BiragoDiop ne disait-il pas que ceux qui sont morts ne sont jamais partis, Ils sont dans le sein de la femme, Ils sont dans l’enfant qui vagit, Et dans le tison qui s’enflamme…. Pour donner un sens à cette assertion, cette semaine InfoSept pour le plaisir de ses lecteurs et lectrices s’intéresse à une femme qui a marqué l’histoire du Mali par son courage et sa bravoure.
Native de Bamako, Aoua Keïta est née en12juillet1912 à Bamako (alors au Soudan français, actuel Mali). Elle décède le 7mai1980. Comme quoi les braves ne meurent jamais ; elles sont toujours immortalisées.Fille de Mariam Coulibaly et de Karamoko Keïta, originaire deKouroussa (Guinée). Son père était un ancien combattant de l’armée française employé ensuite dans l’administration coloniale, ce qui lui permettait d’entretenir sa large famille.
En 1923, il inscrit sa fille Aoua à l’école de Bamako pour complaire à l’administration qui avait du mal à recruter des élèves pour l’école locale des filles. À l’époque la plupart des filles n’étaient pas scolarisées.
Aoua Keïta était une sage-femme, militante et femme politiquemalienne, elle fut une figure de l’indépendantisme, du syndicalisme et du féminisme au Mali. Après ses études primaires à l’École des filles, elle fréquenta le Foyer des métisses de Bamako, puis poursuivit ses études à l’École africaine de médecine et de pharmacie de Dakar, de 1928 à 1931 où elle obtint un diplôme de sage-femme et devenue l’une des premières femmes d’Afrique noire à obtenir ce diplôme. Elle exerça d’abord à Gao, puis à Tougan, Kayes, Niono, Kokry, Markala et Nara.
Elle épousa en 1935 Daouda Diawara, un médecin auxiliaire qu’elle avait rencontré à l’école de Dakar. Ils se séparèrent en 1949 après quatorze ans de vie commune, sous pression familiale dans la mesure où ils n’étaient pas parvenus à avoir un enfant. Elle se maria plus tard une seconde fois avec Djimé Diallo expert de l’UNESCOà l’École normale supérieure au Congo-Brazzaville.
Aoua Keïta a été une militante politique, combattant pour l’indépendance du Soudan français. Dès 1946, elle rejoint l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US-RDA).En 1950, elle est mutée àGao. Elle renonce l’année suivante à la nationalité française et se trouve toujours à Gao lors des élections de 1951, alors que tous les autres fonctionnaires militants de l’US-RDA ont été mutés à l’approche des élections par l’administration coloniale qui soutient le camp adverse.
Aoua Keïta joue alors un rôle important dans la victoire du parti à ces élections et la transparence du vote, n’hésitant pas à s’opposer publiquement aux officiers français qui tentaient d’en entraver le bon déroulement. À la suite des élections, elle est donc mutée à son tour pour « raisons disciplinaires ». Elle est envoyée à Bignona (Casamance) au Sénégal, puis à Nara et enfin à la maternité de Kati, près de Bamako. Elle y fonde le Mouvement intersyndical féminin, qu’elle représente en 1957 au Congrès constitutif de l’Union générale des travailleurs de l’Afrique noire.
Militante syndicale, elle est élue au bureau des Syndicats des travailleurs du Soudan en 1957. Son militantisme aura comme conséquence ses multiples mutations pour raison disciplinaire.
En 1958, elle entre au bureau politique de l’US-RDA, c’est alors la seule femme, et est nommée membre du Comité constitutionnel de la République soudanaise. Elle est élue en 1959 députée de la Fédération du Mali, à Sikasso2. C’est alors la première femme malienne à être élue à ce poste. À ce titre, elle participe à l’élaboration de la constitution de la fédération. Elle jouera un rôle politique de premier plan, au côté de Modibo Keïta jusqu’au coup d’État militaire de 1968. Elle a notamment été également la seule femme à prendre part, en 1962, à l’élaboration du Code malien du mariage et de la tutelle qui fut une grande avancée pour les droits de la femme au Mali.
Elle défendra toujours la cause des femmes. Elle représente le Mali en juillet 1959 à la rencontre constitutive de l’Union des femmes de l’Afrique de l’Ouest, à Bamako. En 1962, elle participe à la conférence des femmes de Dar es Salam qui donna naissance à l’Organisation panafricaine des femmes.Elle est à l’origine de la Journée internationale de la femme africaine (JIFA), promulguée par l’ONU et l’OUA le 31 juillet 1962.
Le coup d’État militaire réalisé par Moussa Traoré en 1968 marque la fin de sa carrière politique. Elle quitte alors le Mali et rejoint son second mari en République du Congo en 1970. En 1975, elle publie Femme d’Afrique. La vie d’Aoua Keïta racontée par elle-même.Elle ne rentra au Mali qu’en 1979 et mourra un an plus tard à l’âge de 67 ans.
Sa forte personnalité, sa vivacité, sa noblesse, son courage, sa détermination et son ambition pour un Mali meilleur fut récompensé à travers plusieurs distinctions et reconnaissance nationale dont le grand prix littéraire d’Afrique noire en1976 pour son autobiographie. UneMédaille d’or de l’indépendance du Mali ; ordre de la Perfection de la RAU ; mérite de la Croix-Rouge de l’Empire de l’Éthiopie ; grand Officier de l’ordre national du Sénégal ; grand Commandeur de l’ordre de l’Étoile d’Afrique du Liberia ; officier de l’ordre national du Dahomey ; en 1999 est créé le centre de formation professionnelle Aoua-Keita situé à DravelaBolibana ; une salle de conférence a été baptisée « salle Aoua Keita » au sein de l’Assemblée nationale malienne ; le 30 mai 2011, une rue d’Angers est baptisée « rue Aoua Keita ». L’Association pour le progrès et la défense des droits des femmes (APDF), association féministemalienne créée le 6 avril 1991 a créé le prix Aoua Keïta remis chaque année dans le cadre de la Journée panafricaine de la femme pour récompenser « l’effort, le dévouement, et le courage des femmes et les hommes » pour la « promotion et la défense des droits de la femme ».
De son décès à nos jours,Aoua Keïta reste une référence pour toutes les femmes et pour toutes les générations à venir.
HaouaOuane