Samedi. Une pluie matinale a arrosé bien des endroits de la capitale, mais le soleil qui commence à poindre fait craindre une journée de chaleur insupportable. Sur la route qui passe devant le carrefour des jeunes (espace culturel), des paquets humains s’agitent, le bruit du moteur des véhicules indique qu’il est l’heure de se dégager du lit à ceux qui, blottis dans leur couverture, s’apprêtent à dormir le reste de leur sommeil. Début de journée à Bamako.
Dès que j’ai franchi le seuil de la première porte du carrefour des jeunes, mes yeux ont croisé ceux d’un jeune homme, assis sous le hangar qui sert de parking payant. « C’est pour la conférence de presse ? D’accord, gare la moto ici », m’a-t-il dit en me tendant un ticket dont je me suis emparé et qui indique que, pour récupérer ma moto plus tard, j’aurai à payer 100 francs. Phénomène irritant mais banal dans nombre de services, privés compris, où les usagers motorisés se voient à tout de champ remettre un ticket par un ”Parker” venu d’on ne sait où et qui n’a aucune frousse de dire à toute personne rebelle à cette décision de chercher où parquer sa moto, quitte à la mettre à la merci des voleurs. Parmi ceux qui font le “Parker”, il y en a qui sont des jeunes chômeurs, paumés et aigris, toujours prêts à distribuer des propos désagréables.
Retournons au carrefour des jeunes. La conférence de presse que je dois couvrir est prévue pour 9h. Il est 8 h, et sous le hangar où l’évènement se tiendra, les chaises sont encore inoccupées. L’ambiance est triste, on se serait cru le premier jour du mois de Ramadan. Les feuilles des arbres bruissent, tombent et voltigent au gré d’un vent léger et frais. J’ai promené en vain mon regard de rapace sur tous les endroits de la cour pour repérer un confrère, histoire d’agiter les idées sur l’actualité.
Des deux baffles s’échappe la voix de musiciens en mal de célébrité, qui me sont inconnus, mais qu’il faut poliment remercier d’avoir chanté pour la paix au Mali. La paix ! La paix ! La paix ! Elle est – et a toujours été – au Mali. Elle est juste sous nos pieds, enfouie dans l’inconscience et la bêtise des hommes dont les comportements amoraux ont conduit ce pays dans la marée enlisant des incertitudes.
J’ai vu arriver des membres et sympathisants du parti R.P.D.M dont le numéro un n’est personne d’autre que Cheick Modibo Diarra, l’ex-chef du gouvernement de transition. L’on se souvient qu’il a été poussé à la démission… Une ribambelle de jeunes, des confrères servant qui à Info Matin, qui à Le Républicain. Chacun a pris racine sur une chaise libre. Des bruits montent, des rires éclatent. On attend. Qui ? Je ne sais pas, mais on nous fait attendre des minutes et des minutes. Pourtant les conférenciers sont là, et n’attendent qu’on les invite à occuper leur place. L’attente a été longue, si longue que des mécontentements ont commencé à se manifester. “Nous nous excusons auprès de tous, si la conférence n’a toujours pas commencé, c’est parce que nous attendons l’O.R.T.M. Toutes nos excuses, vraiment.”, s’est désolé un organisateur. C’est vraiment le bouquet ! Faire attendre tous ces gens au seul motif que l’équipe de reportage de l’O.R.T.M est en retard, et oublier qu’il n’est pas sûr qu’elle soit là. Et il faut se poser la question de savoir depuis quand la tenue d’un événement de quelque type est suspendue à la présence d’une équipe de reportage de l’O.R.T.M.
Comme il fallait s’y attendre, les journalistes de l’O.R.T.M, ne sont pas venus. Les conférenciers ont passé aux choses sérieuses. Mais nous avons quand même attendu. Le journalisme peut parfois amener à subir parfois des situations aussi déprimantes…
Boubacar SANGARE