Caravane médiatique à Kita : Plan-Mali sème la graine du progrès socioéconomique durable

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La muette Ong se met à balbutier et résultat en est une caravane dans le cercle de Kita. Constats et réflexion sur une visite guidée mais pas contrôlée.

Les Toubabs disent : quand une femme a des belles jambes, elle les montre. Chez nous ici la norme est : mogo magni iyere da ou on ne parle pas de soi-même. Plan-Mali avait toujours fonctionné sur le model africain traditionnel. Mais dans un monde où le nerf de la guerre n’est plus l’argent mais la communication, Plan rééquilibre le curseur vert la logique universellement établie. C’est ainsi qu’après 38 ans d’existence dans le pays, il vient d’organiser sa première caravane médiatique pour permettre à la presse et aux bénéficiaires de se rencontrer. Et c’est le cercle de Kita –sud ouest du Mali- qui a eu le privilège de la recevoir. Ainsi  du 16 au 20 juin (inclue), 13 journalistes, dont un cameraman, ont sillonné 6 communes, 8 localités communautaires pour couvrir 16 activités officielles organisées à leur intention. Mais en dehors, les journalistes ont pu mener une centaine d’interview, en toute liberté, avec des cibles souverainement choisies.

« Sans Plan, pas de développement ici dans ma commune »

Pour commencer par la fin, l’impression qui se dégage après ce périple est que « le Plan » (c’est ce que parlent les populations) est si présent que l’on en arrive à se demander s’il ne couvre pas les carences de l’Etat. Même des panneaux de signalisations utiles ou  indispensables, c’est le Plan qui les plante. La «conscientisation» des villageoises, leur organisation sociétale pour le changement, les écoles, le préscolaire, les Cscom, les bibliothèques,  les centres pour jeunes, l’épargne communautaire, les équipements publiques, etc. portent une marque Plan d’une manière ou d’une autre (disponibilité ou remise à neuf. Les autorités étatiques, communales et traditionnelles reconnaissent et « reposent leurs espoirs » (c’est du bambara) sur l’Ong dont la seule évocation signifie « enfants » (Niiko Plan iko demissenw est un slogan populaire). Des phrases enregistrées et reproduites ici permettront d’en saisir les contours avec acuité.

Cette présence « bénite » (selon les populations et les autorités) est si…omniprésente, effective et opérationnelle que l’on ne peut s’empêcher de se poser des questions là-dessus en rapport avec l’Etat ; l’un remplace-t-il l’autre ? Pallie ses insuffisances ? Jusqu’où et jusqu’ à quand ? Et le jour ou Plan ne serait pas là ? Nous divaguons, revenons à nos moutons et au niveau du réel palpable. Et il est fait de cette constation implacable : les individus et les communautés des desperados ne voient pas leur présent sans Plan. Leur avenir aussi, mais cela reste à discuter.

Une question utile ici et à ce stade est : pourquoi cette présence remarquée ? A quoi rime-t-elle ?

Changement social et économie d’échelle

Il serait exagéré de parler d’économie d’échelle stricto sensu. Le concept est utilisé ici à titre indicatif et vise à mettre en lumière le double décollage économique et sociétal où chacun devient un levier pour l’autre et où la capacité de réinvestir augmente. Et ce faisant le revenu et le niveau de bien-être augmentent aussi. D’où un certain progrès qui donne de plus en plus d’ « appétit ». Des exemples en ce sens sont abondants  dans le groupe Epc de Kita dirigé par Hawa N’diaye. Au départ,  des femmes démunies et de savoir-faire organisationnel pour conjuguer les efforts et de fonds de démarrage pour mettre en route une activité économique.

Plan a fourni et l’un et l’autre et le résultat fut immédiat. Nous avons assisté à la délibération hebdomadaire de leur groupe de 28 femmes le lundi 16 juin en après-midi. Sans l’aide de personne, sans écriture et sans mot en français, elles ont tenu leur séance. Chacune maîtrisait son rôle, la transparence et la rigueur étant…de  rigueur. Il y’aurait beaucoup à dire mais tout sociologue aurait décelé la roue du changement sociale en route. Mais aussi l’appétit qui vient en mangeant. Parties de rien, elles veulent cette année épargner 10.000.000 F Cfa après seulement 40 semaines d’exercice. Elles nous ont raconté leur vie et le progrès socioéconomique était si patent qu’elles en étaient les premières à s’en étonner. Elles étaient fières et heureuses de parler du changement, comme par magie, survenu dans leur vécu quotidien à quelqu’un d’autre. Les expériences du genre foisonnent dans le cercle et d’autres petites femmes attendent de  connaître pareil trajectoire.

Un autre type d’évolution sociologique (changement de conception, de mentalité et  donc de comportement) est la certification solennelle et officielle  de Dialakorni (un cas loin d’être isolé) comme Fdal ou village où la défécation à l’air libre est finie pour de bon. Le chef de Service de l’Assainissement, Hamadi Bâ avait fait le déplacement de Kayes pour l’occasion ; lui le passionné que l’on ne peut plus arrêter une fois relancé sur le thème. A Dialakoroni, les latrines, nous les avons inspectées et constaté de visu, sont munies de couvercle, le couvercle doté d’une manche à son sommet pour le prendre et hermétiquement fermées aux mouches. Les lieux de soulagement sont dotés de savon et à défaut de cendres pour se laver les mains après. Les mères de familles en tire une constatation : les maladies ont diminué. Quand aux pères, ils se disent « contents » de payer moins d’ordonnances. Les liens entre mouches, maladies et bien être sont établis par praxis.

Il convient de noter que dans les autres contrées du Mali, les latrines ne sont ni couvertes ni dotées de savon. De ce coté, le chef de village Fassiriman Traoré est en avance même sur Bamako la capitale dans ce domaine.

Le déterminisme est compris de l’intérieur. Quant aux pratiques sociétales néfastes comme les mutilations génitales, des progrès sont visibles dans le discours sur le lien entre excision, hémorragies et même mort. Cela, nous avons pu le toucher du doigt. Dans la pratique aussi, on nous a signalé des avancées notables. Il reste à trouver les mécanismes pour le constater objectivement, le mesurer et en déterminer la dynamique. A Karaya Kouroudjou, nous avons pu assister à un échange public sur le sujet sans tabou et sans gêne aucune. A Koflabè, notre arrivée a coïncidé avec la signature officielle et solennelle du document qui certifie la fin et l’abandon de la pratique de l’excision.

Au Mali, nous avons vu tellement d’images à la télé où l’on nous parle de l’abandon de l’excision…Et pour ce faire, la caste (forgerons) des exciseuses reçoit des compensations financières pour jeter l’affreux scalpel. Mais si l’on repasse dans le même village après, l’on constate que les mêmes exciseuses vues à la télé ont repris du couteau. Cela était devenu une pratique et un stratagème pour « manger l’argent des blancs ». L’on peut ainsi se demander s’il ne faut pas attendre pour applaudir. Entre le discours maîtrisé et la sincérité, il y’a parfois quelques failles.

Mais, le plus important comme disait le philosophe, est que quelque chose soit mise en route. Et dans le cercle de Kita, Plan-Mali a aidé à mettre quelque chose en route. Et ce dans des domaines et niveaux variés mais qui concourent tous dans la même direction. Et ce, avec les populations. Et surtout  –exclusivement ?-les femmes. Les propos enregistrés au cours de la caravane et ici reproduits permettent d’en mesurer l’étendue et la profondeur.  Quant à l’Etat, il  doit y jouer, sans jalousie aucune, le bon rôle qui lui revient de droit.

                                                                                                   Amadou Tall

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