Vendredi noir

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Heureusement que nous ne sommes pas tous morts, que nous avons encore la mémoire fraîche. Ceux qui tentent de falsifier la révolution de mars 1991 doivent se ressaisir. Nous tenons à leur dit tout simplement que le premier signe annonciateur de l’accélération des événements, qui allait définitivement changer le cours de l’histoire du Mali, a été donné le 21 mars 1991. La journée du 22 mars marquera pour les Bamakois le début d’un cauchemar qu’ils n’auraient jamais imaginé vivre. Dès le petit matin, les élèves et étudiants dressèrent des barricades dans les quartiers de la capitale et se regroupèrent, bien déterminés à démontrer leur opposition à un régime de plus en plus décrédibilisé. Leurs premières actions furent dirigées vers tout ce qui symbolisait une autorité qu’ils ne reconnaissaient plus : domiciles des dignitaires, commerces supposés appartenir à des prête-noms ou à des soutiens du parti unique, organismes d’État, etc. La répression qui s’ensuivit fut sanglante parce qu’à partir des camions et des engins blindés, policiers et même soldats (déployés pour le maintien d’ordre) ouvrirent le feu sur les manifestants. Au milieu de la matinée, les premiers corps commencèrent à affluer à l’hôpital Gabriel Touré très vite débordé. Ce vendredi 22 mars 1991 a été appelé vendredi noir.

Nos braves mamans

Beaucoup de gens vont se recueillir au monument du 26 Mars sans bien regarder le symbole qui est derrière le tableau du grand peintre Ismaël Diabaté. Ce n’est pas pour rien que cette place a été choisie. C’est à ce niveau, après avoir traversé le pont, que les forces de l’ordre ont osé ouvrir le feu sur les femmes de Badalabougou. À l’époque, les murs de clôture de l’INPS étaient courts, les femmes les ont escaladés. C’est à ce niveau que la fille de notre consœur Aïssata Cissé, Ramatoulaye, elle a reçu des balles. Arrivée à Gabriel Touré, elle succomba à ses blessures. Sy Kadiatou Sow est une brave dame, elle mérite tous nos respects. Ce jour, grâce à sa clairvoyance, beaucoup de vies ont été sauvées. Les femmes ont souffert le vendredi noir ; elles ont été les vraies combattantes de la chute de Moussa Traoré. Mais aujourd’hui, ces femmes ont été oubliées. Même dans le CTSP, il n’y avait aucune femme. Après les élections, les femmes ont été oubliées ; aucune décision majeure concernant la vie de la nation n’a été prise en associant les femmes. Elles ont été les combattantes à visage découvert, certes avec certains hommes, mais les femmes et les jeunes ont payé cher pour que la démocratie soit. On se demande souvent si ce n’est pas la malédiction de ces nombreuses femmes tombées sous les balles qui suit la démocratie malienne. Nos mamans nous ont montré la voie pour nous battre, de ne jamais se décourager, de faire face à la répression. Elles ne sont pas limitées à nous parler, elles ont donné leur sang pour que le Mali soit dans l’ère démocratique. Mais nos papas et frères ont décidé autrement. Mais Dieu ne dort pas. La mémoire de nos braves mamans de Badalabougou sera récompensée un jour.

 

Forces et faiblesses

L’acquis principal de la révolution de mars 1991 est la liberté d’expression. Sous le général Moussa Traoré, les hommes étaient rares. Les artistes sont à saluer, surtout le Kotéba national sous la conduite d’Ousmane Sow. Ils ont fait des pièces de théâtre pour dénoncer les tares du régime, comme Wari, Férékégnamibougou, etc. Ils ont risqué leur vie.  Il y a aussi eu la construction du pays, des infrastructures et autres ponts, hôpitaux et routes. La joie totale pour tous les Maliens de sortir de 23 ans de dictature, qui a vu plusieurs braves soldats maliens liquider, les sociétés et entreprises d’Etat. Des hommes et femmes, déportés ou disparus, personne ne sait où se trouve leur corps, y compris le boucher national. Mais la démocratie a été installée contre l’école ; le système scolaire malien est pourri. C’est sous la démocratie qu’on a vu le vrai visage de nos démocrates : les milliardaires de la démocratie, les scandales financiers, les élections tronquées. Les dirigeants s’enrichissent sur le dos du peuple. Le règne des bourgeois. Les démocrates qui étaient unis pour combattre la dictature ont été divisés le lendemain de la chute du boucher de Bamako. La simple élaboration de la liste des membres du CTSP a été un problème du côté des civils. Le Mali est mal parti dans la pratique, mais sur papiers et aux yeux de l’opinion internationale, on était bon élève. La course pour le pouvoir des partis politiques, sur fond d’affairisme et de clientélisme, a fait qu’en 2012, nous avons touché le fond. Du jamais-vu : un président agressé jusque dans son palais. Aujourd’hui, c’est un démocrate qui est au pouvoir ; il qualifie le boucher national de républicain. Un bon sujet d’examen pour les jeunes élèves maliens.

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