La séparation salutaire des pouvoirs qui s’opère sous nos yeux, suscite un grand espoir quant à la vitalité de la jeune démocratie malienne. Ce bébé qui a la malchance de naître dans un pays sahélien et en période de sécheresse et de grande famine, mérite d’être aidé à grandir. Si, par extraordinaire, ce bébé malchanceux parvenait quand-même à survivre dans cet environnement très hostile, il sera solide, résistant, valeureux et vivra longtemps INCHALLAH.
L’analyse fouillée des premiers mois du magistère d’IBK à la tête de l’Etat du Mali fait ressortir les traits d’une gouvernance très contrastée. La posture du Président et de son gouvernement suscite à la fois gêne, embarras, colère, respect, peur, admiration et espoir. Une telle situation d’apparence ambigüe tient de la personnalité difficile à cerner du Président de la République qui succombe des fois à l’effet de l’émotion, caractéristique d’une certaine grandeur d’âme, tout en n’ayant aucun état d’âme par rapport aux évènements et situations qui touchent à la Justice et à la crédibilité de l’Etat.
Le fils Karim Keita à l’Assemblée Nationale
C’est ainsi que certains observateurs et acteurs de la scène politique malienne n’ont pas hésité à crier au népotisme et à l’inélégance républicaine, quand le neveu du Président, Ben Barka, est nommé Ministre délégué chargé des Investissements, en même temps qu’il ferme les yeux sur l’investiture puis l’élection de son fils, Karim Keita, comme député et Président de Commission.
Au même moment, le beau-père de Karim Keita, Issiaka Sidibé, hérite de la Présidence de l’Assemblée Nationale; ce qui en fait le dauphin constitutionnel du père…. de son beau-fils, le Président IBK. Cela commence à faire quand-même désordre même si les légalistes soutiendront mordicus (ce qui est vrai) qu’aucune loi n’a été jusque-là violée malgré la clameur hostile engendrée par ces situations et l’odeur nauséabonde qu’elles dégagent. Le seul fait de pouvoir critiquer une décision politique légale et légitime, de manière licite et sans aucun couvert de la légitimité, témoigne de la vitalité et du dynamisme d’une société démocratique.
Le chef d’Etat major particulier d’IBK en prison sur décision souveraine du juge Karembé
Qu’un Juge, Karembé en l’occurrence, daigne instruire en toute indépendance un dossier qui implique des supposés proches du Président de la République, en tout cas un Général en charge de sa sécurité particulière, sans l’accord du Chef de l’Etat, c’est insolite au Mali et même partout dans le monde. Que ce même Juge inculpe et écroue le Chef d’Etat major particulier du Président IBK, sans jamais s’inquiéter de la compréhensible hostilité de celui-ci; il faut le faire. Voilà une raison (très rare ces derniers temps) de fierté pour tout malien.
Un grand bravo donc à Mr le Juge Karembé qui a ouvert là, la voie qui conduit à l’indépendance des juges. Il faut juste souhaiter qu’il aille jusqu’au bout de sa logique en toute transparence, sans parti pris, sans acharnement aucun, dans le seul souci de faire éclater la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, avec le souci permanent de se fonder le plus souvent sur des faits avèrés et rarement sur la fragilité d’une intime conviction. Le mérite du juge Karembé aura donc été d’avoir eu le courage de tenter l’expression concrète de son indépendance vis-à-vis de l’Exécutif qui a eu lui aussi le mérite de la favoriser en laissant faire. A partir de cet instant précis, le juge Karembé a réclamé le droit légitime pour le pouvoir judiciaire de rendre justiciables tous les citoyens, sans exception; y compris le juge lui-même, s’il venait à enfreindre la loi ou à travestir la vérité, dans l’exercice de sa fonction, que cela soit dans le cadre des jugements rendus ou dans la conduite des procédures.
Quand le Président IBK laisse la Justice suivre son cours en toute indépendance, quel que puisse être le statut des mis en cause, quitte à livrer son Chef d’Etat major particulier, le Général Yamoussa Camara, après l’arrestation du Général Sanogo qui lui serait proche, on se croirait dans un rêve. Quel malien lucide l’eut cru il ya seulement six (6) mois ?
L’honnêteté intellectuelle voudrait que tout le monde réponde à cette question pour apprécier cette révolution en cours qui mérite d’être encouragée. Cette situation n’est pas anodine et mérite qu’on s’arrête sur sa symbolique pour analyser la potentielle et positive orientation de la gouvernance de la part des nouvelles autorités, qui peut être très heureuse pour la nation. Ce sont des signes précurseurs d’une refondation de la République et des institutions qui mérite d’être accompagnée et pérennisée. Pour la première fois au Mali, depuis la naissance, en 1960, de cette jeune République, l’idée que la Justice peut être égale pour tous, riches comme pauvres, intellectuels comme ignorants, hommes de tenue comme civils, autorités comme chômeurs, commence à germer dans les esprits, dans la société toute entière. Il faut souhaiter que cette belle nouveauté soit diffuse dans tous les démembrements de l’Etat pour que les populations fassent enfin confiance à leurs dirigeants et se l’approprient pour en faire une réalité. En le faisant, les traîtres, les tricheurs, les truqueurs et les trompeurs trembleront dans l’intimité du nid douillet de leurs privilèges indus. C’est la condition sine qua none pour que le délinquant se sente désormais mal à l’aise et en insécurité au Mali.
LES BONS EFFETS D’UNE MAUVAISE CAUSE
S’il est vrai que les chemins de l’enfer sont pavés de bonnes intentions, alors ceux du paradis pourraient aussi être pavés de mauvaises intentions.
Il ne faut surtout pas se focaliser sur les nombreuses spéculations sur les motivations réelles du juge Karembé qui serait membre ou sympathisant du FDR et celles du Président IBK qui ne serait pas sincère dans sa posture de neutralité et d’équidistance, mais chercherait à régler des comptes. Il se susurre que, fort des arguments d’un cabinet juridique international dirigé par un de ses nombreux amis, IBK a acquis la conviction selon laquelle la finalité de cette procédure en cours est la neutralisation judiciaire de ses nombreux adversaires politiques qui auraient activement participé à la conceptualisation et à la réalisation du projet macabre, communément appelé « le contrecoup d’Etat », pour le déroulement duquel, armes, mercenaires et beaucoup de ressources de l’Etat auraient été mobilisés. Ce sont ces témoignages recueillis par les enquêteurs, après les arrestations opèrées par la junte, qu’aurait exploité le cabinet d’avocats associés en question, avant de conclure à leur validité juridique.
En tout état de cause, que cela soit l’expression d’une marque de faiblesse vis-à-vis du pouvoir judiciaire ou simplement le choix lucide d’un homme d’Etat responsable, le Président IBK peut se prévaloir d’être un Chef d’Etat, républicain jusqu’au bout des ongles, qui veille scrupuleusement sur l’indépendance des institutions et la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Une posture noble qui l’inclinerait à bannir toute ingérence dans les fonctionnements de l’Assemblée Nationale et de la Justice. Ce serait tout à son honneur.
L’avantage qui s’offre désormais aux populations maliennes, c’est d’avoir des institutions cohérentes qui fonctionnent en toute transparence avec un garant, selon la loi fondamentale, le Président de la République, qui est résolument engagé dans la lutte contre l’impunité et pour la Justice. Pour que désormais la notion d’autorité attachée à la personne soit partout caractérisée par les seules notions de légalité et de légitimité.
Boniface Dembélé