Le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena, opposition), Tiébilé Dramé, a présenté jeudi un document dressant un bilan de 1 026 morts et 186 blessés dans les violences qui frappent le centre du pays, où sévissent des groupes jihadistes et qui est le théâtre de conflits inter-communautaires.
En 2018, les violences dans le centre du Mali ont fait 1 026 morts et 192 blessés. C’est le bilan qu’avance le Parti pour la renaissance nationale (Parena), dans un rapport rendu public jeudi 14 février.
Une justice trop lente
Ce sont les politiques hasardeuses et inappropriées d’un pouvoir qui a laissé pourrir la situation et qui est aujourd’hui dépassé par l’ampleur de la crise.
« Depuis cinq ans, aucune enquête annoncée par le président et ses gouvernements successifs n’a donné de résultats. Ni au nord, ni au centre, ni ailleurs. Lutter contre l’impunité requiert une forte volonté politique », martèle l’opposant Tiébilé Dramé, qui fut le directeur de campagne de Soumaïla Cissé lors de la présidentielle. « Ce sont les politiques hasardeuses et inappropriées d’un pouvoir qui a laissé pourrir la situation et qui est aujourd’hui dépassé par l’ampleur de la crise », ajoute-t-il.
Un bilan pris avec prudence par les autorités. « Si le Parena fait un décompte de 1 000 morts, qu’il produise la liste », rétorque le gouverneur de la région de Mopti, Sidi Alassane Touré. Il « constate toutefois la lenteur des procédures judiciaires ». « Les enquêtes sont ouvertes par le procureur. Mais sont-elles ralenties par une question de moyens financiers ou par des risques sécuritaires ? Je n’en sais rien. Cela concerne un autre pouvoir », précise-t-il à Jeune Afrique.
Le Parena assure que ses données sont issues « d’une compilation et d’interviews avec des proches des victimes », et que le décompte des victimes – civils, militaires et membres de groupes armés – est en augmentation par rapport à l’année précédente. Le Parena dénombrait alors 209 morts et 86 blessés.
« Le centre du Mali, c’est la mort au quotidien, les villages brûlés et rasés, les greniers pillés, les troupeaux razziés, les déplacements forcés de populations civiles. Le centre, c’est aussi le contrôle au faciès, les check-points illégaux, les armes de guerre détenues par des groupes irréguliers qui ensanglantent et endeuillent la région », pointe le rapport du Parena.
Plan de sécurisation intégré: Les stratégies mises en place par le gouvernement sont l’occupation de l’espace
Quelques jours plus tôt, le 12 février, l’expert de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, exprimait déjà sa « profonde préoccupation » à l’issue d’une mission dans la région de Mopti.
« De graves et récurrentes violations et abus des droits de l’homme, y compris des allégations d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements, de tortures, de mauvais traitements et détentions illégales, sont commis en toute impunité. De plus, des localités qui n’étaient pas affectées il y a quelques mois sont maintenant touchées par ces violences », s’est-il inquiété dans un communiqué de presse, demandant « des solutions urgentes ».
En février 2018, le gouvernement a annoncé le lancement d’un plan de sécurisation intégré des régions du centre. Le décret présidentiel mettant effectivement le plan sur les rails a été signé en août dernier. Et depuis, les résultats se font attendre.
Le 7 janvier dernier, interrogé par les députés sur la détérioration de la situation sécuritaire, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a défendu le bilan de son gouvernement, insistant sur l’importance centrale du retour de l’État. « Les stratégies mises en place par le gouvernement sont l’occupation de l’espace. Nous avons déployé, en 2018, 13 000 hommes, dont la moitié au Centre, ce qui a réduit l’insécurité par rapport aux autres années », a-t-il affirmé. « Nous allons continuer à renforcer notre présence militaire », a-t-il ajouté.
Le gouvernement a également lancé un programme DDR accéléré (Désarmement, démobilisation et réinsertion) des milices présentes dans la région de Mopti. Mais ce dernier bute sur la peur de représailles des jihadistes présents dans la région.
Par Aïssatou Diallo
Jeune Afrique