Il y a d’abord trois constats à faire :
– La préparation et la fiabilisation du fichier électoral est un travail d’amateurs qui nécessite aujourd’hui une interrogation sérieuse sur le rôle de la Délégation générale aux élections. Au-delà de la polémique entre le choix du RACE (Recensement administratif à caractère électoral) et RAVEC (Recensement administratif à vocation d’état-civil), il semble de plus en plus patent que le Gouvernement de la République ne procédait qu’à une manœuvre de diversion. Jamais, dans l’esprit de Kafougouna Koné, il n’a été question de dilemme cornélien entre les deux fichiers encore moins de souci de dialogue élargi aux partis afin d’arriver à un consensus. Il y a le fichier RACE, choix de l’exécutif et du parti ADEMA et ce fichier sera imposé, peu importe les précautions de syntaxe ou de sémantique prises à cet effet.
– Les reformes institutionnelles de fin de mandat ne sont pas une recherche personnelle de « gloriole » jurait le président de la République lors de sa conférence de presse annuelle du 12 janvier. A ce jour pourtant, il n’est jamais arrivé à convaincre le commun des mortels de l’urgence d’entreprendre un bouleversement si important des textes (on parle de 105 articles sur 122) rien que pour « améliorer la démocratie », explication franchement incomplète et douteuse. A voir ce qui vient de se passer au Sénégal où, après des mois de supputations et de rumeurs, les citoyens ont découvert le funeste projet en cours, un sursaut n’est pas exclu au Mali, pays dans lequel opposition et société civile sont réduites à leur plus simple expression.
– Les agitations au sein des états-majors politiques annoncent des lendemains de gueule de bois, entre trahisons, félonies, remises en cause, ingratitude et parricide. A l’ADEMA, la date butoir pour le choix préliminaire du candidat a été repoussée du 12 juillet (aujourd’hui) au 23 juillet afin de permettre au « comité » de sage de proposer un candidat consensuel. Il est écrit dans le ciel une fatalité : quel que soit le candidat choisi, les autres ne se rallieront pas, sinon que du bout des lèvres et mettront tout en œuvre pour saper l’autorité du l’élu. L’ADEMA n’échappera pas au syndrome de 2002. Et, tout indique que pour sa première épreuve présidentielle, l’Union pour la République et la Démocratie (URD) connaîtra les mêmes problèmes que sa mère (ADEMA), la scission, les luttes fratricides, les coups fourrés et les reniements. Les amis les plus proches de l’ex-ministre Oumar Ibrahim Touré sont formels : jamais ce dernier ne se résoudra à accepter Soumaïla Cissé comme candidat naturel de l’URD et les clans sortiront couteaux et langues pendues pour conclure le massacre.
Il faut donc tirer une conclusion première des joutes à venir : les vieux démons, politiques ou sociaux de la République, en hibernation depuis juin 2002, voient le bout du printemps. Il n’est pas à exclure que face à un Gouvernement qui a fait de la fuite de responsabilité un credo, que le champ politique bascule dans le chaos pour laisser, encore une fois, sourdre le spectre du « messie » de la dernière minute, surgi pour sauver la patrie de l’anéantissement.
Ousmane Sow