Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Cette maxime ne s’est jamais aussi confirmée au Mali qu’avec la pandémie du Covid-19.
Dès l’apparition des premiers cas au à Bamako, les charognards et prédateurs ont repris du service pour faire main-basse sur les fournitures préventives et submerger le marché de produits en tous genres. Gels et masques sont subitement sortis comme du néant pour envahir les coins et recoins de la capitale au point d’en assaillir la clientèle. La psychose aidant, tout y passe, même les produits qu’une longue durée de stockage a rendus inefficaces et inutiles. Leurs détenteurs profitent néanmoins de la naïveté et de l’inattention du public pour les écouler librement. On est ainsi persuadé d’avoir observé aux pieds de la lettre les conseils et mesures préventives prescrites en la matière alors qu’on est aussi exposé que ceux qui s’en privent volontairement ou qui le sont par manque de moyens. La faute à une sécurité plus prompte à la répression qu’à une protection véritable de la population contre les risques. Il n’est pas admissible, en effet, d’être indifférent le jour à la libre circulation de produits frelatés dépourvus de toutes leurs propriétés et sans effets préventifs et prétendre persévérer la santé de la population la nuit par des mesures restrictives. Et dire que certains produits déversés sur le marché proviennent de vieux stocks et commandes non utilisés depuis l’époque d’Ebola….
Quid des autres malades ?
Le drame du Coronavirus réside non seulement dans les dégâts qu’il provoque, mais aussi dans ses impacts directs et indirects sur d’autres pathologies. La plupart des patients décédés du Covid 19, au Mali comme ailleurs, se présentent comme des êtres déjà affaiblis par d’autres maladies qui en ont fait des proies faciles pour le nouveau virus. Mais ça n’est pas tout. Le Coronavirus est tout aussi dangereux par les mesures drastiques qu’il impose aux pays dont la première protection aura consisté à suspendre les trafics et mouvements
trans-frontaliers. La restriction frappe durement dans les rangs de grands malades dont la santé ne tient que par les évacuations périodiques à l’étranger. Avec l’inaccessibilité des hôpitaux tunisiens, marocains et français, ils sont contraints de se contenter des structures sanitaires locales sans aucune assurance de prise en charge adéquate. Même si le talent et l’expertise pourraient ne pas faire défaut – surtout par ces temps de télémédecine -, les équipements et les produits pharmaceutiques demeureront inaccessibles tout le temps que les compagnies aériennes seront clouées au sol.
Beaucoup de malades sont ainsi condamnés à supporter leurs crises douloureuses ou en périr dans les pays qui, comme le Mali, sont dépendants de médicaments importés de l’extérieur.
En dépit du Covid-19, le Mali demeure divisé
Le Mali serait-il un pays irréconciliable ? Après l’avoir déjà démontré tout le long de la crise multidimensionnelle par leur indisponibilité à l’union sacrée, les concitoyens d’IBK viennent de le confirmer par l’impossibilité à faire front commun contre la pandémie du Coronavirus. En atteste pour le moins l’absence criante d’unanimité autour des mesures destinées à protéger l’ensemble des Maliens contre la contamination. Il s’agit, en l’occurrence, de la fermeture des lieux de culte sans laquelle toutes les autres restrictions préventives sont manifestement vouées à l’échec, tant elle est déterminante dans la lutte contre la pandémie. Mais la profondeur des dissensions entre courants religieux, mêlées aux divergences d’obédiences, sont passées par là en démontrant que les Maliens sont incapables de se hisser au-dessus des clivages même lorsque l’intérêt collectif et la cause nationale sont en péril. Conséquence : la maîtrise du Covid-19 et la protection des concitoyens contre sa propagation tient plus de la fatalité que d’une stratégie de lutte bien élaborée. À la différence de beaucoup de pays qui pourtant ne «furent pas» avant nous.
L’approvisionnement du marché pour Ramadan en question
La taille de la préoccupation est pour le moins proportionnelle à la grande incertitude qui caractérise l’économie sous-régionale en proie aux vicissitudes de l’économie mondiale ainsi que des nombreux pays exportateurs où le confinement est devenu la règle. Avec l’arrêt des productions un peu partout à travers le monde, difficile de ne pas s’inquiéter de quoi le mois de Ramadan sera fait. Il est hors de question en tout cas d’envisager comme alternative le renoncement ou un ajournement, dans un pays où une fermeture temporaire des lieux de culte allait faire des vagues. Or les conditions d’observance du mois sacré ne sont que très faiblement réunies quant à la disponibilité sur le marché des produits et denrées les plus fortement sollicitées.
L’approvisionnement du marché pourra-t-il être convenablement assuré avec la fermeture des frontières ? Rien n’est moins sûr. Certes les restrictions infligées aux échanges ne concernent que la circulation des personnes et non des marchandises, mais l’équation des pénuries alimentaires pendant Ramadan n’a jamais manqué de rebondir au Mali même en période normale. Avec la crise actuelle et les défis supplémentaires qui en découlent, il faut s’attendre à la saignée des portefeuilles déjà si éprouvés par une baisse des revenus dû au Coronavirus.
A KEITA