Ce fut comme une bombe tonnant à nouveau à Fana, dans le reste du pays. Provoquant étonnements, stupéfactions, colères. Des sarcasmes aussi ! Pensez-donc ! On entre dans un monde déformé, insaisissable, à première vue grotesque. Tout semble correspondre à la banalité, même si une peur rampante tenaille les habitants de cette bourgade. Comment des coupeurs de têtes osent flaquer des gifles à répétition sans rendre gorge ? Un nouveau corps vient d’être découvert sans tête. L’homme a certainement reçu la visite de gens malintentionnés à son domicile la nuit du crime.
Pareil malheureux événement a régulièrement défrayé la chronique. Quelques mois auparavant, une femme et son enfant au regard innocent ont subi un sort analogue. Venait s’ajouter à la longue liste des victimes une albinos à deux doigts des élections, accréditant la thèse d’un crime sacrificiel.
Non les sarcasmes ne manquent point. D’aucuns se tâtent en ricanant, à la recherche d’explications souvent des plus contradictoires et des plus farfelues. Et en plus la bourgade est familière de ces drames, sans qu’on puisse y mettre un terme. Des hurlements de colère et de douleur en chassent d’autres. Sous un temps lointain – de l’époque du régime Moussa Traoré – on parlait de Fana à voix basse, derrière d’épais rideaux avant que la justice ne mette le grappin sur les auteurs finalement condamnés à mort et exécutés. Mais le phénomène est resté une hydre à plusieurs têtes, une coupée, une autre germe.