«Dissolution de fait» de la Cour constitutionnelle et réexamen de ses résultats mitigés comptant pour le second tour des dernières législatives. Tel est finalement la substance de la «main-tendue» du le président de la République et dont le contenu a été révélé en deux actes solennels et en moins d’une semaine d’intervalle : une première Adresse à la Nation consécutive à l’appel du M5 à manifester le 10 juillet, puis une deuxième suite à la mutation de la manifestation en «désobéissance civile». C’est en définitive sur les dépouilles d’environ une demi-dizaine de civils tombés sous des balles, les débris d’édifices saccagés et autres séquelles laissées par la violente vague de contestation que le président IBK a fait sa toute première apparition publique avec une face barbue. Par-delà le ton gravement affecté par l’évolution dramatique des événements – et leurs tournures macabres -, on retient de sa dernière intervention télévisée le recours aux pouvoirs exceptionnels pour abroger le décret de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle, dont le remembrement est annoncé le plus tôt possible aux fins d’un réexamen partiel de l’arrêt des législatives pour les circonscriptions équivoques. Pour ce faire, le renouvellement intégral de l’institution arbitrale des élections passera par la désignation très prochaine de nouvelles têtes par les autorités compétentes en la matière. Il s’agit notamment du président de la République, du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que du président de l’Assemblée nationale dont le siège émane d’une des circonscriptions contestées. Moussa Timbiné est-il de ce fait habilité à désigner des membres ? Quoi qu’il en soit, une mission commandée de juges communautaires est attendue pour aider à dégager un mécanisme de mise en œuvre de ce schéma qui n’est autre que celui préconisé par la Cedeao lors d’un récent passage à Bamako.
La même recette apparaît du reste en filigrane dans la précédente Adresse à la Nation du chef de l’Etat où IBK n’évoque qu’en demi-mots les facteurs et arguments qui militent en faveur d’une dissolution de la Cour constitutionnel et l’éventualité d’un retour sur les résultats électoraux des inscriptions mal arbitrées par ses juges. Mais l’offre était d’autant moins convaincante que nombre de zones d’ombre la rendaient interprétable comme un simple artifice pour déjouer la manifestation du 10 juillet sans concessions politiques rassurantes pour les contestataires.
Le message présidentiel d’avant-hier samedi se singularise donc par une clarté beaucoup plus édifiante mais il a le malheur d’intervenir dans le sillage d’un bilan macabre et d’une ardeur répressive propre à conforter l’enchère. Et pour cause, tandis que de nombreux leaders du M5-RFP sont détenus suite à la transformation de la désobéissance civile en scènes de saccage et de pillage, les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants continue de tirer leur bilan contradictoire de morts et de blessés. Les chiffres officiels ne sont pas encore connus mais une information persistante a circulé, hier après-midi, comme quoi l’imam Mahamoud Dicko, vaillamment défendu par ses adeptes à domicile, a officié une prière mortuaire sur 17 corps comptabilisés dans le seul quartier de Bamako.
Autant de raison pour le camp adverse d’opposer une fin de non-recevoir au dénouement proposé par le chef de l’Etat et de camper sur une posture radicale probablement dictée par l’illisibilité de l’adresse présidentielle d’avant manifestation. Pas question de renoncer à la démission d’IBK et du régime après tant de tragédie, rétorque les contestataires, sans doute non-preneurs également du gouvernement de consensus qui s’annonce d’ailleurs très peu inclusif, à en juger par les restrictions préconisées par le président de la République. L’équipe gouvernementale schématisée dans son adresse à la Nation sera composée, en effet, «de cadres républicains et patriotes et non de casseurs et de démolisseurs du pays», a-t-il prévenu comme une récusation des plus radicaux parmi les contestataires.
En plus de paraître anachronique de l’air du temps, le message présidentiel pourrait aussi avoir pêché par les préjugés restrictifs ainsi que par un ton assez impropre à la conciliation pour ne pas être perçu comme une option nette pour l’apaisement. Il a néanmoins le mérite de receler les ouvertures nécessaires pour freiner la dérive macabre qui se dessine.
A KEITA