Me Magatte Sèye, l’une des figures emblématiques du Barreau malien, est incontestablement l’un des avocats qui a le plus marqué ses compatriotes. Le juriste chevronné qu’il est, n’a pas peur du «combat» dans la salle des pas perdus. Brillant orateur et grand procédurier, Me Sèye a été l’une des figures de proue des grands procès que notre pays a connus. Son secret, c’est l’amour du travail bien fait et l’esprit de combativité, deux notions qui ont toujours caractérisé ses démarches. Son parcours éloquent et sa riche expérience lui ont permis d’avoir la renommée. C’est ainsi qu’il fut parrain d’une promotion des jeunes avocats. Le discours solennel qu’il a prononcé devant ses confrères jeunes, est historique et pédagogique.
rnDans un passage, Me Sèye, citant Esiode, philosophe grec, leur a prodigué de sages conseils dont les grandes lignes sont les suivantes : «Evites la mauvaise réputation parmi tes semblables. La renommée est dangereuse, son fardeau est léger à soulever, pénible à supporter et difficile à déposer. L’avocat, en plus de sa réputation, n’est digne de porter la robe, s’il n’a pas de cœur». Le jurisconsulte, Me Sèye est dans l’antiquité gréco-romaine à ce niveau. C’était une manière pour lui de faire remonter les jeunes avocats dans les temps anciens pour qu’ils se situent dans les temps modernes, afin d’avoir des repères solides pour leur vie future. En citant Esiode, grand philosophe grec, Me Sèye ne sait ni tromper d’homme, ni de vision. La Grèce antique qui fut le creuset du savoir, a jeté de grands hommes à la face du monde dont, entre autres, Platon, Aristote, Cicéron, Hérodote, etc.
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rnL’avocat qui est le défenseur de la veuve et de l’orphelin, est un personnage qui doit avoir de très bons comportements dans la société. La robe noire, en plus de sa beauté et de sa valeur, est bien sûr lourde à porter. Me Sèye veut dire par là que ceux qui la portent, doivent avoir le sens du devoir et de la responsabilité. Oui, la responsabilité de l’avocat est très lourde que n’importe laquelle. Son rôle, c’est de défendre quoi qu’il advienne. S’il ne peut pas défendre avec courage et abnégation, qu’il ne se cache pas derrière la robe afin de lui ôter sa signification. Pouvons-nous faire un parallélisme avec cette fameuse citation de l’acteur américain Robert De Niro qui disait ceci : «Un sous-officier ne doit pas boire. S’il boit, il ne doit pas crier. S’il crie, il ne doit pas trébucher. S’il trébuche, il ne doit pas tomber. S’il tombe, il doit cacher qu’il est un officier plein». Voilà les notions du sens de la clairvoyance et de la responsabilité qui sont détaillées vis-à-vis des situations.
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rnEn outre, Me Sèye, à travers ces quelques lignes, invite les jeunes avocats à prendre le métier d’avocat comme étant un sacerdoce. Du coup, il nous rappelle son confrère, Feu Me Demba Diallo, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali. Feu Me Demba Diallo, «ça goloba» pour les initiés, était lui aussi un grand avocat qui a eu une renommée internationale. Ce n’est pas Me Mamadou Savadogo, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina Faso qui nous dira le contraire. Lui qui a d’ailleurs consacré un écrit sur l’homme après qu’il ait entendu son décès.
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rnToujours, pour l’initiation des jeunes avocats, il est nécessaire de brosser aussi les grandes lignes que Me Savadogo a consacrées à l’homme: «Me Demba Diallo, avocat baroudeur, candidat à la Présidence de la République du Mali, Bâtonnier de l’Ordre, plusieurs fois emprisonnés, mais s’il faut un premier mot pour approcher Demba Diallo, commencez par laborieux. Il travaille jour et nuit depuis 1954, date à laquelle il a prêté serment d’avocat. Il travaille comme juge au Sénégal, comme Directeur de l’Ecole Nationale d’Administration de Conakry en Guinée, comme Directeur de cabinet du Président Sékou Touré, comme Conseiller de Patrice Lumumba, Conseiller spécial de Modibo Keïta, comme président de l’Association Malienne des Droits de l’Homme, comme écrivain, comme Médiateur de la République , comme…En fait, Demba Diallo était un conquérant du travail. Il me l’a dit lui-même à Bamako, alors qu’il me recevait à déjeuner : de tous les titres qu’il a portés, celui qu’il affectionnait le plus était : Maître. Simplement. Tout chez Me Demba Diallo est construit pour la défense : la voie du tribun, l’esprit du stratège, la générosité, l’imagination».
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rnLe bâtonnier n’a guère prospéré en politique : «il était fait pour défendre les hommes, non les idées. Une seule chose lui importait : défendre. Il plaidait en public et en privé, au Palais et au dîner. Il était l’image parfaite de l’avocat. Il avait tout acquis, il avait tout compris de notre profession. Il me semblait immortel. Par son enthousiasme, par sa persévérance, son sens de l’amitié et son talent, il fut un exemple pour nous. C’était un modèle. Toute sa carrière, il a honoré le Barreau et défendu son indépendance. Emprisonné pour avoir défendu les faibles, il a donné une leçon de courage et d’espoir. Il a prouvé qu’il était digne de cette profession d’Avocat qui lui avait été donnée et qu’il a aimée. Contrairement aux avocats en costume trois pièces, «attaché-case» dans une main et téléphone portable dans l’autre, vous étiez, vous, un avocat en robe. Eux sont des «avocats d’affaires», vous étiez un avocat d’amour ! Il était éloquent et aimait la vérité. Demba Diallo est décédé le 7 juin 2001, avec la simplicité d’un homme discret. Que reste le souvenir d’un avocat, homme de conviction et de cœur pour lequel je vous demande d’avoir une pensée ».
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rnCe témoignage éloquent et très illustratif constitue à coup sûr une source d’inspiration pour les jeunes avocats. Et voilà que Me Magatte Sèye a réveillé les vieux démons pour nous mettre, nous jeunes journalistes et jeunes avocats, au boulot. Il reste maintenant de voir ces jeunes avocats à l’œuvre.
rnPour conclure, il serait intéressant de rappeler cette fameuse phrase de Me Robert Badinter, qui fut bâtonnier et Ministre de la Justice, Garde des Sceaux en France, dans so
n ouvrage «Abolition»: «Il y a des avocats, il y a des avocaillons». Qui dit mieux !
rn Mamadou Macalou
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