La France ne pourra jamais se débarrasser de sa carapace de colonialiste et d’impérialiste. «Quand elle donne par la main droite, elle reprend doublement par la main gauche», nous confiait un politicien de la place. Certes elle a permis à notre pays d’éviter la catastrophe avec l’avancée vers le Sud des jihadistes pour rayer de la carte du monde la République du Mali. Mais la voilà contraindre notre pays à libérer certains terroristes contre la liberté de son otage. Un paradoxe et une véritable humiliation pour le Mali !
Selon plusieurs sources, la France a fait de fortes pressions sur nos autorités pour relâcher des jihadistes afin de faire libérer Serge Lazarevic. Un responsable de la sécurité malienne a précisé qu’un bras droit d’Iyad Ag Ghali, chef touareg malien du groupe jihadiste Ançar Dine, avait été au centre des négociations qui ont abouti à la libération de l’otage dans le Nord du Mali, puis à sa remise au Niger, après trois ans de captivité aux mains d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Prévisible, un Collectif d’organisations de défense des droits de l’homme a critiqué le fait que les autorités maliennes aient libéré Mohamed Aly Ag Wadoussène, organisateur présumé de l’enlèvement en 2011 de Serge Lazarevic et de son compatriote Philippe Verdon, ainsi que la libération d’Haïba Ag Achérif, présumé terroriste ; d’Oussama Ben Gouzzi et d’Habib Ould Mahouloud, auteurs présumés de graves violations de droits humains au Mali, en échange de l’otage français.
L’indignation totale au Mali
Un responsable malien de la sécurité a déclaré, sous couvert de l’anonymat, «qu’avec la France, le Mali et le Niger, nous avons pu obtenir la libération de l’otage français dans le cadre d’un échange de prisonniers». «Je peux vous dire que des hommes que certains qualifient de terroristes, mais qui pour nous, sont des prisonniers, ont été libérés contre la libération de l’otage français», a ajouté cette source.
Le responsable Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme, Florent Geel, a déclaré à l’AFP que les autorités maliennes avaient libéré ces détenus sous la pression française. «C’est un paradoxe de voir des individus libérés dans le cadre de la libération d’otages qu’ils ont eux-mêmes aidés à capturer», a souligné M. Geel, en référence à Ag Wadoussène et Ag Achérif, arrêté pour son implication présumée dans l’enlèvement de Lazarevic et Philippe Verdon, retrouvé mort d’une balle dans la tête en juillet 2013.
Au Niger également, des organisations de la société civile ont dénoncé les conditions de cette libération. «Nous condamnons déjà les versements de rançons, à plus forte raison des libérations d’éléments de forces obscurantistes contre des otages», a déclaré à l’AFP le président du Collectif des organisations de défense des droits de l’Homme et de la démocratie (CODDHD), regroupant une quarantaine d’Ong nigériennes, Kani Abdoulaye. «Ces libérations reviennent à encourager en quelque sorte les prises d’otages», a-t-il estimé.
Pour Mohamed Ouagaya, président de l’Ong Comité d’orientation de défense et de sauvegarde des acquis démocratiques (Croisade), basée à Agadez (Nord du Niger), c’est une façon de permettre aux preneurs d’otages, des gens qui ont commis tellement de crimes et de morts, de revenir en force. Et cela, sous la bénédiction de la France qui prétend pourtant lutter contre le terrorisme et le jihadisme au Sahel.
Bruno E. LOMA