Comme pour laisser se dissiper la flopée de commentaires qui a accueilli la formation de cet énième gouvernement, dirigé par le cinquième Premier ministre en quatre ans, IBK a attendu quatre jours pour réunir son nouveau cabinet. Une occasion pour le Président Malien de fixer au nouvel équipage le cap pour la dernière étape qui nous sépare de la fin de son mandat en septembre 2018.
Ce premier conseil des ministres du gouvernement Soumeylou Boubeye Maïga tenu le vendredi 5 décembre 2018, fut pour IBK, de préciser aux ministres et à leurs chefs les quatre objectifs dont l’atteinte constitue leur raison d’être au sein de cette ultime formation gouvernementale. A savoir :
1. La poursuite de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger.
- L’endiguement de l’insécurité grandissante dans le centre du pays.
- La satisfaction de la demande sociale par l’accélération de la mise en œuvre du Programme Présidentiel d’Urgences Sociales.
- L’organisation d’élections transparentes, crédibles et apaisées.
A huit petits mois de la fin de ce mandat, ces objectifs sont- ils réalistes ? Beaucoup répondront : certainement pas ! Mais en vérité, le Président de la République, qui ne fait plus mystère de sa volonté de briguer un autre bail de cinq ans pour Koulouba, n’a d’autres choix que de jouer son va-tout sur ces deux questions. Et pour cause. S’il a été élu à plus de 77 % des voix par les Maliens, score qu’il a rappelé à suffisance, ce n’était que pour deux choses : le retour de la paix et la restauration de l’autorité de l’Etat. Il est vrai qu’en 2013, il s’agissait là de deux objectifs titanesques, mais, tout de même, deux objectifs pour lesquelles il s’est présenté comme étant le mieux placé pour les atteindre. Les électeurs ont mordu à l’hameçon, car leur soif de retour de la paix, de rétablissement de l’autorité de l’Etat et d’endiguement de la corruption n’avaient d’égal que leur impatience à les voir se réaliser. Il n’a pas fallu longtemps pour que le citoyen lambda s’interroge sur la volonté et la capacité du président élu à tenir promesse. La manière chaotique de conduire le processus d’Alger, les scandales du marché des équipements militaires et de l’avion présidentiel, la déroute de Kidal, les retards pris dans l’application de l’accord pour la paix et de réconciliation et les différends coups de canifs des mouvements armés, ont installé le doute, voire le désenchantement. En tout état de cause, les résultats obtenus sur le plan du rétablissement de la paix de 2013 à nos jours sont tels que, aboutir en quelques mois à un résultat significatif dans ce domaine se conçoit difficilement.
Pour ce qui concerne la situation dans le centre du pays, ne serait-ce que parler « d’endiguement de l’insécurité grandissante » est à la fois un aveu d’échec pour le gouvernement et un désaveu pour ceux qui, soutenant à tue-tête le projet de réforme constitutionnelle, parlaient tout au plus d’insécurité résiduelle. Tout compte fait l’insécurité, limitée en un moment donné au nord du pays et à sa lisière, est en train de couler vers le sud et il faut au plus vite une solide et franche pour le contenir.
Une autre tâche assignée au nouveau gouvernement, est l’accélération des actions d’urgence en faveur de la demande sociale. Second mandat oblige ! Si cette demande ne s’était pas faite très pressante au début du mandat, c’était sûrement à cause des questions de paix et de sécurité placé en avant, et à juste titre, comme vitales pour le pays et son peuple. Etant donné que le bilan sur le plan paix et sécurité tarde à se consolider, le front de la demande sociale devient le nouveau terrain où le gouvernement va chercher à engranger des crédits. Stratégie d’autant plus payante que ces actions sont du genre à toucher immédiatement, voire directement, l’électeur.
Quant à l’organisation d’élections, de toutes les tâches assignées au gouvernement, elle est la plus cruciale et, aussi, celle qui est la résultante des trois autres. S’il est impensable de ne pas tenir les élections programmées en 2018, notamment la présidentielle, il n’est pas concevable qu’elles puissent être organisées sans des avancées significatives sur le plan paix et sécurité ; elles ne peuvent pas être gagnées sans une satisfaction minimale de la demande sociale. En dépit des reports répétitifs des précédentes tentatives, qui jettent le doute sur la capacité du gouvernement, celui-ci a-t-il d’autre choix que d’organiser des scrutins transparents, crédibles et apaisés. Telle est la quadrature du cercle.
Modibo Diallo