La soirée « balani » ou « balani show » est une réjouissance juvénile et citadine qui inonde depuis bien longtemps, les rues de Bamako au point même de constituer le plus souvent, une entrave systématique à la circulation des personnes et leurs biens, au vu et su de tous. Autrement, une discothèque à ciel ouvert, au grand plaisir des plus jeunes. Cette autre manifestation mondaine de notre ère, est à ne point confondre avec l’authentique « balani » de nos ancêtres où l’instrument typique du Balafon était utilisé tout au long de ladite réjouissance, servant de simple détente vespérale ou joué au cours de certaines grandes cérémonies du village dans le cadre stricte d’une expression identitaire propre à pérenniser un vecteur culturel majeur faisant la fierté de tout un terroir. Aujourd’hui, la connotation attribuée, en zone urbaine, à ce merveilleux folklore, a presque atteint le summum de la perversion. Une vraie « école » de débauche !
En effet, l’on se demande avec récurrence comment notre identité culturelle a pu tomber aussi bas, comme si notre existence s’était manifestement transformée en un rêve sans réveil. D’où nous sortent franchement, des modes de vie ou formes d’expression sociale aussi aliénantes, ne visant fondamentalement qu’à phagocyter notre humanisme et inhiber notre véritable élan vers le progrès ? La réponse adéquate à une question complexe conduirait théoriquement la conscience collective à se remettre sérieusement en cause en vue de mieux se positionner face aux vrais enjeux de l’Education et le Développement. Les villes maliennes, en particulier celle de Bamako, sont certes submergées de phénomènes immondes et dégradants, mais les insanités des soirées « balani » font indubitablement partie de nos jours, des goûts les plus pervers des adolescents. Si les cabarets et autres lieux de jouissance nocturne sont traditionnellement réputés pour n’être réservés qu’aux adultes, le « balani show » reste un événement favori des plus jeunes dont l’éducation est parfois loin d’être arrivée à maturité, donc profondément influençables. La popularité impressionnante d’un phénomène social devenu visiblement dangereux pour le bien-être moral et intellectuel de l’adolescent, s’explique en première instance, par le fait qu’il soit totalement gratuit d’accès. Le « balani » est un lieu où les jeunes gens s’acharnent à rivaliser d’adresse afin de pouvoir produire le maximum d’impression sur la foule. Parmi ces impressions, nul n’est besoin de signaler que très peu sont vertueuses car ce ne sont, en grande partie, que des danses exhibitionnistes, des obscénités verbales, des « concours » de drague entre sexes opposés etc. Sur certaines scènes de « balani show », les jeunes filles les plus extraverties qui arriveront à exposer au maximum, leurs parties intimes ou se livrer à la plus longue orgie, se verront « glorieusement honorées » comme vedettes de la soirée. D’où l’évidente conséquence pour celles-ci, de présenter désormais, de véritables objets de convoitise sexuelle aux yeux de l’assistance masculine. Et voilà grand-ouverte, la porte aux pires formes de dépravations chez la jeune adolescente ! Les indécences verbales sont le plus souvent, l’apanage des animateurs (disc joker ou DJ) de ces « balani show » au point où l’on en vient, des fois, à s’interroger si certains de ces individus égarés sont vraiment issus d’une famille humaine, tant leur démence morale peut être stupéfiante. Rien ne servirait de mentionner à quel point certaines de leurs grossièretés peuvent offusquer des voisins ou riverains de ces espaces malsains. D’innocents adolescents, à qui l’on devrait naturellement enseigner chaque jour, des notions pertinentes de culture générale, se trouvent être immoralement soumis à des « tests » de drague ou sex-appeal lors de ces soirées « balani ». « Rivalités » au cours desquelles, tous les surenchérissements sont permis pour affirmer sa « virilité » ou démontrer son « aisance matérielle ». Et voilà ainsi tracée, la voie de toutes les frivolités chez le jeune adolescent ! Une incartade sans frein qui le mènera tôt ou tard à sa propre déchéance. Pis, il existe bien des parents qui prennent plaisir à assister à des scènes aussi tristes, applaudissant même ceux ou celles dont l’audace ou la fougue aura le plus fait « vibrer » le public. En termes de répercussions sociales, l’on ne devrait donc plus se tracasser à rechercher les causes réelles du taux de plus en plus élevé d’échecs scolaires, ouvrant librement la voie aux formes les plus regrettables de la déperdition dans une société. Comment la famille, constituant en principe, le premier lieu de socialisation de l’individu, parviendrait-elle à instituer chez celui-ci, les vraies bases de la personnalité morale, si elle-même reste passive ou même complice d’un phénomène culturel aussi déconstruisant ? Au plan politique et institutionnel, comment l’Etat réussirait-il à inculquer aux jeunes, les vraies valeurs d’une citoyenneté exemplaire, si aucune mesure n’est adoptée par les décideurs publics pour amoindrir les dégâts d’une pratique populaire aussi indigne d’une nation où quasiment tout est à refaire ?
Le « balani show », comme on le perçoit bien à Bamako et dans plusieurs autres contrées du Mali, ne saurait, en rien, s’assimiler à un quelconque exploit identitaire. Bien au contraire, il ne s’identifie qu’à une sorte d’«initiation » des adolescents aux formes avancées de la débauche, au regard de toutes les démesures ou impudeurs dont il est devenu, à n’en point douter, l’un des terreaux privilégiés. En dernière instance, il reste bien certain que le devenir de la Jeunesse aura décidément de la peine à se bâtir dans un environnement aussi désinvolte. Un cadre socio-culturel foncièrement destiné à « bousiller » les repères.
Modibo Kane DIALLO