Dans une contribution de belle facture, M. Amadou Traoré dit Amadou Djicoroni décortique les causes profondes de la crise malienne, du coup d’Etat du 19 novembre 1968 au coup de force du 22 mars 2012, en passant par la gestion calamiteuse des démocrates de juin 1992 au 22 mars 2012. Non seulement, il propose des réformes institutionnelles pour que notre pays se relève, mais ne souhaite pas la tenue des élections au mois de juillet. Nous vous proposons la suite et la fin de cette première partie de la contribution de Amadou Djicoroni.
S’agissant des solutions qui ont été choisies a partir de 1989, n’oublions pas que c’est le régime de Moussa Traoré qui a initié les négociations de Tamanrasset avec l’Algérie comme médiateur. Ce sont les décisions issues de ces négociations (programmes spéciaux de développement pour le Nord exclusivement ; intégration sauvage de prétendus combattants rebelles avec des grades fantaisistes, dans l’armée, la sécurité, la douane, l’administration et dans les hautes institutions de l’Etat ; versement de fonds importants à de soi-disant notabilités nomades chargées de traiter avec les preneurs d’otages ; retrait de l’administration et des forces armées maliennes de tout le Nord, etc.) qui sont à l’origine de tous les accords qui ont suivi et qui sont autant de dérives ayant nourri les forces qui sèment la désolation aujourd’hui à Kidal, à Gao, à Tombouctou et ailleurs au Mali. Ni Alpha ni ATT n’ont été des initiateurs de cette solution. Ils n’en sont que des continuateurs plus excessifs par démagogie ou par naïveté.
C’est pourquoi la thèse qui consiste à limiter les dégâts aux seules 20 dernières années est inacceptable. Et dire que si Moussa était là, les choses se passeraient autrement est faux. Avec 22 ans de destructions ajoutées aux 23 ans qui ont provoqué la révolution de mars 1991, le Mali serait dans un état de délabrement plus prononcé qu’aujourd’hui. Il faut d’ailleurs souligner que ce sont les anciens cadres militaires et civils du CMLN et de l’UDPM recyclés dans l’ADEMA, puis dans le Mouvement citoyen et dans le PDES après avoir noyauté le mouvement du 26 mars, qui ont poursuivi leur tâche néfaste au détriment des intérêts du peuple y compris par rapport à la rébellion.
L’acharnement à circonscrire le mal dans les 20 dernières années n’est en réalité, que la manifestation de la volonté de couvrir les crimes des 23 années qui les ont précédées avec en plus le secret désir de blanchir le régime de Moussa afin d’ouvrir un boulevard pour ses continuateurs. C’est une vaine tentative.
Aujourd’hui une certaine presse internationale et des organisations étrangères se disant préoccupées de droits de l’Homme parlent d’exactions contre des Tamasheq et des Maures. Où étaient-elles pendant toutes les rebellions qui ont fait tant de victimes innocentes au Mali depuis plus d’un demi-siècle ? Pourquoi n’ont-elles jamais réagi quand les rebelles commettaient leurs crimes contre les populations civiles et l’administration maliennes en 1963, en 1989, en 1996, en 2006, en 2012 et 2013 ?
L’initiative de prendre des armes et de déclencher la guerre à plusieurs reprises, causant de nombreuses pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants dans un pays, n’est-t-elle pas en soi un crime contre l’humanité ? Dans quel but cette presse et ces organisations ferment-elles sciemment les yeux sur le calvaire des populations maliennes y compris les nomades du Nord, cependant qu’elles jouent allégrement le rôle de caisse de résonnance de la propagande des rebelles et de leurs suppôts jihadistes et narcotrafiquants ?
Ce sont les rebelles qui attentent aux droits des hommes, des femmes et des enfants, ainsi qu’au droit du Peuple du Mali de vivre en paix et dans l’unité, sur son territoire hérité de ses ancêtres.
Au Mali, il y a de nombreuses ethnies : Sonrhaï, Dogon, Toucouleur, Touareg, Dafihng, Bamanan, Minianka, Arabe, Sénoufo, Bwa, Maures, Shèmu, Mossi, Diakanké, Soninké, Mandeka, Khasonké, Kakolo, Bellah, Bozo, Somono, Samogo, Gana, Peuhl, etc. Elles ont toujours vécu ensemble dans la paix, l’harmonie la plus totale, l’amitié et la fraternité.
Dans son ouvrage intitulé «Afrique Noire Occidentale et centrale» l’historien Français Jean Suret-Canale écrit à la page 130 :
«Voilà pourquoi Ibn Batouta pouvait encore écrire au XIVème siècle à propos de l’empire du Mali : «Dans toute l’étendue du pays, il règne une sécurité parfaite ; on peut y demeurer et voyager sans craindre le vol ou la rapine.»
C’est la qualité des rapports entre les populations du Mali et leur unité de volonté qui ont permis la réalisation de la victoire sur le colonialisme en 1960. Interrogés comme toutes les collectivités soudanaises par la direction de l’US- RDA à la veille du congrès du 22 septembre 1960, sur leur avis quant à la perspective de proclamation de l’indépendance, les notables Tamasheq ont répondu :
«Vous comme nous, nous nous sommes toujours battus contre l’occupation coloniale. Nous avons toujours vécu ensemble sur cette terre qui nous est commune ; mais, c’est à vous qu’on doit poser la question car nous au Nord ici, nous n’avons jamais accepté la colonisation ; vous qui vous habillez comme les Toubabs (Européens), vous qui parlez leur langue, qui mangez comme eux, qui habitez des maisons comme les leurs, c’est à vous qu’on doit demander si vraiment vous êtes prêts à aller à l’indépendance ! Retournez donc à Bamako et dites à nos dirigeants, que nous sommes plus pressés qu’eux.»
Voilà ce qui a été dit à la délégation que le ministre de l’Intérieur Madeira Keïta a conduite pendant plusieurs semaines dans les zones nomades du nord du Soudan en 1960.
L’adoption de la devise « Un peuple, Un But, Une Foi » vise à traduire la réalité de la densité des liens entre tous les Maliens. Le «sanankouya» (cousinage) existe entre toutes les ethnies et les classes d’âge, consacrant la bonne humeur et l’interdiction de se nuire les uns les autres.
Depuis 1960, quelle ethnie ou tribu noire a pris les armes contre les autres pour quelque revendication que ce soit ?
C’est seulement parmi les Touareg que se sont formés des groupes qui ont osé prendre les armes contre le pays entier. Et pas qu’une fois. Une fois en 1963, une autre fois en 1989, une troisième fois en 1996, encore en 2006 et cette fois-ci en 2012.
Chaque fois, tout le reste du Mali ne fait que les subir, alors qu’ils sont minoritaires même au sein de leur communauté qui, elle-même, est entièrement prise en charge par le travail des autres Maliens.
Comment s’étonner alors, que le peuple souverain y compris les Touareg patriotes qui sont la majorité, réagisse fermement ?
A l’égard de celui qui pointe son arme contre le drapeau, le pays et le peuple en formulant des exigences outrancières, quoi faire d’autre que d’appliquer l’injonction de l’Hymne national qui dit :
«Si l’ennemi découvre son front,
Au-dedans ou au dehors,
Debout sur les remparts,
Nous sommes résolus de mourir !»
Il n’y a pas d’autre alternative. Quel pouvoir légitime accepte que des groupuscules terroristes sévissent librement sur son territoire au nom de quel principe de droit de l’homme ? Comment se passent les choses : en France avec les séparatistes corses, en Espagne avec les basques, en Bolivie avec les FARK ?
Le Mali se défend et défend les mêmes valeurs que les pays où résident les donneurs de leçons au mépris de la dignité et de la souveraineté de notre peuple.
Les problèmes qu’affrontent les régions nord du Mali ne sauraient être réduits à un simple exercice d’approfondissement de la démocratie par la voie d’une décentralisation administrative et politique.
Il s’agit de donner des réponses cohérentes à des questions aussi graves que la volonté de sécession de quelques groupes racistes soumis à des nébuleuses terroristes, de protection d’intérêts économiques et stratégiques vitaux de la Nation, de risques éventuels d’unifications à bases raciales permettant à des puissances Étrangères d’accaparer des portions de notre territoire national.
Il s’agit de lutte pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Mali, de lutte contre des narcotrafiquants, des jihadistes intolérants et des terroristes de tout poil.
Et cela ne fut compris ni par le régime de Moussa Traoré, ni par les autorités de la IIIème République, préoccupés qu’ils étaient, d’obéir à la volonté de l’étranger pour paraître comme de bons élèves, plutôt que de sauvegarder les intérêts vitaux du peuple Malien.
La situation à laquelle nous faisons face, est complexe ; elle est profonde ; elle n’a que trop duré.
Il ne faut pas avoir l’illusion de pouvoir la régler facilement et rapidement. Il est nécessaire donc d’adopter de bonnes solutions, se préparer à une lutte longue, dure, multiforme, agir avec constance et dextérité.
La victoire est possible. Mais elle exige une bonne organisation du peuple, sous la direction d’une bonne équipe de patriotes convaincus, bénéficiant de la coopération de nos frères africains et de nos nombreux amis à travers le monde.
Le 17 avril 2013
Amadou Seydou TRAORE
Libraire éditeur
Tél : (223) 76 05 76 67
E mail : aslaruche@yahoo.fr
Que Dieu vous donne longue vie et la force nécessaire pour nous éclairer Doyen. Le Mali a trop souffert de ses enfants
Merci beaucoup Monsieur Traoré pour cette belle contribution!
Nous avons toujours besoin de gens comme vous pour nous éclairer, Le Mali a besoin de vous ( anciens compagnons de Modibo keita, en ces moments difficiles.
J’ aurais aimé vivre à votre époque , car je ne me reconnais nullement dans le Mali et les Maliens d’ aujourd’ hui.
Il est impératif de réhabiliter l’ homme malien , pour que nous soyons dignes de notre passé si glorieux, et de nos ancêtres si dignes et si fiers.
Quand on pense que ce pays a sans chauvinisme écrit l’ une des plus belles pages de l’ histoire de L’ Afrique…..
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