Suite à une crise de jalousie, il avait poignardé trois fois son épouse qui n’a pas survécu.
La première journée de la deuxième session de la Cour d’assises de Bamako a été marquée, jeudi dernier, par la comparution de Sinè Kanté à la barre. L’homme âgé de 27 ans est accusé d’avoir donné en 2009, trois coups de couteau ayant entrainé la mort de son épouse Fatoumata Kanté. Les faits se sont passés à Kantébougou-Flamdougou, dans la région de Kankan en République sœur de Guinée. L’auteur du crime est cultivateur de son état. Il soupçonnait sa femme d’entretenir une relation amoureuse avec un certain Sékou Diallo, habitant le même village. A plusieurs reprises, il demanda à l’épouse présumée infidèle d’arrêter cette relation. Mais apparemment, la dame n’en avait cure. Elle ne suivra pas non plus les mises en gardes formulées par des personnes de bonne volonté. Le mari « cocu » avait mis en route plusieurs canaux de persuasion dans le but de mettre fin à l’adultère de son épouse qui lui a donné deux enfants. Une nuit, pendant qu’il se trouvait dans la toilette, il entendit sa femme discuter avec son amant derrière la maison. La causerie tournait autour du prochain rendez-vous amoureux entre les deux amants. Ce comportement violait l’accord sacré passé entre le mari et l’épouse au début de leur vie conjugale. Les conjoints avaient juré que « le premier à surprendre l’autre en flagrant délit d’infidélité avait le loisir d’envoyer le parjure en enfer ».
Fort de cet accord, Sinè Kanté retourna dans sa chambre. Il prit un trousseau qui comprenait un couteau suisse. Il alla à la rencontre de sa femme, Fatoumata Kanté, qui revenait dans l’obscurité, de son rendez-vous avec Sékou Diallo. Sans lui donner le moindre temps de se défendre, l’homme jaloux donna trois coups de couteau au bas-ventre de son épouse. La femme, malgré ces blessures parvint à courir pour aller mourir dans la cour familiale. Le tueur Sinè Kanté disparut la même nuit pour réapparaître deux semaines plus tard dans le placer de Kola, dans le cercle Bougouni. Interpellé ici, il reconnut les faits. Mais il a déclaré avoir regretté l’assassinat de Fanta Kanté, car il aimait bien sa femme. Il a plaidé avoir commis ce crime à la suite d’une crise de jalousie. Sinè Kanté a été inculpé de coups mortels. Mais les faits ont été requalifiés au niveau de la Cour d’appel de Bamako en meurtre, voire en assassinat. C’est la thèse soutenue par l’avocat général Alfissény Diop qui occupait jeudi dernier, le banc du ministère public. A la barre Sinè Kanté reconnaitra les faits. Il parlait distinctement, mais une certaine amertume était perceptible dans sa voix. Un conseiller du président de la Cour a voulu savoir « pourquoi Sinè Kanté ne s’était pas adressé à Sékou Diallo pour lui demander de laisser sa femme en paix ? ».
L’accusé a répondu en ces termes : « c’est un Peulh et vous savez que les peulhs sont compliqués ». « Et si vous l’aviez trouvé en train d’entretenir des relations sexuelles avec votre femme ? », a interrogé le président. « J’allais sûrement mourir ce jour-là. Je n’aurais pas pu me maîtriser », a-t-il répondu, la tête baissée. L’audience était présidée par Moussa Sara Diallo. Il était assisté de deux conseillers magistrats professionnels, Kamifily Dembélé et Mama Diarra et des assesseurs Awa Coulibaly, Moussoukoura Koné, Moussa Sidibé et N’Golo Dao Jonas. La Cour a procédé à la dernière instruction du dossier, comme il est de coutume en Cour d’assises, pour faire jaillir la vérité. Mais cette instruction à la barre ne fut pas complète, a estimé le défenseur de l’accusé, Me Kalifa Yaro. Cet avocat très inspiré ce jour-là et en réponse au réquisitoire du ministère public s’est attelé littéralement à enfoncer le clou en faveur du ressortissant guinéen. Il a plaidé que le procès de jeudi manquait d’équité. Car pour qu’un procès soit équitable, la Cour a besoin de contradiction.
Dans le cas d’espèce, il manquait quatre éléments essentiels : un procès verbal de gendarmerie, un ou des scellés, des témoins et le certificat de décès de la victime. « Tous ces éléments indispensables dans un procès en assises manquent. Je vous demande, monsieur le président de vous déclarer incompétents pour rendre ce jugement. Je vous le demande parce que vous n’avez pas tous les éléments pour rendre une justice équitable », dira Me Yaro. Il était donc question de répondre aux interrogations résultant des débats. Des questions relatives au maintien dans les liens de l’accusation et à l’existence de circonstances atténuantes pour l’accusé. La Cour dans sa majorité a répondu par l’affirmative aux deux principales questions. Il a condamné Sinè Kanté à dix ans de réclusion. Le condamné va purger huit ans de pison puisqu’il en a déjà effectué deux en détention préventive. A la sortie de l’audience, Me Yaro n’était pas satisfait de l’arrêt rendu. Il avait la conviction que son client, pour qui il a demandé cinq ans au plus, assorti d’un sursis sur trois, ne méritait pas cette peine de dix ans de réclusion criminelle, puisque la Cour lui a reconnu des circonstances atténuantes. « Sinè aurait été un gros morceau, il serait renvoyé dans son pays où il a commis son crime. Mais puisque c’est petit pion, il a été jugé ici (au Mali : ndlr) alors même que tous les éléments pour un procès équitable manquent », a soutenu l’avocat, tant dans la salle d’audience que devant un grand public de curieux après le procès.
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GUIMBALA SISSOKO PREND CINQ ANS
La deuxième affaire du jour a opposé le ministère public à Guimbala Sissoko accusé de coups mortels sur sa femme. En 2010, Guimbala Sissoko vivait dans les liens de mariage religieux avec Mariam Camara. Le 2 avril de la même année, une dispute les opposa. Le couple s’injuria copieusement avant de se battre. Au cours de la bagarre, Guimbala Sissoko fit prévaloir ses muscles. Il battit sa femme qu’il accusait d’avoir tenté de le poignarder. Il l’avait désarmée et continua à la battre. L’épouse échappa et prit la fuite pour chercher protection auprès des voisins. Le couple habite Sébénikoro en Commune IV du District de Bamako. Dans sa course pour se sauver, la dame tomba lourdement et se blessa. Elle sera transportée à l’hôpital où elle décédera quelques instants après au service des urgences. A l’instruction comme à la barre, l’accusé a reconnu avoir assené des coups de poings et non pas des coups de pied. Mais cette déclaration a suffi au juge instructeur pour l’inculper. La Cour l’a maintenu dans les liens de l’accusation en lui accordant toutefois de larges circonstances atténuantes. Le violent mari a écopé de cinq de prison ferme.