Santé publique :Entretien avec Yin Chun Liu : Les conséquences liées à l’utilisation du cathéter dans les structures sanitaires au Mali

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Madame Ying Chun Liu : Je propose comme solution, l’utilisation du bouchon hépariné car cela peut éviter toutes complications. Notre étude sur 100 patients nous a permis de retrouver les complications immédiates liées à l’utilisation du cathéter simple lors des perfusions.

photo yin Les valeurs statistiques retrouvées sont significatives (P<0.001) La Méthode que nous avons utilisée est la suivante : nous avons colligé 100 patients hospitalisés pendant la période de Juillet 2012 à Décembre 2012 dans les services d’hospitalisation de l’hôpital du Mali qui ont été repartis en 2 groupes pour une analyse comparative. Le groupe témoin (n=50) n’a pas utilisé le bouchon hépariné, Le groupe expérimental (n=50) a utilisé le bouchon hépariné pendant les séances de perfusion. L’ablation des cathéters après les perfusions est réalisé  3 ~ 12h après l’arrêt des perfusions. L’observation du thrombus dans la lumière du cathéter est effectuée, et le cathéter est repris à l’échantillonnage aléatoire pour réalisation de culture bactérienne dans les 2 groupes. L’âge moyen des patients était de 45 à 32 ans. Le sexe masculin représentait 45 cas et le sexe féminin est de 55. Dans le groupe témoin, 3 patients ont développé une phlébite, 2 patients ont présenté un œdème local avec douleur localisée et une infection autour du cathéter intraveineux, 2 patients ont développé une thrombophlébite confirmé à l’échographie, 1 patient a développé une thrombose de la veine sous Clavière droite et 1 autre patient une thrombose fémorale du membre Inférieur. Alors que chez les patients du groupe expérimental (ayant utilisé le bouchon hépariné) nous n’avons trouvé aucune infection péri cathéter ni des cas de thrombose. Autrement dit : dans le groupe témoin des 50 patients n’ayant pas utilisé le cathéter avec le bouchon hépariné nous avons constaté  un thrombus dans la lumière du cathéter dans 36 cas, l’examen de culture bactérienne était positif dans 90% des cas, tandis que chez les 50 patients du groupe expérimental ayant utilisé le bouchon hépariné, on a retrouvé seulement 3 cas de thrombose du cathéter et noté une absence totale de germe dans l’examen bactériologique.

 

photo grpe

Le Flambeau : A quoi cela est-il lié ?

 Madame Ying Chun Liu : au cours de la discussion, il a été constaté que 72% des patients chez qui le bouchon hépariné n’a pas été utilisé ont présenté un thrombus du cathéter et seulement 4% pour les patients du groupe expérimental. Ce résultat obtenu pour le groupe expérimental s’explique par le fait que le cathéter n’a pas été rincé correctement après la perfusion ce qui a entrainé un retour de sang veineux dans le bouchon hépariné. Lorsque le cathéter est bien rincé, son utilisation peut être prolongée avec le bouchon hépariné et permet également d’éviter les complications. Son mauvais usage peut provoquer une thrombose du cathéter réduisant ainsi son temps d’utilisation. Il est cependant très difficile de rincer correctement le cathéter simple portant un double orifice avec une fermeture pendante (ce qui est utilisé ici au Mali). Le retour sanguin dans le cathéter est observé par la différence de pression dans le cathéter et entraine donc la formation du thrombus. La thrombose peut directement obstruer la lumière du cathéter empêchant ainsi de réaliser la perfusion. Par ailleurs, de petits caillots peuvent se détacher sous pression entrainant souvent des risques d’embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde et d’autres complications dangereuses. Dans le groupe témoin, nous avons enregistré 1 cas de thrombose veineuse profonde du membre supérieur droit ou le cathéter avait été placé.                                                       La phlébite est une complication fréquente et souvent grave rencontrée dans l’utilisation du cathéter intraveineux. L’incidence est de 2% à 26 %. Il existe une relation entre la durée de la mise en place du cathéter et l’apparition des phlébites.

 

Le Flambeau : quel doit être alors la durée de l’utilisation du cathéter ?

 

Madame Ying Chun Liu : Aux USA, la durée des cathéters est de 3 jours. La revue de la littérature en chine rapporte un délai de 5 jours. En général, la durée de la mise en place du cathéter ne doit pas excéder 3 à 5 jours.

 

Le Flambeau : quelles autres complications peuvent être liées à l’utilisation des cathéters ?

 

Madame Ying Chun Liu : En dehors de l’effet inflammatoire des médicaments, l’asepsie pendant la mise en place et l’utilisation du cathéter est aussi un facteur primordial de l’apparition des phlébites. Au cours de notre recherche, nous avons constaté que chez 90% des patients du groupe témoin n’ayant pas utilisé le bouchon hépariné que la culture bactérienne est positive. Nous avons également retrouvé différents types de bactéries comme l’escherichia colli ; le pseudomonas aerosinosa etc.

 

 

Le Flambeau : quel message souhaiteriez-vous adresser aux autorités sanitaires ?

 Madame Ying Chun Liu : Nous avons malheureusement constaté que jusqu’à nos jours, le bouchon hépariné n’est pas utilisé dans les structures sanitaires au Mali. Alors que cela ne représente presque rien en termes d’argent. Le cathéter avec fermeture utilisée au Mali comporte 2 orifices avec deux fermetures mobiles. Dans son utilisation multiple, il est très facile d’infecter les fermetures aussi bien que les orifices du cathéter entrainant très souvent les phlébites. La présence de sang dans le cathéter est un milieu de culture qui favorise également l’apparition des phlébites. Que les autorités approfondissent la réflexion sur la question et mettent à la disposition du personnel soignant le cathéter avec le bouchon hépariné. Au personnel soignant, je les invites à diminuer considérablement les ouvertures répétées du cathéter afin de ne pas polluer et infecter celui ci. Le bouchon hépariné est fermé de façon hermétique empêchant ou réduisant toute possibilité de pollution du cathéter.

 

Pour les  mesures de prévention de la thrombose du cathéter, il faut fermer le régulateur de débit à la fin de la perfusion. On utilise 10 ml de sérum physiologique pour rincer le cathéter. 5 à 6 ml de sérum sont injectés lentement et secondairement.  2 à 3 ml rapidement injectés qui seront maintenus dans la lumière du cathéter juste pendant 1 seconde. Il faut répéter cet exercice 2 à 3 fois puis injecter 1 à 2 ml à travers le bouchon hépariné qui est replacé. Au Total 15 ml de sérum suffisent pour le rinçage du cathéter.  Le rinçage correct du cathéter  permet de l’utiliser de façon correcte et efficace.  Lorsque le sérum physiologique est utilisé pour la perfusion, il est recommandé juste avant la fin de la perfusion d’injecter rapidement une bonne quantité de sérum et de retirer lentement l’aiguille du bouchon hépariné. Lorsque la perfusion n’est pas possible, il faut rapidement aspirer dans la lumière du cathéter avec une seringue. Si le bouchon n’est pas perméable, il est préférable de le remplacer. Il ne faut jamais injecter de force ou purger dans le cathéter ce qui pourrait entrainer la migration des caillots. Pour les mesures de prévention de l’infection du cathéter, il faut utiliser 2% de povidone iodée pour désinfecter de l’intérieur vers l’extérieur la surface cutanée sur environ 8 cm de diamètre. Après séchage de la peau, procéder à la prise de la voie veineuse.  Il est recommandé de désinfecter correctement la surface du bouchon hépariné avec le povidone iodé 2% ou l’alcool à 70° avant chaque utilisation pour la perfusion. Il faut maintenir le cathéter fermé par le bouchon hépariné et réduire ou empêcher l’ouverture inutile et faire attention aux règles d’asepsie dans les manipulations du cathéter. Maintenir propre et sec le sparadrap utilisé pour la fixation du cathéter.

 

Le Flambeau : Quel est votre dernier mot ?

 Madame Ying Chun Liu : L’utilisation correcte du bouchon hépariné sur les cathéters périphériques pendant les perfusions est une pratique courante dans les pays développés et aussi dans plusieurs pays en développement selon un consensus international établi. Toutefois, pour des raisons économiques, au Mali le cathéter de perfusion est simplement utilisé sans l’association du bouchon hépariné. Le plus important est le concept de la méconnaissance de son utilisation au sein du personnel infirmier. Il est donc urgent de l’introduire et de renforcer la formation des infirmiers maliens dans l’usage du bouchon hépariné, ce qui réduira les complications telles que la thrombose veineuse, la phlébite, les embolies pulmonaires etc.…

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