A longueur de jours, de mois et d’années, des personnalités de ce pays sont épinglées, très souvent à tort, par les médias, les radios se faisant un devoir délectable de relayer à foison des articles accusateurs, infamants, diffamatoires et salissants. Souvent, ils reçoivent des «droits de réponse», qu’ils ne publient pas toujours, ou auxquels ils se font un autre plaisir de répliquer.
Il y a quelques temps, deux députés, Mamadou Awa Gassama et Deyti Ag Sidimo ont largement été cités par la presse comme étant impliqués dans quelques «affaires». Personne n’a entendu ces deux Messieurs protester ou ester. Mais, il a fallu qu’un autre député soit épinglé par la presse, accusé par un policier d’agression et d’injures, pour que diverses voix se lèvent, fustigeant la police et vouant aux gémonies les journalistes qui ont osé ébruiter l’affaire. Pourquoi ?
La raison est fort simple : le député en question, Yaya Sangaré, serait, avant toute autre considération, un journaliste exemplaire qui ne ferait pas de mal à un cafard ou à une mouche. C’est un de ses petits copains et confrères, qui milite avec lui dans une coopérative culturelle de la place, qui le révèle. Et si ce dernier dit vrai (le doute est permis, le Monsieur n’étant pas toujours lucide), et si le rapport de police également dit vrai, c’est que le député a plus de considération pour les mouches et cafards que pour les policiers. Mais, notre propos n’est pas de trancher la question de savoir qui de Yaya Sangaré ou de Sadio Kanouté dit vrai.
Non à l’incivilité et à la bêtise humaine !
En fait, il nous a paru intéressant de nous pencher sur les faits que le corporatisme et le communautarisme sont en train de prendre des allures infernales dans ce pays. Il a fallu qu’un journaliste soit mis en cause dans une affaire relevant du droit commun pour que le milieu soit en émoi. Des journalistes font des sorties médiatiques et sautent sur des confrères. Des communiqués sont pondus, émanant «d’associations de presse». Au nom de la confraternité, on veut une action commune contre un policier qui, selon des témoins, a eu un comportement digne et exemplaire d’un agent des forces de l’ordre ; on demande la condamnation d’un acte citoyen et légaliste ; on réclame le soutien à l’incivilité et à la bêtise humaine. Là aussi, le corporatisme et le communautarisme se posent. Comme ailleurs.
Le Juge corrompu est couvert par ses frères Magistrats, lesquels rechignent toujours à le livrer au bourreau. Le policier véreux est protégé par ses camarades, qui le soustraient toujours au courroux populaire. Le Ministre trafiquant d’influence, magouilleur ou détourneur de biens publics est mis en congé d’expectative. Mais si par hasard, la presse venait à être mise au courant de ces différents comportements, elle les dénonce illico presto, en en faisant ses «choux gras».
Les journalistes sont toujours prompts à parler. Mais, c’est aussi cela leur vocation. Ils sont là pour le public. Or, si le peuple a droit à l’information, c’est parce que le journaliste est tenu au devoir de l’informer. C’est aussi simple que cela. Votre journal Le Prétoire, conformément à l’éthique et à la déontologie de la presse, en a fait son crédo, le seul qui vaille réellement. Ici, nous ne faisons pas de différence entre les citoyens : Ministres, Députés, Magistrats, citoyens lambda, riches et pauvres, tout le monde a droit au même traitement.
Jurez de dire la vérité, rien que la vérité !
Malheureusement, cela n’est pas le cas pour tout le monde. En effet, il y a des journalistes qui ne veulent pas parler. Ou, plus exactement, qui ne peuvent plus parler. Simplement parce qu’on les a fait taire. Nous ne parlons pas de ces «journalistes» qui, sous prétexte de recouper l’information, passent vendre leur silence, dossiers en main. Sous tous les cieux, cela s’appelle du chantage, un crime reconnu et puni par la loi. Je ne parle pas non plus de ces autres «journalistes» qui ont lié «amitié» avec quelques grands de ce pays, mais qui, en réalité, n’ont fait qu’acte d’allégeance. Ils passent régulièrement à la mangeoire bénéficier des reliefs de repas que les chiens du seigneur ont épargné. Et ceux-ci ne sont pas de simples journalistes. Ils sont en réalité des «patrons» de presse, des directeurs de publication. Par pitié et charité, on peut même justifier leurs actes, si condamnables soient-ils : leurs journaux ne sont pas vendus et, par conséquent, ne bénéficient pas des insertions publicitaires nécessaires à leur survie. Ils sont donc condamnés à se coucher et à se faire sponsoriser. L’ancien président de la République, fondateur de la Coopérative culturelle Jamana, serait passé maître dans l’art de créer et d’entretenir des publications dont les directeurs lui ont juré fidélité ad aeternam. Nous pensons en particulier à cet hebdomadaire, qui paraît régulièrement sans vraiment se vendre, dont le directeur sort les griffes à chaque fois que l’on s’attaque à son maître et seigneur Alpha Oumar Konaré. Normal, diriez-vous, c’est grâce à l’ancien chef d’Etat qu’il est sorti du ruisseau fangeux et boueux, et qu’il peut lever le coude à l’occasion.
Malheureusement, dans Le Prétoire, nous ne sommes pas du genre à éprouver de la charité et de la pitié pour les âmes égarées et tourmentées. Comme cela se doit dans un prétoire, il est de règle que la vérité soit dite, quel qu’en soit le prix. Ce n’est pas vain que de dire je le jure à cette injonction du juge : jurez de dire la vérité, rien que la vérité.
Confraternellement, vôtre.
Cheick TANDINA