La rentrée scolaire, prévue pour le 4 novembre 2024, a finalement eu lieu. Si les admis au DEF (diplôme d’études fondamentales) donnant accès à l’enseignement secondaire ne connaissent pas jusqu’à présent leurs nouveaux établissements d’accueil, les anciens ont repris le chemin de l’école. La rentrée scolaire, initialement prévue pour le 1er octobre, n’aurait pas pu se réaliser ce 4 novembre, n’eut été le coup de main du Ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation venu au secours de son collègue de l’Education nationale apparemment dépassé par les évènements.
En effet, le Général de division Abdoulaye Maïga a pris une décision en prélude à la rentrée scolaire. Dans une lettre circulaire, rendue publique, le jeudi 24 octobre 2024, adressée aux gouverneurs de régions, aux préfets de cercles et aux sous-préfets d’arrondissement, le Ministre d’État, ministre de l’administration territoriale et des collectivités locales a instruit aux représentants de l’État dans les 19 régions administratives, dans le district de Bamako, dans les 159 cercles et 474 arrondissements d’effectuer des visites au niveau de tous les établissements scolaires. Ces visites ont pour objectif de faire le point de la situation de disponibilité de ces établissements.
Dans cette mission, Général Abdoulaye Maïga a demandé aux représentants de l’État de se faire accompagner par les responsables régionaux et locaux de l’éducation (directeurs d’académies, directeurs de centres d’animation pédagogique), de responsables de comités de gestion scolaire, de responsables régionaux et locaux de la santé, des forces de sécurité et de représentants de l’urbanisme. Il s’agira pour ces responsables de faire l’état des lieux des espaces scolaires permettant de savoir ceux qui sont disponibles pour accueillir les élèves et ceux qui nécessitent une réhabilitation.
Aussitôt dit, Général de division Abdoulaye Maïga a donné le premier pas en visitant des établissements scolaires de Bamako. Parallèlement, d’autres membres du gouvernement ont fait le même exercice au même moment. Ce coup de main est très précieux, car il va accélérer les préparatifs de la rentrée scolaire. Des préparatifs qui relèvent normalement des missions régaliennes du ministère en charge de l’éducation. Cette décision du Ministre d’État vient donner un nouveau souffle aux efforts insuffisants du Ministre de l’Éducation nationale, Dr Amadou Sy Savané, qui semble être essoufflé, ou dépassé par la situation ou encore découragé par le report de la date initiale.
Une décision d’ouverture des classes relevant de l’amateurisme
La date initiale de la nouvelle rentrée scolaire avait été fixée au 1er octobre 2024 par le Ministre de l’Education nationale sans tenir compte de l’occupation des espaces scolaires par les victimes des inondations, ni de l’effondrement ou de l’inondation de certains établissements scolaires. Pourtant, quelques jours après sa décision n°2024-0001216/MEN-SG datant du 30 août 2024 fixant le calendrier de l’année scolaire, le comité interministériel de gestion des crises et catastrophes avait publié son 6ème communiqué.
Dans ce communiqué en date du 11 septembre 2024, il a annoncé que durant la période du 06 au 12 septembre 2024, il y a eu 27 cas d’inondations, 1817 cas d’effondrements. Ce triste bilan venait s’ajouter aux cas précédents, ce qui faisait au total 374 cas d’inondations, 29 644 cas d’effondrements et 179 949 personnes sinistrées. Malgré cette situation, le Ministre de l’Education nationale a maintenu sa décision de reprise de la rentrée scolaire. Et pourtant, les personnes sinistrées, victimes d’effondrements et d’inondations de maisons n’ont d’autres refuges que les établissements scolaires. Alors, Dr Sy Savané n’était-il pas au courant de cette situation de catastrophe naturelle ? Si tel est le cas, les populations n’ont pas manqué de le rappeler, à travers notamment les réseaux sociaux.
Le cas de dame Alima Dioba Togola a retenu l’attention de l’opinion nationale. Elle a interpellé directement le ministre de l’éducation nationale en l’invitant à faire un tour dans quelques écoles pour se rendre compte que celles-ci sont soit inondées, soit occupées par les sinistrés. Une interpellation de ce genre ainsi que plusieurs autres à travers les réseaux sociaux et les antennes des radios privées ont pris place dans les conversations quotidiennes des populations. A cela, une folle rumeur a couru que la rentrée scolaire a été reportée. Ayant appris cette rumeur qui s’est très vite propagée, le Ministre de l’Éducation nationale, à travers un communiqué, a rappelé l’opinion nationale que la date du 1er octobre est maintenue. Malgré la diffusion de ce communiqué, les populations n’ont pas baissé les bras. Elles ont continué à alerter les autorités en vue d’un report de la date de la rentrée scolaire. Ce qui a porté fruit. Car à quelques jours de la date initiale du 1er octobre 2024, le Ministre de l’éducation nationale, Dr Amadou Sy Savané, est apparu au JT de 20h de l’ORTM pour annoncer le report de la rentrée scolaire au 4 novembre. Et ce jour-là, les téléspectateurs ont dû remarquer que c’est un ministre désabusé qui a lu le communiqué. On ne reconnaissait pas ce grand intellectuel, professeur d’enseignement supérieur de son état, tant il lisait le communiqué dans une voix cassée et hésitante comme si c’était un collégien qui lisait. Beaucoup de maliens se sont posés la question de savoir pourquoi c’est lui-même qui est venu lire le communiqué de report alors qu’habituellement c’est le présentateur du journal TV qui en faisait la lecture, ou bien c’est le secrétaire général du Ministère de l’éducation nationale qui se chargeait de lire le communiqué. L’attitude du ministre lors de la lecture du communiqué s’expliquait, selon certaines sources, par le fait qu’il s’est senti humilié par ses employeurs, lui qui avait insisté, auparavant à travers un communiqué que la rentrée scolaire aura lieu à la première date indiquée qu’est le 1er octobre. Toujours selon les mêmes sources, il ne voudrait pas venir au JT pour se dédire, mais qu’il aurait été obligé par la hiérarchie, comme pour lui signifier que ‘’c’est vous qui aviez dit que la date initiale est maintenue et vous allez dire que cette date ne l’est plus’’. Quelle humiliation !
Point de l’état des lieux
C’est après ce camouflet que le Premier ministre, sur instruction du Président de la transition, a convoqué en réunion les membres du comité interministériel de Gestion des Crises et Catastrophes. C’était le mardi, 22 octobre 2024 à la primature. La réunion avait pour objet de présenter la situation actualisée des écoles occupées, inondées, endommagées et/ou effondrées sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, à la date du 21 octobre 2024, 126 écoles étaient-elles occupées, 60 libérées, 23 non fonctionnelles mais occupées, 43 restantes à libérer. Au titre des écoles inondées, il y en avait 187 dont 137 libérées des eaux, 6 non fonctionnelles et 44 toujours inondées.
Quant aux écoles effondrées et endommagées, elles étaient au nombre de 263. Le mardi, 29 octobre 2024, une autre réunion s’est tenue pour faire le point sur les préparatifs en cours. Il ressort de cette réunion que sur les 126 écoles initialement occupées par des sinistrés, 103 ont désormais été libérées et sont prêtes à accueillir les élèves. Toutefois, 23 établissements restent encore occupés et ne sont donc pas fonctionnels.
Par ailleurs, parmi les 187 écoles affectées par les récentes inondations, 181 ont été libérées et rendues accessibles tandis que 6 demeurent non opérationnelles en raison des dégâts persistants. Toutefois, lors de la réunion du mardi 22 octobre, le comité a fait des propositions de solutions qui ont déjà connu un début d’exécution selon les régions. Par exemple à Bamako, la distribution de tentes, le relogement des occupants des écoles dans des hôtels, à la Maison des pionniers, sous des hangars, sur le terrain de Badalabougou en plus de l’implication des maires et de l’accompagnement des partenaires techniques et financiers dont l’UNICEF.
A l’analyse de tout ce qui précède, l’on comprend que le Ministre de l’Education nationale s’est hasardé à fixer la date de la rentrée scolaire au 2 octobre ; sans au préalable se rassurer de la situation physique des établissements scolaires. Il a péché par amateurisme, sinon comment comprendre qu’un intellectuel de haut niveau comme lui et de surcroît qui a longtemps séjourné à l’extérieur du Mali, passe à côté. Dr Amadou Sy Savané est-il l’homme qui pourrait relever le défi de l’éducation nationale au Mali ?
Pas sûrement, surtout que la rentrée scolaire de cette année semble être compromise avec une éventuelle grève de la synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, une puissante plateforme syndicale qui peut complètement paralyser la marche de l’école.
Mariam Konaré