Rendu public, le 17 mars 2025, le Rapport de vérification financière sur la gestion de la CMDT, courant 2020, 2021, 2022, 2023 et 2024 (31 juillet) défraie la chronique. Imputable essentiellement au paiement, au stockage et à l’utilisation de pesticides non homologués, à la non-mobilisation de caution de bonne fin d’exécution, le montant des ‘’irrégularités’’ retenues est de 4 190 842 095 FCFA de nos francs. Le BVG reproche également à la holding la non-retenue de l’Impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, le paiement d’honoraires et de TVA indus et l’octroi ‘’irrégulier’’ d’appuis financiers à des structures. Cependant, par-delà le montant des ‘’irrégularités financières’’ contenu dans le rapport, c’est la remise en cause de certaines affirmations de l’Entreprise incriminée qui intrigue et attire de plus en plus les attentions.
L’équipe de vérification a reproché à l’administration de la holding la réception, le paiement, le stockage et l’utilisation de pesticides non homologués pour la campagne 2023-2024. Il s’agit des pesticides anti-jassides de type Ulala 500 WG, Jacobia 350 EC, Coryfène Max 350 EC, Flyer Plus 275 EC, utilisés pendant les deux campagnes précédentes, ce sur instruction des chercheurs de l’Institut d’Economie Rurale (IER) et conseil du Programme Régional de Production Intégrée du Coton en Afrique (PR-PICA). Ces produits utilisés dans tous les pays de la sous-région se sont avérés seuls à lutter efficacement contre les jassides ravageurs du cotonnier. Et, curieusement, le BVG reproche à la CMDT une irrégularité qui s’élève à 2 700 060 000 FCFA !
En effet, pendant la campagne 2022/2023, les zones de production cotonnière du Mali et des pays de la sous-région ont été confrontées à une pullulation exceptionnelle des jassides, nouvelles espèces, qui ont décimé plus de 50% de la production nationale de coton graine attendue. La production du Mali est passée de 777 120 tonnes à 389 716 tonnes de coton graine. Pour maîtriser ces nouvelles espèces de jassides, les chercheurs du PR-PICA ont proposé de nouvelles matières actives, dont l’utilisation nécessite une dérogation de l’Etat et une autorisation spéciale d’importation, en attendant l’homologation de ces produits. C’est ainsi que, suivant le Décret N° 2023-0261/PT-RM du 24 avril 2023, l’autorisation, à titre exceptionnel, a été accordée pour importer les produits anti-jassides au titre de la campagne 2023/2024. Il faut, par ailleurs, noter que c’est grâce à ces produits, qui ont montré leur efficacité, que la production cotonnière a pu être relevée en hissant le Mali au rang de 1er producteur de coton en Afrique au cours de la campagne 2023/2024 avec une production de 582 558 tonnes !
Ces produits, faut-il le préciser, ont franchi et sans le moindre problème, le cordon douanier. En cause, les fournisseurs en question avaient en leur possession le Décret n°2023-0261/PT-RM du 24 avril 2023 et l’Intention d’importation délivrée par la DGCC. Est-ce à dire qu’il y’a un problème de compréhension et d’interprétation du Décret n°2023-0261/PT-RM du 24 avril 2023 ? En tout état de cause, les deux entités (Douane et DGCC) ont fourni les explications aux vérificateurs. En effet, il ressort de leur contestation que «la mention campagne agricole 2023- 2024 couvre les années 2023 et 2024». Et c’est sur la base de ce Décret et avec la ferme conviction de sa reconduction, au regard de la psychose que les jassides ont laissée dans le monde des cotonculteurs, que des dispositions ont été prises en amont en vue de s’approvisionner en produits anti jassides pour la campagne 2024/2025.
La CMDT, selon ses explications, dans la dynamique de rehausser le niveau de la production cotonnière, voulait à tout prix éviter une campagne désastreuse à l’image de celle de 2022/2023. C’est après que les chercheurs du PR-PICA, dont ceux de l’IER, ont recommandé l’utilisation de ces produits anti-jassides par les 8 pays du Programme. C’est lors de sa 16e Réunion-bilan, tenue à Bamako, en avril 2024, qu’elle a annonce avoir lancé en août 2023 les appels d’offres y afférent, avec l’objectif d’alléger le coût de la campagne 2024/2025. Et de permettre aux camions qui transportent le coton vers les usines d’égrenage. Par exemple, en allant prendre le coton dans les coopératives, ces derniers amènent les besoins desdites coopératives en engrais et pesticides. Quant aux traites émises, d’un montant de 2 700 060 000 FCFA, elles n’ont pas été payées par la CMDT. En effet, par courrier confidentiel numéro 069-DFC-MHT du 5 décembre 2024 destiné à la BNDA, la CMDT a fait opposition aux 3 traites émises et n’a pas honoré la couverture des traites échues. Elle a également demandé aux trois fournisseurs, par courriers numéros 11059, 11060 et 11061-DFC-MHT du 11 décembre 2024, de faire retourner les traites. La CMDT, afin d’empêcher le paiement des traites en question, dit n’avoir pas fourni les fonds nécessaires pour leur couverture. Malgré ces explications bien fournies et détaillées, l’administration de la holding a fauté aux yeux des vérificateurs. En clair, tout porte à croire à une incompréhension voire une interprétation biaisée du Décret n°2023-0261/PT-RM du 24 avril 2023 relatif à l’importation et à l’utilisation des pesticides, à titre exceptionnel, qui, malheureusement, ne sera jamais reconduit pour permettre de lutter contre les jassides, contrairement à certains pays comme le Burkina Faso, qui ont donné des autorisations permanentes jusqu’à l’homologation desdits produits incriminés au Mali.
AK