Gaillardement couché à la maison à la faveur du congé annuel du journal, un coup de fil vint interrompre notre sommeil. Au bout du fil, l’enfant chouchou d’Aïssata Guinto, Mme Faye Fatoumata Berthé dite L’Homme, ancienne basketteuse internationale du Stade malien de Bamako. Non pas pour prendre de nos nouvelles comme elle en a l’habitude, mais pour nous signaler la présence à ses côtés d’une dame d’une de nos cibles : Mariam Diarra dite Bozo, une autre ancienne internationale du Stade malien de Bamako et du Djoliba AC. Fabuleux ! Sur le champ, nous prenons rendez-vous avec Bozo pour une grande interview à son domicile sis au quartier Banconi plateau. Là, une énorme surprise nous attendait. Au domicile conjugal de Mariam Bozo (absente à notre arrivée pour les achats quotidiens des condiments au marché), celui qui nous souhaita la bienvenue à la porte du salon n’est autre que Soumaïla Traoré dit Soumaïlaba. Nous l’ignorions : il est l’époux de notre héroïne. Quelle belle opportunité pour l’animation de notre rubrique commune “Que sont-ils devenus ?”. Comme vous vous en doutez, nous avons fait d’une pierre deux coups en prenant directement au vif l’ancien footballeur international du Djoliba AC, qui n’a d’ailleurs posé aucun problème et apprécia même notre démarche. Après lui, ce fut l’épouse. Mais, discrimination positive oblige, nous faisons passer en premier lieu le goléador de Missira. TOUT sur Soumaïla Traoré dit Soumaïlaba !
Marquer Soumaïla Traoré dans la plénitude de sa carrière, n’était pas un exercice facile pour les défenseurs. Voilà un joueur qui avait des qualités multidimensionnelles : d’abord, il savait sprinter pour planter son adversaire ; ensuite, il jouait des deux pieds ; enfin, il était très doué dans les centres, et pouvait armer un tir puissant à tout moment. Le tout soutenu par un jeu de tête orienté. Il a toujours mis en échec les systèmes de jeu adverses des différents entraineurs. C’est l’un des rares joueurs qui a joué les six rencontres des éliminatoires de la CAN de 1994, en tant que titulaire avec deux buts (contre l’Egypte et le Maroc), et trois passes décisives. N’est-ce pas lui en match d’ouverture de la phase finale de la même CAN de Tunis 1994, qui a adressé un joli centre à Fernand Coulibaly qui ouvre le score et marque le 1er but de la compétition. Quelques jours après, sur un coup franc magistral de Sory Ibrahim Touré dit Binké, il jaillit au premier poteau pour propulser les Aigles en demi-finale, vingt-deux ans après Yaoundé 1972.
Comment a-t-il pu tromper la vigilance de l’excellent portier Schubert ? Soumaïla Traoré se rappelle encore : “Autour du diner, nous avons discuté de ce match des demi-finales. J’ai dit à Dougoutigui que sa taille est un détail très important pour les Egyptiens. Pour les balles arrêtées, ou les corners, il devrait se contenter de divertir les défenseurs et le gardien, par des tentations de mouvements. Au même moment, Binkè devrait me situer avant de tirer le coup franc ou le corner. Heureusement, en deuxième mi-temps, nous avons mis en exécution notre plan. Le gardien Schubert ne s’attendait pas à moi, au moment où j’ai coupé la trajectoire du ballon. Ce n’était pas un fait du hasard, nous avons préparé théoriquement avant de monter sur le terrain. Et Dieu merci, cela a marché”.
Son analyse de la gestion de l’après CAN l’attriste. Parce qu’il se dit convaincu que la disette des Aigles sur le plan international devenait un mauvais souvenir. Et le retour du Mali à travers sa qualification en 1994 devrait sonner le déclic de notre football. Quelle explication alors ? Soumaïla estime que la bonne politique a manqué dans la gestion du groupe de Tunis.
Talent en vadrouille !
Soumaïla Traoré a fait ses débuts au FC Soundjata de Missira, sur le terrain poussiéreux du champ hippique. Il tournoya entre les clubs Bi corpo et la sélection de Missira, considérée comme l’une des meilleures du District.
En 1982, Mohamed Djilla dont il est l’ami d’un jeune frère lui offre sa première paire de crampon. Recevoir un tel cadeau à cette époque est naturellement un fait inoubliable. C’est compte tenu de son talent que le joueur du Stade malien, lui a fait ce geste, mais il a failli produire l’effet contraire. Soumaïla se contentait des entrainements au champ hippique, et des soirées récréatives autour du thé avec ses amis. Il a fallu le bon sens de Lamine Diarra dit Kalaou. Ce vieux qui logeait le grin des jeunes l’amena à l’AS Réal de Bamako avec des mises en garde dignes de l’ancienne société traditionnelle.
Comme la plupart des clubs de la capitale, les catégories de jeunes s’entrainaient quelques heures avant l’équipe sénior. L’entraineur avait deux manières pour renforcer son équipe : soit il se donnait le temps de suivre les séances d’entrainements des jeunes, soit il organisait des matches entre l’équipe sénior et les catégories d’âge, notamment l’équipe réserve. Voilà la raison principale qui a fait que Soumaïla n’a pas dépassé une semaine dans la catégorie de jeunes des Scorpions. L’entraineur et le collège des sages du club ont unanimement souhaité qu’il soit transféré immédiatement. En tout, cas son physique et ses qualités techniques plaidaient en sa faveur. Il a rejoint alors la génération dorée du Réal, composée des Seydou Traoré dit Guatigui, Beïdy Sidibé dit Baraka, Amadou Samaké “Vieux Gaucher”, Ousmane Doumbia dit Man, Boubacar Sidibé dit Jardin, Mamadou Coulibaly “Benny”, Drissa Tangara dit GMC, Seydou Traoré N° 2 etc….
Cette opportunité de jouer avec les ainés fut pour lui une source d’inspiration, pour avoir de l’expérience. Avant la fin de la saison, Soumaïla Traoré est introduit dans le dispositif, mais c’était pour se contenter des bouts de matches. Sa titularisation au Réal l’année suivante est le fruit d’un concours de circonstance : lors de la coupe Corpo, il évolue avec la SOMAFRI et il crée la sensation. Malheureusement, sa fougue juvénile, sa suffisance technique vont lui coûter cher. Dans un mouvement de dribbles dans la défense djolibiste, Sadio Cissé le tacle par derrière et l’envoie dans une civière. Victime du retard de la médecine sportive dans notre pays, Soumaïla trainera cette blessure des mois durant. Parce qu’on n’a pas pu diagnostiquer réellement le mal dont il souffrait. Ce qui l’éloigna des terrains. Finalement, il s’est rabattu sur la médecine traditionnelle, pour circonscrire son mal. Les dirigeants ont fait tout leur possible pour canaliser le jeune Soumi. Jusque-là il n’est pas parvenu à la conclusion que son talent pouvait lui rapporter mieux. Ce qui explique d’ailleurs son irrégularité après sa guérison. Tantôt, il s’entraine avec le Réal, tantôt il se retrouve au champ hippique.
Direction Djoliba AC !
C’est dans cette situation qu’un compatriote lui suggéra un voyage en Côte d’Ivoire pour évoluer à l’ASEC d’Abidjan. Soumaïla paiera les relations tendues entre son manager et les dirigeants du club. Donc, il ne lui sera pas possible de signer un contrat à ce niveau. Il se contenta durant son séjour de la coupe inter services. Une solution alternative pour ne pas être considéré comme un touriste, poussa également le Stade d’Abidjan à s’intéresser à lui. La naturalisation proposée par les Stadistes a été la pomme de discorde entre les deux parties. Soumaïla retourne au pays et de façon volontaire, il opte pour le Djoliba. C’est-à-dire que son transfert dans la famille Rouge n’a fait l’objet d’aucune tractation. Parce qu’il a fait le constat que le Djoliba est un grand club, et puis certains anciens du Djoliba tendaient vers la sortie. Quand il s’est présenté à Karounga Kéïta dit Kéké, celui-ci se leva pour le serrer dans ses bras. Ce geste n’était pas consécutif à une familiarité entre les deux. Kéké ne pouvait que se réjouir de l’arrivée d’un joueur sur lequel il a reçu de multiples rapports de la part de ses précurseurs, à chaque fois que le Djoliba devrait rencontrer l’AS Réal.
Quelle a été la réaction des dirigeants des Scorpions face à cette nouvelle donne ? Soumaïla soutient qu’à l’époque, l’ex ministre des Sports, feu Bakary Traoré, avait instruit à la Fédération de ne retenir aucun joueur de l’équipe nationale désirant transférer dans un club. Déjà en 1985, il avait été présélectionné en équipe nationale par Kidian Diallo, pour les éliminatoires de la CAN 1986, où les Ivoiriens nous barrèrent la route.
Le transfert au Djoliba a effectivement donné une nouvelle dimension à sa carrière. L’enfant de Missira s’est transcendé, pour devenir un maillon important de l’attaque des Rouges de Bamako.
Trois titres de champion, deux trophées de coupe du Mali, deux doublés, tel est son palmarès au Djoliba. Dans la même foulée, surviennent les éliminatoires de la CAN de Tunis. L’entraineur de l’équipe nationale, Molobaly Sissoko, fait de lui son joker pour conduire l’attaque des Aigles. Ses prestations lui ouvrent les portes d’un contrat professionnel d’un an au Raja de Casablanca pour la saison 1993 – 1994. Au retour de la CAN, il transfère au WAC dans la même ville. Les dirigeants de ce club l’ont suivi tout au long de la compétition, pour parvenir à la conclusion qu’il pourra combler leurs attentes par rapport aux objectifs liés à la ligue des Champions. Certes, ils parviendront à le convaincre, afin qu’il ne renouvelle son contrat avec le Raja, mais la suite des événements aboutira à un fiasco, et à juste titre. Les dirigeants n’ont pas compris le paradoxe lié aux belles prestations de Soumaïla Traoré avec les Aigles, et en comparaison avec les matches du WAC où il est moins en forme. C’est dans cette atmosphère d’incompréhension que Kéké négocie un contrat avec l’Austria de Vienne. Après toutes ces aventures, il retourne au Djoliba pour prendre sa retraite. Seulement, l’opportunité d’un nouveau bail le conduit en Algérie pour un an également.
Toujours reconnaissant vis-à-vis de son président Kéké, il a décidé de raccrocher au Djoliba en 1998. Les uns et les autres pensent que dès lors Soumaïla a disparu de la scène footballistique, loin s’en faut. Il n’a jamais quitté ce milieu de passion et à sa manière, il continue de servir le football à travers la formation des jeunes.
Qu’est ce qu’il fait durant tout ce temps ? L’ancien joueur de l’AS réal, du Djoliba et des Aigles répond : “Après ma retraite, j’ai passé un temps dans l’encadrement technique du Djoliba. Par la suite, j’ai aidé Aly Koïta dit Faye pour former les jeunes du club. Je suis l’initiateur de la politique juvénile au Djoliba, pour avoir formé les Drissa Diakité, Adama Tamboura, Karim Tounkara, Chiaka Dembélé, Bakary Coulibaly dit Bako, Lassana Diallo, Moussa Massa. C’est dans cet effectif que l’Ivoirien Drissa Traoré dit Saboteur a bâti son équipe quand il a été recruté pour entrainer le Djoliba. Cela fut le cas aussi pour Cheick Diallo, ancien sélectionneur des Aiglons. Au bout de la maturité de ces jeunots, il fallait changer de cap. C’est ainsi que les dirigeants m’ont confié les destinées de l’AS Bakaridjan en 2002, qui accédera d’ailleurs à l’élite à Tombouctou en 2005. Au passage, je salue le bon travail technique de mon ainé et ancien entraineur Aly Ouattara, qui a fini par prendre l’équipe. Au même moment, je retourne à Hérémakono pour m’occuper des jeunes. Et ce jusqu’en 2010 où je crée une école de football dénommée Association Sportive Baïba Kouma (ASBK). Au début, j’étais vraiment payé à temps réel, mais depuis deux ans les salaires se font rares. Cela n’a pas affecté mon moral et je continue avec les enfants”.
Quel a été l’impact de la pratique du football sur sa vie ? Pour répondre à cette question, Soumaïla Traoré affirme qu’il ne saurait faire un commentaire là-dessus. Toujours est-il que le football lui a beaucoup servi, et partout où il passe on le traite à la mesure de son rang d’ancien joueur international. Cela est réconfortant, soutient-il. Mais très franchement, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’ancien joueur du Djoliba est revenu sur un sujet, qui a beaucoup été débattu dans cette rubrique. C’est-à-dire les conditions de vie misérable des anciens joueurs. C’est là où il demande à l’Etat de penser aux anciens sportifs, ne serait-ce que leur accorder une pension, sur la base de critères bien définis. Des pays comme la Guinée Conakry, le Gabon et la Côte d’Ivoire ont reconnu la valeur de leurs anciennes gloires, en leur accordant une pension.
Qu’est ce qui empêche alors l’Etat malien à faire autant ?
A peine nous terminons notre entretien avec son mari que Mariam Diarra ” Bozo ” nous signale sa disponibilité. Et au moment de commencer cette interview, Soumaïla Traoré remet en marche sa vidéo où il visionnait les séances d’entrainements du centre de formation des jeunes du FC Barca. Au-delà de tout, il faut reconnaître que l’homme a une connaissance approfondie de la formation des jeunes. Les notions qu’il nous a développées sur le coaching des enfants sont édifiantes.
A travers ses explications, nous avons compris qu’une école de football, un centre de formation et une académie sont des conceptions différentes, dont l’animation doit être confiée à un spécialiste doté d’une bonne pédagogie.
La Fédération Malienne de Football, à travers le CONOR, pour le moment peut tirer profit de Soumaïla Traoré en lui confiant une équipe de catégorie jeune.
O. Roger Sissoko
Une bonne personne ce Soumaïla avec une expérience avéré dans la formation des jeunes. Ils sont oublié au profit des soit disant “entraineurs”, ceux du syndicat des entraineurs. La preuve, Mourley est entrain de sacrifier une génération aux motifs fallacieux qu’il ne connait pas Salam Ag Djidou, Djémoussa pour ne citer que ceux là. Le vrai talent n’est jamais reconnu au Mali. Soumaïla est un géant de notre football…Bravo mon frère. Que Dieu te garde
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