Portrait – KADIDIA KONARE : Une jeune Malienne à l’assaut de la Banque mondiale

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    Elle est désormais une référence au Mali, en Afrique et même dans le monde. Elle, c’est Kadidia Konaré, l’une des rares sinon la première Malienne à être sélectionnée au « Young Professionals Program » de la Banque mondiale parmi 10 000 candidats du monde entier. La trentaine légèrement entamée, « Lakaré » a déjà derrière elle un parcours exemplaire et nourrit beaucoup d’ambitions. D’un abord facile, elle a bien voulu se confier à nous.

    Lorsque mon directeur de publication m’a proposé de rencontrer un génie du nom de Kadidia Konaré, je lui ai tout de suite demandé s’il s’agissait de la fille d’Alpha Oumar Konaré. Il m’a répondu non. En fait, elle n’était pas loin de cette dernière car elles se connaissent bien pour avoir fréquenté ensemble le même lycée.

    Au téléphone, je croyais avoir affaire avec une dame d’une quarantaine d’années, mais sur le lieu du rendez-vous où elle m’a précédé dimanche dernier, je découvre une jeune fille en robe qui m’accueille avec un sourire matinal. Son parcours sans faute de battante, ses prouesses, ses qualités, ses ambitions démesurées, son esprit d’ouverture… ne devraient laisser personne indifférent.

    Ancienne pensionnaire de l’école Notre Dame du Niger, Kadidia a aussi fréquenté les lycées Askia et Bouillagui où elle a décroché son baccalauréat en sciences exactes (SE) en 92 avec la mention assez bien. Après quoi, « je voulais aller en France ou aux USA pour faire des études de commerce. Finalement j’ai choisi les Etats-Unis d’Amérique », dit-elle.

    Trois ans plus tard, elle décrochait son bachelor en comptabilité à l’Université de Michigan. Un diplôme qui lui a permis d’avoir son premier job au sein d’un grand cabinet international d’audit aux USA. « Ils m’ont envoyé dans leur bureau de Keyston en Afrique du Sud où j’ai passé deux ans », se souvient-elle. Nostalgique du pays et de « Maman », la benjamine de la famille Konaré retourne au bercail en 1998. Durant son court séjour de 4 mois, elle travaillera à la Banque internationale du Mali (BIM-SA) et à l’USAID comme comptable régionale.

    Toujours avide de connaissances, elle regagne les USA en 99 pour faire un master en agro-économie à l’Université d’Etat du Michigan avec une bourse de deux ans de la Compagnie Chrysler. En 2001, elle poursuit avec un second master en développement international grâce à une bourse d’un grand économiste, Joffrey Sax, qui avait créé ce programme à l’Université d’Harvard.

    Du talent à revendre

    A peine, la promotionnaire de la fille d’Alpha finit-elle ce programme, qu’elle obtient un contrat de consultation avec la Banque mondiale pour travailler sur les problèmes de coton en Afrique de l’Ouest. Après ce contrat, Kadidia décide d’alourdir encore son bagage intellectuel en postulant à une bourse de doctorat en économie de l’Association des économistes américaines.

    Mais quelle ne fut sa surprise de voir qu’« au lieu de me prendre comme participante, ils m’ont proposé d’être enseignant. Là-bas, j’ai enseigné les mathématiques économiques sans oublier d’envoyer mes dossiers à plusieurs universités pour le doctorat », explique-t-elle. Son dossier accepté par certaines universités, elle devait commencer les cours en septembre prochain pour l’obtention d’un doctorat.
    Entre-temps, la jeune Konaré décroche un emploi à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires dans le monde entier. « J’ai travaillé là-bas jusqu’à ce que je me présente au programme professionnel des jeunes (Young Professionals Program) de la Banque mondiale », ajoute-elle. Sur les 10 000 postulants à ce programme, seulement 35 personnes ont été retenues dont la jeune Malienne Kadidia Konaré.

    Elle va ainsi travailler au sein de l’institution de Bretton Woods pour devenir une experte dans 10-15 ans. Dans cette nouvelle aventure, Konaré s’est donnée comme défi de travailler dur pour avoir de bons résultats et se faire une renommée. Et, elle affiche déjà sa couleur : « J’ai envie d’apprendre sur d’autres régions notamment l’Asie. Je pense que la Chine est une puissance qui monte, il faut faire partie de ce processus, le voir, le comprendre et pourquoi ne pas utiliser cette expérience plus tard dans nos pays. Je pense qu’on a essayé de copier ce que l’Occident a fait pendant des années mais rien ne change. Certes, il y a des améliorations dans le cadre de la santé, l’éducation mais on peut mieux faire. Nous étions au même niveau de développement que les pays asiatiques, il n’y a pas d’explication que ces pays nous surpassent, voire des pays européens », estime-t-elle.

    Ainsi, la nouvelle « recrue » de la BM n’a pas l’intention de rester dans les bureaux de Washington pour lire les choses et se dire experte, elle veut être témoin du spectaculaire développement de la région Asie.

    Et votre vie privée dans tout ça ? A cette question Lakaré s’éclate de rires avant de nous faire savoir : « Ma vie privée ? Je ne l’oublie pas, au contraire, je m’amuse trop. Les gens qui me connaissent savent qu’au lycée, j’étais toujours parmi les premiers dehors ». Lakaré aimerait bien se marier « très bientôt » et avoir au maximum deux enfants. A l’image d’elle-même, Kadidia aime les personnes qui sont ouvertes. « On peut apprendre de tout le monde, du plus grand riche au plus pauvre. Le meilleur moment que je passe, c’est avec mes neveux et nièces de 4 à 6 ans que beaucoup de gens ignorent, vous apprenez tellement d’eux ; leur manière de penser, d’assimiler des informations, etc. », révèle-t-elle avant d’ajouter que les personnes imbues de leurs personnalités ne font pas partie de son cercle.

    Un QI imposant en famille

    Si Kadi trouve du mal à nous dire ses qualités, elle se reproche tout de même un défaut à corriger. « Je peux être impatiente. Quand je vois qu’on peut mieux faire et qu’on n’essaye pas de le faire, là je peux perdre patience », souligne-t-elle.

    Sa conception du bonheur est la famille, c’est-à-dire « être marié, avoir une famille. Je ne crois pas à la polygamie, elle sépare les enfants et ça fait mal. Le travail est secondaire, il permet juste d’avoir de l’argent pour payer la location, se nourrir… », pense-t-elle.
    Cette benjamine d’une famille de 5 enfants trouve son énergie en compagnie de ses frères et sœurs. « Ma sœur aînée est gynécologue à la clinique Pasteur, mes trois autres frères sont respectivement ingénieur informaticien à la douane, le second, qui a fait finances et droits des affaires, travaille dans un grand cabinet aux USA, le troisième est dans les affaires ici. Quant à mes parents, ma mère a travaillé comme DAF au ministère de l’Administration territoriale et conseillère technique au ministère de l’Investissement et mon père, docteur en biologie et ex-fonctionnaire de la FAO, est à la retraite ».

    Kadidia doit son succès aujourd’hui à sa mère car, dit-elle, « si ce n’était pas ma mère, je n’allais pas faire le bac. Je ne pouvais pas manger et aller au lit sans pouvoir réciter mes leçons », se souvient-elle. C’est pourquoi, elle invite les parents à encadrer leurs enfants et à avoir des visions pour eux.

    Si notre ancienne championne de tennis garde aujourd’hui un mauvais souvenir avec séquelle, « c’est d’avoir été battue par la police lors des événements de mars 91 ». Pour elle chaque jour est un souvenir.

    Si le basket-ball, le base-ball et le foot américains sont ses loisirs, c’est la musique de son pays qui l’égaye le plus. « J’ai tous les CD d’Oumou Sangaré, de Salif Kéita et d’Ali Farka Touré. J’ai assisté à des concerts d’Oumou Sangaré aux USA ».

    Membre du groupe Mali Watch basé aux USA, Kadidia nourrit bien d’ambitions pour son pays et surtout pour la jeunesse qui, selon elle, a perdu espoir. Elle demande aux dirigeants d’élaborer, non pas un programme de développement « couper-coller », mais une vision globale.

    Sidiki Y. Dembélé

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