Dans cette dernière partie du thème relatif à la garde à vue de notre rubrique « Point de droit », lumière est faite sur les difficultés liées au respect des délais légaux et les droits des gardés à vue. Là-dessus, le professionnel du droit, Moussa Zina Samaké, 1er Substitut du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de la commune V nous édifie.
Les difficultés liées au respect des délais légaux
Selon le magistrat Moussa Zina Samaké, les difficultés liées au respect des délais légaux se peuvent se résumer à deux catégories : les difficultés liées à la complexité des procédures, et celles liées aux moyens limités de la police. D’abord M. Samaké précise que chaque fois que la limite des délais légaux est dépassée, la détention devient arbitraire. Parlant de la première catégorie de difficultés relatives aux procédures complexes, Moussa Zina Samaké, fait savoir qu’il arrive des fois que certaines affaires soient complexes et qui ont des ramifications dans différents quartiers, villes voire pays. C’est le cas des crimes organisés. Dans de tel cas de figure, la police peut interpeller un premier suspect et le garder à vue. A travers ce premier suspect, la police peut remonter la chaîne à tout le réseau. Car, ce dernier va dénoncer ses coauteurs et ses complices à la police. En ce moment là, la police judiciaire va se mettre à rechercher l’un après l’autre. Ce qui fait que le premier arrêté qui est gardé à vue reste longtemps détenu jusqu’à dépassement des délais légaux. Donc c’est pour dire qu’il arrive souvent que les délais légaux soient dépassés à cause des besoins de l’enquête. Le non respect des délais légaux de la garde à vue, pense M. Samaké, n’a d’autre raison que pour la bonne réussite de l’enquête de la police judiciaire. Le délai légal de la garde à vue est de 48 h et peut être prolongé par une décision du Procureur de la République, a-t-il précisé. Mais un suspect mis en garde à vue, qui dénonce ses complices au bout des 48 heures, reste détenu jusqu’à l’arrestation par la police judiciaire de tous ses complices. La complexité de ces procédures fait que la police a du mal à respecter les délais légaux. Son souci étant de mieux faire son travail, ce qui lui arrive de garder quelqu’un au-delà des délais légaux.
S’agissant de la deuxième catégorie de difficultés relatives aux moyens limités de la police, le 1er Substitut du Procureur près le Tribunal de première instance de la Commune V, Moussa Zina Samaké, a noté que les commissariats de police et les Brigades de gendarmeries ont des ressources limitées. D’abord, en termes de ressources humaines, les Officiers de police judiciaire (OPJ) qui sont censés mener les enquêtes sont le plus souvent débordés par les dossiers. Par exemple, dans un commissariat où une unité d’enquête compte une dizaine d’OPJ, au même moment il arrive que des dizaines de procédures soient pendantes devant le même commissariat. Or, chaque OPJ peut avoir à son niveau plusieurs gardés à vue, ce qui fait qu’il leur arrive de dépasser les délais légaux. L’autre problème est d’ordre matériel. A ce niveau, il arrive que l’enquêteur termine ses procès-verbaux (PV) en manuscrit et les dépose au secrétariat pour la saisie. Mais, ces secrétariats sont souvent confrontés à des difficultés d’encre ou de papier, ce qui fait que les PV à saisir traînent. Ce au grand dam du gardé à vue qui devra attendre. Ces unités ne disposent, le plus souvent, que d’un ou de deux véhicules, souvent en panne. Au moment où un véhicule est utilisé par un enquêteur, l’autre devra attendre son retour, pour sortir avec ce même engin. Chose qui pèse beaucoup sur le respect du délai. Du fait de ces paramètres, il devient difficile de respecter les délais légaux de la garde à vue.
Les droits des gardés à vue
Selon le magistrat Moussa Samaké, les personnes gardées à vue ont effectivement des droits. Il s’agit des droits relatifs au respect des délais légaux. Une personne gardée à vue doit être déferrée au parquet à l’expiration des délais légaux. Les gardés à vue ont également droit à l’assistance de l’avocat de leur choix, et d’un médecin en cas de maladie. Ils ne doivent pas être torturés mais doivent plutôt bénéficier d’un traitement humain, car l’article 1er de notre constitution dispose que « la personne humaine est sacrée et inviolable… ». Pour les mineurs gardés à vue, ils ont droit à l’assistance de leurs parents.
Ce qu’il faut retenir
Selon M. Samaké, le droit à la liberté demeure le principe en Droit et la détention est l’exception. Il interpelle les auxiliaires de justice. Il demande à ces derniers de travailler dans le strict respect des textes pour le respect des droits des gardés à vue. Il a également interpellé les autorités à faire des efforts dans le sens de l’amélioration des conditions de détention des prévenus, car ces derniers sont avant tout des êtres humains qui ont à un moment de leur vie enfreint à la loi.
Ben Dao