« L’esclavage au Mali » est un ouvrage de 161 pages, réalisé par un groupe d’universitaires sous la direction de Naffet Keïta. Présenté hier à la presse, il consacre un travail de recherche sur l’esclavage au Mali à travers les régions de Kayes, Mopti, Gao et Tombouctou.
Bien qu’ayant été condamnés en des termes clairs par le droit international, l’esclavage et les pratiques assimilées continuent de persister dans de nombreuses localités de notre pays. La thématique a inspiré un livre chez un groupe de chercheurs, sous la houlette de Naffet Keïta, professeur à la Faculté des lettres, langues, art et sciences humaines (FLASH) de l’Université de Bamako.
Publié par les éditions “L’Harmattan”, “L’esclavage au Mali” est un ouvrage qui confronte plusieurs sources et données sur l’esclavage contemporain dans notre pays à partir des mémoires locales d’esclaves, de descendants d’esclaves, d’affranchis et de maitres d’esclaves dans quatre régions où la pratique est réputée très développée. Il s’agit notamment des régions de Kayes, Mopti, Tombouctou et Gao.
“Les données recueillies et analysées montrent que l’esclavage existe aujourd’hui au Mali et révèlent les processus complexes de reproduction et de maintien de groupes de personnes en situation et condition d’esclavage. Elles montrent aussi des modes d’affranchissement en dehors des cadres normatifs de l’abolition”, nous explique l’auteur au cours d’un entretien qu’il nous a accordé.
Pour Nafflet Keïta, la problématique de cette question réside dans la définition même du terme. Dans le contexte malien, argue l’auteur, “il faut faire la différence entre le statut d’esclave et la condition de l’esclavage”. Le statut, précise-t-il, est à situer du côté des représentations, de l’idéologie qui instituent, légitiment et rendent acceptable le statut servile aux yeux de la société. Or, poursuit le chercheur, la condition, elle désigne la situation que vit la personne sur laquelle s’exerce les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux.
” La condition et le statut d’esclave sont en passe de devenir des oublis de l’histoire du pays, faute d’espace public national réceptif, non seulement à la restitution de ces mémoires, mais aussi à leur actualité”, remarque l’universitaire. Qui s’interroge en ces termes : si ” la disparition des mémoires d’esclaves n’est pas sans doute la seule possibilité d’une vraie disparition de l’esclavage ? “.
Une loi à plusieurs insuffisances
La publication de cet ouvrage intervient au moment où le projet de loi interdisant l’esclavage et les pratiques assimilées se trouve sur la table de l’Assemblée nationale. Mais pour l’auteur du livre, le texte contient d’énormes insuffisances. Car, tranche-t-il, même de son adoption, il ne faut pas s’attendre à une réponse concrète à la question de l’esclavage au Mali. “Ce projet de loi, par rapport à sa lecture juridique, ne peux valablement lutter contre la pratique de l’esclavage.
” On n’y parle pas de l’esclavage en tant que tel, malheureusement…Aujourd’hui, le débat est de savoir si les gens ont conscience même que la pratique existe », s’interroge Naffet Keïta. Qui rappelle deux principales recommandations pour y faire face : mettre fin à la pratique de l’esclavage et lutter contre ses séquelles.
En réponse à cette question de la solution à adopter, le chercheur recommande que la loi sévisse en se servant du 1 er article de la Constitution de notre pays, qui stipule que “les gens naissent libres et égaux “. En clair, conclue M. Keïta, la lutte contre l’esclavage n’est pas contre une communauté. Mais une question de respect de la dignité de la personne humaine.
Issa Fakaba Sissoko