Notre Mali, comme il va… Les réformes prioritaires ou la malédiction des coups d’Etat

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Dr Ibrahima Sangho, président de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali, membre des Organisations de la Société civile pour des réformes profondes au Mali,  exagère à peine lorsqu’il prévient qu’il y aura un coup d’Etat à la fin de la Transition, si l’on va aux élections sans avoir procédé aux réformes politiques, institutionnelles et électorales prioritaires.

Ces réformes, globalement définies depuis le Dialogue National Inclusif, puis exigées et précisées avec la mise en place de la Transition et de ses institutions, auraient dû avoir franchi la première étape de l’élaboration d’un chronogramme fixant la période réservée auxdites réformes.

A douze mois de l’échéance de la Transition,  le temps pourrait manquer pour aller au fond des changements prioritairement nécessaires pour améliorer notre système démocratique et le rendre davantage crédible.

Le gouvernement de la Transition, qui ne saurait faire l’impasse de la relecture profonde de textes, tombés aujourd’hui en désuétude au regard des exigences démocratiques du peuple malien (manifestées opiniâtrement contre le système IBK) et de la nécessité de redorer l’image du pays à l’internationale, a du pain sur la planche.

En effet, la dégradation notoire de la situation sécuritaire, la montée des revendications salariales et sociales, la détérioration des indicateurs économiques, la lutte contre la pandémie de la Covid-19, l’embourbement du processus de mise en œuvre de l’Accord de paix  issu des négociations d’Alger, l’impérieux besoin de la distribution d’une justice équitable et le corollaire de la remise en question du système judiciaire, entre autres, interpellent tout aussi fortement les organes de la Transition, en mettant à l’épreuve leurs capacités à gérer ces problèmes cruciaux du pays.

Consistance et crédibilité

Heureux hasard, les préoccupations soulevées, hier, par Ibrahima Sangho, relatives aux lenteurs dans la mise en œuvre des réformes, étaient exprimées alors que Bah N’Daw, le président de la Transition, cautionnait l’existence du Comité d’Orientation stratégique (initié par le Premier ministre Moctar Ouane), en signant le décret de sa création.

Cet organisme, destiné à appuyer le Chef du gouvernement dans la conduite des réformes politiques et institutionnelles, devra s’atteler à définir le périmètre des réformes au regard du contexte et de la durée de la Transition, à formuler des recommandations sur la base des réformes identifiées par le Dialogue National Inclusif et les Journées de concertations nationales et à promouvoir l’esprit des réformes politiques et institutionnelles.

Cette première réponse forte aux appréhensions du monde politique et de la Société civile, relatives à une véritable prise en charge des réformes, pourrait toutefois se heurter à deux écueils : l’adéquation des compétences intrinsèques des cinquante personnalités appelées à lui donner consistance et crédibilité avec les attentes portées par sa création et la disponibilité du Premier ministre à assurer un suivi-évaluation correct des activités d’un dispositif qu’il aura contribué à mettre lui-même en place.

En raison des contraintes du délai imparti (de six à huit mois) et des exigences de qualité et de faisabilité des propositions attendues, les experts retenus devraient, en plus d’une expérience avérée pour le travail demandé, se prévaloir de capacités de grande diligence dans l’exécution (y compris l’analyse) des tâches dévolues.

Missions réformatrices

Le Premier ministre, qui a certainement rehaussé sa cote d’estime à travers les différentes rencontres avec la société civile, les tournées d’échanges et de mises au point avec les populations de l’intérieur, d’inauguration d’infrastructures, notamment, devra jouer serré, cette fois, pour réussir cette épreuve  dont dépendra, en grande partie, la réussite de la Transition  en ce qui concerne ses missions réformatrices.

Les Maliens, désabusés par les errements de trente ans d’une démocratisation des mœurs administratives et politiques, ont beaucoup misé sur la Transition. La mise en marche de cet intermède institutionnel destiné à remettre sur la droite ligne certains fonctionnements emblématiques de l’Etat a, certes, été, à maints égards, chaotique, à cause de la course effrénée engagée par la junte pour les postes de prestige et pour les avantages et de la mise en place très contestable et controversée du Conseil National de Transition, elle n’a toutefois pas éteint l’espoir d’un rebondissement de la République à la hauteur souhaitée par  les populations.

Renouveau républicain

Les réformes prioritaires, justement définies lors du DNI et des Concertations nationales, sont attendues pour être les symboles de ce renouveau républicain.

Afin que les Maliens n’aient plus à subir les régressions socio-politiques consécutives aux coups d’Etat et, surtout à revivre les canulars judiciaires comme le procès d’Amadou Haya Sanogo et de ses co-accusés. Qui, en plus d’avoir foulé aux pieds les règles humanitaires élémentaires, a désigné notre système judiciaire comme le facteur principal de nos régressions sociales.

Le peuple ne s’y est pas trompé, qui a vu en ce procès tronqué une continuation du système IBK, prompt à proposer de l’argent contre la dignité humaine.

Voilà toute la symbolique des réformes que les Maliens appellent de tous leurs vœux. Les réussir conférerait certainement à Moctar Ouane et son équipe une place de choix dans les annales politiques et administratives du pays.

C’est tout le mal que leur souhaitent les populations maliennes.

Mamadou Kouyaté      

koumate3@gml.com 

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