Pendant que les Etats riverains de la bande sahélo-saharienne tentent de conjuguer leurs efforts afin de réinstaurer la paix et la sécurité et amorcer le développement dans le Nord du Mali, un groupuscule d’individus aux motivations inavouées exprime ses velléités de prendre en otage le processus. Quelle sera la réaction du Gouvernement ?
Depuis quelques temps, un groupuscule composite s’arrogeant le nom de «Mouvement National de l’Azawad, (MNA)», ayant trouvé des oreilles –et surtout quelque plume- complaisantes, ne cesse de multiplier les déclarations. Dans une récente sortie, ce soi-disant Mouvement ne demande ni plus ni moins que «la reconnaissance par les autorités du droit à l’auto-détermination du peuple de l’Azawad». A préciser d’abord que contrairement à certaines «informations» savamment distillées ça et là, ce «Mouvement» n’a aucun lien avec Ibrahim Ag Bahanga, fondateur et leader incontesté de l’Alliance touarègue du nord Mali pour le changement. Lequel, depuis longtemps, pour avoir perdu ses hommes et la plupart de ses moyens, préfère garder le profil bas. Selon plusieurs sources concordantes, l’homme n’est pas prêt de reprendre du service, et a même décidé de désarmer. Il n’a pas de lien non plus avec Hassan Fagaga qui, depuis début 2009, a rejoint le processus de paix enclenché dans le Septentrion.
En réalité, ce nouveau «Mouvement» veut se servir d’une situation exceptionnelle : recruter dans les rangs des réfugiés de retour de Libye -et ils sont nombreux-et faire chanter le Gouvernement en menaçant de compromettre le retour de la paix au Nord.
Commençons par dire que bien qu’il soit d’une autre race et d’une autre nature, quoiqu’il parle au nom d’une vaste et diversifiée entité, le MNA n’agit qu’aux seules fins de satisfaire ses principaux responsables, c’est-à-dire les quelques individus qui ont eu cette brillante idée qu’est le chantage. Pour preuve, ces responsables de soi-disant structures politiques en appellent au dialogue, au cours duquel ils ne manqueront pas de laisser entrevoir leurs véritables intentions qui n’ont rien à voir avec une quelconque auto-détermination. Du reste, cette zone azawadienne est composée aujourd’hui de différentes communautés ethniques –touarègues, arabo-berbères, peulh, songhay- qui n’ont pour seule et principale référence identitaire commune que l’appartenance à une plus vaste entité : la Nation. De plus, la plupart des leaders communautaires, notables autochtones et guides spirituels ont adhéré à un définitif processus de paix, lequel a commencé il y a plus de deux ans. Au nom de qui parle donc le MNA ? Il faudrait, pour en savoir plus, se pencher sur le but et l’objet de ce chantage.
Il ne s’agit de rien d’autre d’abord que de pouvoir faire main basse sur les différents financements octroyés par les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et le Gouvernement pour mettre en œuvre, enfin, le programme de développement des régions du Nord. En effet, outre les moyens mobilisés par les autorités, l’Algérie (5 milliards FCFA) et l’Union Européenne (plus de 2,6 milliards FCFA) viennent d’accorder une subvention considérable au Mali, en vue de développer les secteurs socio-économiques, notamment la santé, l’éducation, l’eau potable et l’emploi dans les trois régions septentrionales. Ceci, principalement, dans le cadre du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans le Nord (PSPSDN). Il est d’autant plus urgent pour le MNA que les populations bénéficiaires ne sont pas encore imprégnées de tous les aspects et contours des futures actions (certaines ont déjà commencé) à mener dans leur zone. C’est d’ailleurs pour remédier à ce déficit d’information que le PSPSDN, piloté par Mohamed Ag Erlaf et d’autres cadres du Nord, tous plus «Azawadiens» que les agitateurs du MNA, recrute actuellement une Agence de communication. Celle-ci sera chargée de participer à «la mise en place et à l’exécution d’un Plan de communication sur le déroulement et l’appropriation par les communautés locales des activités du programme». Il urge en effet que le Gouvernement, les vrais cadres et responsables de l’Azawad et les populations soient mieux et bien informées, afin que ces dernières puissent résister aux chants de sirène des profiteurs et maîtres-chanteurs de tous bords.
Le MNA qui, à l’instar de beaucoup d’autres groupuscules et d’individus, déclarés ou non, brandit l’arme de l’auto-détermination, a également des raisons de s’inquiéter. En effet, avec les efforts déployés par le Gouvernement et les PTF pour relancer les actions de développement, le MNA et affidés voient se rétrécir leurs marges de manœuvre en ce qui concerne la contre-bande et le narcotrafic. Outre les unités spéciales exclusivement destinées au Nord, ces actions de développement supposent une présence plus renforcée de l’administration, de l’armée et des forces de sécurité. Or, les pays riverains de la bande sahélo-saharienne sont en train de s’organiser en vue d’une coopération concrète et réelle dans la zone. Le projet d’opérations conjointes des forces armées et de sécurité et des services de renseignement est en train de prendre corps. Ce qui n’est pas du goût de certains «princes» du désert qui, en connexion avec AQMI ou en solo, veulent continuer à écumer le Nord.
Le Gouvernement aura tort de considérer ces gens comme de simples et inaudibles maîtres-chanteurs, en oubliant qu’ils sont aussi des activistes dotés de moyens de nuisance dans un contexte particulier : ils ont encore les moyens de se faire entendre par des bandes de jeunes désœuvrés et d’impatients qui n’ont pas encore aperçu la fin de leur calvaire. Ils peuvent toujours compter sur le soutien opérationnel effectif d’Al Qaeda qui également voit menacé l’un de ses rares sanctuaires dans lesquels il est actif, à travers AQMI.
Cheick TANDINA