Mutation des magistrats :Pour une promotion… ethnique

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    Ce qui avait longtemps existé dans les tiroirs sous forme de projet a finalement été rendu public samedi dernier. Il s’agit de la décision d’affectation des magistrats du pays. Enfin, peut-on dire, Maharafa Traoré s’est décidé sous la force des pressions qui se voulaient discrètes. C’est la fin du suspens pour les juges qui pensent qu’une mutation, d’une juridiction vers une autre, constitue toujours un événement important dans la carrière professionnelle. En clair, depuis samedi dernier, chaque magistrat du Mali, où qu’il e trouve, sait dans quelle sauce il sera mangé pour les prochaines années à venir.

                La lecture de la décision de cette affectation fait remarquer que les “jeunes” qui exercent depuis quatorze à seize ans, ont bénéficié de promotion. Ils ont, pour l’essentiel, avancé de grade. Car ces juges qui pensent appartenir à la même promotion sont nommés procureurs de la République, présidents ou vice présidents de tribunaux. Toutes choses qui expliquent, selon des témoins, la joie qui se lisaient sur les visages, samedi dernier à Koulouba où la publication de la décision a eu lieu en présence du président de la République. Puisque la mutation des magistrats est très souvent sujette à des critiques à connotation syndicale, l’on murmure que la présente n’est pas faite dans la sauvegarde de la cohésion du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA). Dont, au moins cinq membres du bureau quittent la capitale pour des juridictions de l’intérieur. C’est vrai que le SYLIMA ne se prononce pas publiquement sur la question, mais l’on imagine aisément le grincement de dents du syndicat du doyen Hamèye Founé Mahalmadane. Qui ont souvent fait croire que le Syndicat libre de la magistrature (SAM) – dont Hamèye fut longtemps secrétaire général – est de plus en plus préféré à son rival, le SYLIMA. Pour eux, cette mutation fut une occasion de commencer à décapiter leur organisation. Comme si l’on peut vouloir une chose et son contraire, lorsque l’affectation devient un facteur de promotion pour le fonctionnaire de l’Etat.

                Il est aussi vrai que dans un pays comme le nôtre où le mérite n’est pas forcément et toujours récompensé, le népotisme a de beaux jours devant lui. En effet, les critères qui prévalent assez souvent au choix des hommes, sont ou politiques ou ethniques. C’est pourquoi d’autres observateurs ont trouvé que la présente mutation est aussi celle de la promotion des ressortissants du Nord. Ceux qui incriminent le ministre de la justice – qui est sonraï – en veulent pour preuve l’envahissement du tribunal de Kati par les Maïga et les Sangho. Ce n’est pas le seul exemple, mais il suffit pour croire à une promotion à caractère ethnique. Et cela n’honore pas forcément Maharafa qui sait très bien qu’on lui reproche d’avoir rempli son département par les membres de sa famille et de la localité dont il est originaire.

                Un bémol, au moins. Ladite mutation sera celle de la promotion de ceux qu’il convient d’appeler les dinosaures de la magistrature. Ces juges qui ont presque gravi tous les échelons de la fonction, n’ont jusque-là jamais admis qu’ils doivent exercer au niveau des juridictions de grande instance, conformément aux textes. Mais, il semble que Maharafa a pris son courage à deux mains pour mettre certains d’entre eux à la Cour suprême, comme conseillers. Les obligeant ainsi à laisser les places des juridictions de première instance aux jeunes, moins gradés qui auront à présent le droit de profiter des avantages liés aux postes de procureur et président de tribunal.

    Abdoulaye Ladji GUINDO

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