Il se murmure depuis quelques temps que les juridictions de notre pays connaîtront des changements d’hommes et de femmes qui les animent. La rumeur est devenue si persistante que certains magistrats se sont donné l’impression d’être là où ils sont que pour gérer les affaires courantes
. C’est dire que même si les juridictions ne sont pas paralysées, elles ne fonctionnent pas au rythme normal des audiences. Puisque la mutation prend le temps à ne pas se faire, le président de la République et son ministre de la justice sont accusés de tous les péchés. Ils sont même soupçonnés de vouloir faire la manigance et réserver des privilèges à des magistrats acquis à leur cause. C’est vrai que la mutation des juges d’un tribunal à un autre est aussi une belle occasion de convoitise et de coups plus au moins fourrés. Car les juridictions ne se valent pas en termes de bénéfices matériels et financiers à soutirer. Ceux qui sont dans les secrets de la chose expliquent que la décision est généralement prise à la suite de plusieurs tractations et de copies vues et revues.
L’autre pendant de cette mutation qui tient en éveil les magistrats, c’est la "promotion" que rechignent les magistrats de classe exceptionnelle. Au lieu d’accepter d’être affectés à des juridictions supérieures, ces magistrats généralement en fin de carrière, refusent de céder leur poste pour signifier leur promotion à des juridictions plus avancées. C’est une réalité qui explique à son tour les difficultés liées à la décision de mutation. Etant entendu que les magistrats de classe exceptionnelle concernés n’hésitent pas à faire valoir les dispositions des textes qui n’obligent pas un magistrat à quitter le poste qu’il occupe moins de trois (3) ans. Toujours est-il que nos magistrats restent impatients de savoir ce que leur réservera la décision de mutation à venir. Il est vrai qu’en la matière, des magistrats sont grugés au profit d’autres pour des raisons aussi diverses que syndicales et politiques. Car, il s’agit véritablement d’affectations ne tenant pas en compte prioritairement les intérêts des justiciables. Ne parlons pas des implications financières que toute mutation peut entraîner. Certains magistrats n’ont pas hésité, lors de la dernière mutation, à emporter avec eux des biens appartenant à l’Etat (du matériel de bureau, des consommables informatiques et même du savon et des torchons.) Est-ce pourquoi l’on est pressé d’être muté ? A côté de ceux-là qui finissent par montrer qu’ils sont de "petites gens", il y a des juges qui méritent réellement une promotion. Qu’ils soient maintenus dans les juridictions où ils se trouvent ou non, ce sont des magistrats qui ont régulièrement été bien notés et qui, par conséquent, méritent d’avancer. C’est une réalité qui doit retenir l’attention des syndicats des magistrats plutôt que de grever pour des intérêts individuels des membres des deux bureaux syndicaux.
Abdoulaye Ladji GUINDO