Mr. Le Président, ce qui se passe à la Cour suprême est inadmissible dans un Etat de droit

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    Les efforts entrepris, Mr. Le président, par le gouvernement dans le cadre du Prodej, pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de la justice malienne, crève les yeux : les salaires et indemnités sont passés du simple au double, Palais de justice rénovés et équipés à hauteur de centaines de millions de nos francs, et indépendance totale de la justice…

    Malgré tout, Mr. Le Président, notre justice reste indépendante de tout, sauf de l’argent sale. Comme en témoigne, aujourd’hui, ce qui se passe et cela depuis 17 ans, autour du contentieux opposant, d’une part, Alain Achcar et, d’autre part, l’Etat malien. Des pratiques indignes de notre démocratie, citée en exemple en Afrique. Mais aussi, dans le monde.

    Lisez plutôt, Mr. Le Président.

    « J’avoue ressentir une profonde perplexité devant la lenteur de la procédure et ma ferme détermination à utiliser tous les moyens, qui me seront offerts pour faire face à la campagne de discrédit, orchestrée par certains de nos collègues dans une affaire, qui a connu beaucoup d’irrégularités et d’entorses à la loi, dans son traitement par la Cour suprême et dont la responsabilité est ailleurs ».

    C’est, en ces termes, Mr. Le président, que le commissaire du gouvernement décrit, dans une correspondance datée du 10 juillet 2000, adressée au Président de la cour suprême, les magouilles entretenues par certains « magostrats » de la cour suprême, autour du contentieux, opposant depuis 17 ans, Alain Achcar à l’Etat malien, au sujet d’un titre foncier de l’ex-Somiex, adjugé à la SOMAFAM, à l’issue d’un appel d’offres, jugé régulier. Avant de conclure, le ton toujours martial : « j’en appelle donc à votre responsabilité pour une solution rapide à cette situation désastreuse à plus d’un titre pour notre institution ».

    Mr. Le président, cinq ans après le verdict – sans appel – des sections Réunies de la cour suprême, qui ont tranché en faveur de l’Etat malien, le dossier reste pendant devant la cour suprême. Par la faute, des « mercenaires » en tauge d’Alain Achcar, tapis au sein de cette prestigieuse institution.

    Cinq ans après ce verdict – qui, rappelons-le n’est susceptible d’aucun appel, devant aucune autre juridiction, – Mme Diallo Kaïta Kayentao, vient de remettre le couvert, en fixant le 6 novembre prochain, pour une autre audience. Audience, au cours de laquelle, la Présidente de la Cour suprême s’apprête à trancher – coûte que coûte et quoi qu’il en coûte – cette affaire en faveur d’Alain Achcar, réputé très proche d’elle. C’est du moins, ce que nous a confié certains magistrats de la cour suprême, aujourd’hui, en colère contre leur présidente. Des magistrats qui, Mr. Le président, menacent de prendre leurs responsabilités, si « le droit n’est pas à l’audience du 6 novembre prochain ». Mais comment en est-on arrivé là ?

    Des pratiques indignes d’un Etat de droit

    Tout débute en janvier 1989. L’Etat malien, dans le cadre de la privatisation des Entreprises publiques, décide de liquider les biens meubles et immeubles de la Somiex.

    Pour ce faire, il donne mandat à un cabinet d’Expertise immobilière et foncière, en l’occurrence le « Cabinet Diarra » de faire l’évaluation de ces biens, en vue de dégager leur valeur marchande. Aucun liquidateur ne peut vendre un bien, sans au préalable, connaître sa valeur. Selon le rapport d’expertise, établi le 5 décembre 1988, la superficie totale du titre foncier de la Somiex, objet de cette affaire, est estimée à 8.010 m2, dont 322 m2 de surface bâtie. Et sa valeur marchande est estimée à 84,6 millions CFA.

    Appelé, couramment, magasin TSF, il est contigu au lot occupé par la Société des Détergents du Mali (SODEMA) d’Alain Achcar. Notons que ce titre foncier de la défunte Somiex est une propriété de l’Etat malien depuis 1948.

    Un avis d’appel d’offres est, ainsi, lancé dans les colonnes de notre confrère « L’Essor ». Il a enregistré la participation de six soumissionnaires, dont la SODEMA d’Alain Achcar et la SOMAFAM (la Société de Fabrication d’Articles métalliques).

    A l’issue du dépouillement, le titre foncier a été adjugé à Amadou Haïdara, second soumissionnaire au nom d’Alain Achcar. Montant proposé : 85 millions CFA, alors que la Somafam n’a proposé que 40 millions CFA. Invité à s’acquitter, dans un délai de 48 heures, du montant de sa soumission, la Sodema d’Alain Achcar désiste, à la stupéfaction générale. D’où le lancement d’un second appel d’offres.

    Contrairement au premier, le second appel d’offres n’a enregistré que trois soumissionnaires, dont la Sodema (encore elle !) et la Somafam.

    Au dépouillement, le titre foncier de l’ex-Somiex a été adjugé à la Somafam. Elle a proposé, sous plis fermé, 72millions CFA, alors que la Sodema n’a proposé que 55 millions CFA.

    Conformément aux clauses en vigueur, la Somafam s’acquitte du montant de la soumission : 72 millions CFA par un chèque BIAO, daté du 16 septembre 1989.

    Ainsi, d’ailleurs que les droits d’enregistrement (14,4 millions CFA) et les frais de notariat (1,3 millions CFA). Soit un montant total de 88,4 millions CFA.

    Le chapitre de la vente de ce titre foncier parait, dès lors, clos. Erreur. Car, il s’est avéré que le numéro porté sur l’acte de vente comportait une erreur. Autrement dit, le titre foncier ainsi vendu à la Somafam n’avait pas, au moment de sa vente, bénéficié d’un numéro à son nom. Mais au nom de l’Etat malien, sous le numéro 1393.

    Profitant, de cette aubaine, la Sodema d’Alain Achcar réussit – on ne sait trop comment – à établir, en lieu et place du titre foncier de l’Etat, un autre titre foncier portant le numéro 11413. Et avec une superficie de 5.591 m2. Une superficie qu’il tient à déduire du titre foncier de l’Etat, vendu à la Somafam, pour en faire une rue. Or, celle-ci n’a jamais existé. Les deux lots (celui acquis par la Somafam qui est contigu à celui occupé par la Sodema d’Alain Achcar) étaient, selon le service des Domaines, séparés par un petit fossé de 80 cm de large. Et cela, depuis 1948. Du coup, le litige enfle. Et Alain Achcar, conscient de sa puissance au sein de la justice malienne, porte l’affaire devant les tribunaux.

    Complicité de la Magostrature

    Saisi, par la Somafam, le Ministre des Finances d’alors, Mahamar Oumar Maïga, supplie celle-ci de concéder six mètres, sur son titre foncier, à la Sodema. Histoire de mettre fin au litige. La Somafam accepte, volontiers.

    Mais l’appétit venant en mangeant, Alain Achcar réclame, de nouveau, devant la section administrative de la cour suprême, quatorze mètres, au lieu de six, sur le titre foncier de l’Etat. Mieux, il pousse le bouchon, jusqu’à remettre en cause, devant cette juridiction, la régularité de l’appel d’offres.

    Dans son arrêt du 5 février 1995, la section Administrative de la suprême, consacre le caractère « inattaquable » de ce titre foncier, en rejetant la requête d’Alain Achcar.

    Revenue à la charge, en 1998, toujours devant la Section Administrative de la Cour suprême, la Sodema d’Alain Achcar essuie un nouveau revers. « Considérant que le Ministre des Finances et le Ministre de l’Administration territoriale sont ceux en charge de la gestion du patrimoine foncier, public et privé de l’Etat,… qu’il y a lieu de constater qu’ils ont agi dans leur domaine de compétence », a déclaré la cour. Avant de rejeter la requête d’Alain Achcar.

    Ce dernier, loin de s’avouer vaincu, multiplie les recours en s’arrogeant la complicité de certains « magostrats » de la cour suprême. Pour le contentieux du gouvernement d’alors, les agissements d’Alain Achcar sont inadmissibles dans un Etat de droit.

    Dans une correspondance, adressée au Président de la cour suprême, Mr. Barakou Askia Touré, le contentieux du gouvernement d’alors, écrit : « la cession du titre foncier n° 11713, à la Somafam, a été autorisée par un arrêté ministériel, en application des dispositions de l’article 38 bis de l’ordonnance, portant modification du code domanial et foncier. Ce qui ne peut être invoqué ou nié ». Avant de conclure : « le titre foncier est définitif et inattaquable ». Car, a-t-il précisé, l’erreur commise sur l’acte de vente, objet de la plainte d’Alain Achcar, a été réparée. Et la Somafam détient, désormais, le titre foncier de son lot. En bonne et due forme.

    Aussi, Mr. Le président, dans un acte Administratif, adressé le 26 mai 1997 à la cour suprême, Mme Niania Haïdara, Directrice générale des Impôts, écrit : « La présente vente est consentie, moyennant le prix de soixante-douze millions CFA, dont l’acquéreur s’est acquitté à l’ordre de l’Administrateur mandataire de la Somiex ». Et l’ex Directrice générale des Impôts de préciser : « Le receveur des Domaines, à Bamako, procédera au vu d’un exemplaire du présent acte de vente, à la mutation du titre foncier n° 11713 au nom de la Somafam ».

    Cet acte administratif de Mme Haïdara fait suite, Mr. Le président, à une correspondance de Soumaïla Cissé, Ministre des Finances de l’époque, dans laquelle il confirme que : « l’immeuble, objet de cette affaire, propriété de l’Etat, a été vendu par l’Administrateur mandataire de la Somiex à la Somafam ». Et le ministre des Finances d’ajouter : « Dès lors, rien ne s’oppose à une mutation directe de l’immeuble de l’Etat, d’une superficie de 8.010 m2, à la Somafam ».

    Mr. Le président, en dépit de toutes ces interventions et témoignages de nos plus hautes autorités – sans compter l’arrêté interministériel y faisant foi – la Sodema d’Alain Achcar continue de bénéficier de la complicité de ces « magostrats » pour qui, le droit a longtemps cessé d’être droit.

    Débouté, à trois reprises, par la section Administrative de la cour suprême, Achcar fait appel devant les sections réunies de la cour suprême. Toujours, avec la complicité de ses mercenaires en robe.

    Cinq ans après,  le verdict tombe comme un couperet. C’était le 19 juillet 2001. Les sections réunies de la cour suprême, dont le rapporteur n’était autre que Mme Diallo Kaïta Kayentao, réputée très proche d’Alain Achcar, rejette la requête d’Alain Achcar. Ce verdict, dont nous publions, ici, copie est sans appel. Et devant aucune autre juridiction.

    Mais Mme Diallo Kaïta Kayentao était, à cette audience, l’un des rares magistrats à s’opposer à la décision de ses collègues.

    Devenue Présidente de la Cour suprême, il y a quelques mois, elle a décidé de « déterrer les morts »… pardon, ce dossier, en fixant une date d’audience : le 6 novembre prochain, date à laquelle elle veut prendre sa revanche.

    Résultat : ses collègues sont en colère. Ils menacent, même, de mettre sa tête à prix. Car, pour la plupart d’entre-eux, leur présidente est, depuis 17 ans, sous la botte d’Alain Achcar. Ce dernier, toujours selon ces magistrats de la cour suprême, menace de mettre sur la place publique, la générosité, dont elle a bénéficié, dans le cadre de ce dossier. C’est pourquoi, Mr. Le président, il nous revient depuis quelques jours, que la Présidente de la cour suprême a entrepris de démarcher ses collègues, devant monter à l’audience du 6 novembre prochain, afin qu’ils prennent fait et cause pour Achcar.

    Ce sont ces faits, Mr. Le président, que nous avons décidé de porter à votre connaissance, en tant que Président du conseil supérieur de la Magistrature. Ces pratiques, Mr. Le président, n’honorent ni notre démocratie, ni votre mandat, jugé positif par tous, y compris vos adversaires politiques.

    Comment donner espoir à nos compatriotes et crédit à notre justice, si les Achcar se vantent de ne jamais perdre un procès au Mali ?

    Comment faire comprendre à nos concitoyens que tous les maliens sont égaux devant la loi, lorsque certains individus – comme les Achcar – sont plus égaux que d’autres ? Comment, enfin, comprendre, Mr. Le président, qu’un dossier aussi clair que l’eau de roche, puisse rester pendant, dix sept ans durant, devant la cour suprême ? Ce sont ces faits, Mr. Le président, que nous qualifions – à l’instar du contentieux du gouvernement – de « troublants et de suspects ». Des faits qui n’honorent, ni votre mandat, ni vos efforts, déployés depuis bientôt cinq ans, pour une justice indépendante et de qualité.

    Le Mollah Omar

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