La mobilisation du Malien est incontournable pour accompagner toutes initiatives publiques de sortie de crise et donner les impulsions souhaitables aux autorités nationales mais également aux forces armées dans leurs actions de redéploiement et de sécurisation militaires de l’ensemble du territoire à un moment où des actions terroristes sont menées sur l’ensemble du territoire pour saper les efforts de paix et de réconciliation. Les FAMA se sentiraient nettement mieux et seront plus confiants s’ils percevaient dans leur dos le ferme engagement des 17 millions de l’intérieur et des plus de 5 millions de nos compatriotes de la diaspora.
Enfin, l’implication des Maliens créera sans doute l’effet multiplicateur souhaitable de l’écho de nos autorités à l’extérieur et de l’audience de notre diplomatie vis-à-vis de ceux parmi nos amis qui doutent encore de notre volonté et de notre crédibilité. Les Maliens doivent faire un pour le Mali. Après les slogans creux et les incantations stériles, le temps de l’action concrète vers la mobilisation des maliens est venue. Plus que jamais !
Sur ce chantier, comme cela a été régulièrement dit, nos autorités doivent fixer le cap, mobiliser nos forces, mettre à profit les outils innombrables à leur disposition. Elles en seront d’autant mieux accompagnées par les citoyens qui embraieront sans doute plus facilement, à l’instar de certains qui les ont déjà devancées. Ces interactions entre le sommet et la base assureront la réussite de l’exercice et accroîtront ainsi ses impacts attendus sur le pays et ses amis.
La mobilisation pour quels impacts?
La mobilisation du Malien, qu’il vive en ville ou en campagne ou à l’extérieur du pays, est recherchée pour assurer l’unité des cœurs et des esprits vers un seul objectif, gommer les divergences et les querelles stériles en les rendant hors sujet, mobiliser les énergies nationales vers un but et par conséquent accroître fortement les chances de l’atteindre. Plusieurs impacts notables sur le pays, la société et nos rapports avec les autres sont probables à ce niveau.
L’un des principaux impacts est la mobilisation des maliens, au propre comme au figuré pour enfin placer la sécurisation de l’ensemble du territoire dans son agenda individuel et l’imposer dans l’agenda collectif. Il nous faut nous lever, et nous coucher, avec cette idée en tête. Il nous faut l’avoir en permanence en tête, et nous apprêter à nous engager pour toute cause allant dans ce sens. Aujourd’hui, le dossier du Nord est présent dans nos conversations mais il ne modifie en rien nos reflexes, notre mode de vie, nos activités. La mobilisation doit permettre qu’un changement s’opère en nous vers cet objectif afin que la paix, la réconciliation, la sécurité au Nord et au Sud, pour un jeune au chômage par exemple, soient aussi prégnantes que la question de son emploi.
La mobilisation citoyenne sera bénéfique pour les autorités car elle accroîtra leur proximité avec le peuple et donc leur légitimité, facilitera l’engagement des citoyens pour les causes en rapport avec la question du Nord et ses implications sécuritaires, effacera les autres sujets périphériques et politiciens, gommera les divisions et mettra définitivement hors courses les opportunistes et autres diviseurs professionnels. Dans leurs actions quotidiennes, nos autorités pourront ainsi sentir la volonté populaire d’accompagnement.
Un autre impact et non des moindres sera l’implication des citoyens dans la mise en œuvre de l’accord de paix, implication peu perceptible en ce moment. Cela sera hautement bénéfique pour tous, notamment les leaders. Les solutions seront plus facilement partagées et donc plus rapidement consensuelles nous permettant d’aller ainsi à l’essentiel à chaque fois. Les décisions difficiles, si elles étaient bien expliquées dans une totale transparence, seraient plus facilement acceptées.
La préparation psychologique des uns et des autres aux actions de perturbation comme des attentats et autres manœuvres de terreur sera plus facilement obtenue si la mobilisation est organisée. A un moment ou à un autre de son histoire, un peuple est amené à faire des sacrifices. Ces derniers sont d’ordre matériel ou financier, peuvent être consenties sous d’autres formes. Ils sont aussi et surtout humains. En cas d’actes terroristes, les pertes civiles et militaires peuvent être nombreuses. Les destructions de biens également. Les citoyens seront plus enclins à accepter cela s’ils sont préparés, s’organisent pour y faire face et à faire bloc quelque soit l’ampleur des pertes.
C’est aussi cette préparation psychologique qui permettra à chacun d’accompagner les autorités dans l’exécution des mesures de sécurité dans les villes et partout sur le territoire. La prévention des actes terroristes qui deviennent désormais une de nos menaces principales, l’information des services de renseignement et des forces de l’ordre, l’adoption de comportements sécuritaires de tous instants seront ainsi plus facilement obtenus quand nos cœurs et nos esprits seront exclusivement tournés vers cette question vitale pour notre pays.
La mobilisation doit également avoir un impact financier pour le pays. On peut raisonnablement tabler sur une contribution de nos compatriotes, en cette phase délicate de notre histoire, qui serait d’au moins 20 milliards de FCFA afin de soutenir nos forces armées et de sécurité dans leurs tâches de redéploiement et de sécurisation du pays, il est intéressant de rappeler les acquis d’une première contribution volontaire qui a permis de mobiliser plus de trois milliards de FCFA en 2013, et plusieurs dons en nature.
La loi de programmation militaire prévoit des dépenses importantes pour aider les FAMA à se remettre d’aplomb. Le malien doit en être bien informé et surtout doit être sollicité, comme en 2013, pour y contribuer. Le niveau de collecte sera fonction de notre capacité à mobiliser les maliens, à leur faire prendre conscience des périls qui menacent notre beau pays et donc de la nécessité pour chacun de faire un effort pour apporter sa pierre financière à cet édifice national de sauvetage du Mali. Si nous partons de l’hypothèse que nous sommes environ 22 millions (17 millions à l’intérieur et plus de 5 millions à l’extérieur), pour mobiliser 20 milliards il faut une moyenne de contribution individuelle inférieure à 1000 FCFA ! Quand on sait que certains d’entre nous ont une capacité contributive de plusieurs dizaines de millions de FCFA, il n’est pas illusoire de se fixer cet objectif qui ne représente que 0,3% de notre PIB de 2014 et moins de 1,5% du budget d’Etat de 2015.
Le dernier impact et non le moindre est le raffermissement du sentiment national que la mobilisation des maliens facilitera. L’unité dans l’adversité est un élément fédérateur et restaurateur d’une nation. On a régulièrement dit que la nation malienne avait besoin de sublimer les mythes nationaux pour s’approfondir et se raffermir. La mobilisation exceptionnelle qu’il faut appeler de ses vœux en ces périodes constituera, à n’en pas douter, un de ces mythes fondateurs dont les maliens pourront être fiers dans les années à venir. Raconter à nos enfants et petits enfants comment, comme un seul homme, de la forêt profonde de Madina Kouroulamini aux roches brûlantes de Kidal en passant par Bamako, Yélimane, Bandiagara et les plaines verdoyantes du lac Debo, nous nous sommes mobilisés pour lever des fonds et soutenir par tous les moyens nos autorités et nos forces armées vers le redéploiement de l’Etat sur le territoire, le retour de nos compatriotes refugiés, la sécurisation du pays et l’anéantissement des fauteurs de troubles sera une source immense de fierté intergénérationnelle pour les maliens. Il n’y a pas meilleur souvenir pour une nation en construction !
Ces impacts probables rendent plus que jamais indispensables notre mobilisation par nos autorités qui disposent pour ce faire de nombreuses possibilités à utiliser.
Comment y arriver au niveau des autorités ?
La mobilisation du Malien n’est pas chose aisée tant les habitudes installées maintenant depuis plusieurs décennies sont difficiles à abandonner. Ces habitudes faites d’indifférence au sort collectif, de découragement et d’abattement rapides devant l’adversité, de passivité confinant au désintérêt, doivent être bousculées pour que nous puissions les abandonner. Et rapidement !
De nombreux outils et moyens d’actions s’offrent aux leaders pour ce faire.
Sur le front juridique et institutionnel, la loi N° 2004 – 51 P-RM du 23 novembre 2004 portant organisation générale de la défense nationale prévoit des situations particulières similaires à celles que nous vivons aujourd’hui et donne des possibilités de réaction aux autorités nationales face à celles-ci. Elle prévoit par exemple, qu’en cas de menace portant sur une partie du territoire, un secteur de la vie nationale ou une fraction de la population, le Gouvernement, par Décret pris en Conseil des ministres, peut décider de la mise en garde ou la mobilisation générale. Ces mesures lui donneront les moyens permettant de procéder à la réquisition des personnes, des biens et des services et de soumettre à contrôle et à répartition toutes les ressources nécessaires à la vie publiques (matières premières, énergie, produits…) qu’elles soient privées ou publiques. Ce texte offre une palette très large de moyens, qui peut être mise en œuvre, au moins partiellement, en fonction de l’évolution de la situation, donnant ainsi la possibilité aux autorités d’engager définitivement le malien dans la sécurisation durable du pays et de réconciliation entre les maliens.
Les autorités doivent définir le contour qu’elles souhaiteraient donner à la mobilisation des maliens et fixer un cadre qui prévoirait une évolution en fonction de la situation.
Après les attaques à la frontière ivoirienne, vers Léré, à Gourma Rharous et dernièrement à Sevaré et devant des perspectives sécuritaires menaçantes, le minimum aujourd’hui est de déclarer au moins la mise en garde et de fixer ses contours en termes de conditionnement de nos compatriotes. Cet état de fait doit permettre de convaincre les maliens que la patrie est en danger et donc les amener à accepter d’une part, les mesures contraignantes qu’il va falloir prendre, et d’autre part à s’engager eux même dans les actions de mobilisation individuelle et collective.
Les mesures contraignantes prises ainsi que les orientations données vers l’encadrement de la population doivent faire l’objet de la plus grande vulgarisation possible. La presse écrite mais surtout la presse audiovisuelle doivent être invitées à relayer ces mesures avec l’objectif de toucher chacun des 22 millions de Maliens. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) sont à mettre à contribution, les canaux traditionnels également. Tous les autres circuits de communication (leaders traditionnels, regroupements religieux, services publics…) sont à mettre à contribution pour donner aux mesures prises la plus grande visibilité. Il sera instruit à l’ensemble de l’Etat, aux services de l’ordre en particulier mais aussi aux collectivités territoriales et autres postes avancés de veiller à la mise en œuvre des mesures de mobilisation engagées par les autorités publiques. Ce dispositif permettra d’installer le malien dans une situation de guerre contre le terrorisme sans qu’il cède à la panique.
La panoplie de mesures que les autorités sont susceptibles de prendre est très large. Certaines seront néanmoins symboliques et marqueront les esprits. Il en est par exemple, de la cessation de toutes les réjouissances publiques voire de leur remplacement par des cérémonies de compassions à l’endroit de nos frères et sœurs, en particulier les forces armées et de sécurité, meurtris par les actes d’insécurité. A l’occasion d’un mariage ou d’un baptême, au lieu de cortèges bruyants suivis par des « sumus » et autres manifestations tapageuses, on pourrait célébrer ces événements dans la sobriété, éviter les attroupements et les vacarmes inutiles, limiter les dépenses et en profiter pour collecter des dons à l’égard de nos parents qui souffrent.
Cette contrainte et cette invite seront poursuivies au niveau des médias qui devront bannir les programmes de divertissement stériles et privilégier l’unité, l’entente et l’exaltation du patriotisme et de l’attachement au pays. Ces mesures pourront être étendues aux établissements de loisirs …qui ne seront pas fermés mais à qui il pourra être demandé de mettre en place des mesures spécifiques de mobilisation et de collecte de contribution contre le terrorisme et ses méfaits. La diffusion de messages écrits ou audio, la projection d’images, l’observation de moments de silence ou de chant de l’hymne national…sont des mesures qui peuvent les concerner. Dans la même veine, tous les lieux de regroupement humain doivent se mettre au diapason de la guerre contre la terreur par la sensibilisation, le recueillement, l’éveil de l’esprit patriotique…Les marchés, les cérémonies religieuses, les manifestations sportives sont des opportunités pour éveiller le malien au contexte du pays et créer en lui l’élan patriotique nécessaire à sa mobilisation.
Nous devons mettre à contribution les écoles, les universités, les entreprises, les services publics avec partout les mêmes messages, les mêmes attitudes pour obtenir les mêmes engagements. Les apprenants, doivent chaque jour et à chaque occasion participer à des activités de mobilisation et d’éveil patriotique. Il en sera de même des enseignants et de l’encadrement pédagogique.
Partout sur le territoire, aucun service public, aucun agent public ne doit échapper à ce maillage. On pourrait par exemple systématiser la mise en berne des drapeaux à chaque acte de terreur. On pourrait par exemple obliger tous les agents publics à la levée des couleurs et au chant de l’hymne national, chaque jour au niveau de chaque service avec la participation de toutes les autorités partout sur le territoire nationale. On pourrait instaurer dans la journée un ou plusieurs moments de recueillements pendant lesquels le pays s’arrête pour se ressourcer, mobiliser son énergie et son esprit, puiser dans ses entrailles les forces nécessaires pour faire face à tous les défis.
De nombreux autres outils sont disponibles et les autorités pourront se faire assister en la matière par nos leaders traditionnels, nos autorités religieuses, les élus locaux et de toutes les forces vives pour identifier les moyens efficaces de mobilisation et ensuite les mettre en œuvre avec de réelles chances de réussite. Cela les aiderait à fixer le schéma de montée en grade des dispositifs de mobilisation et d’encadrement et d’anticiper sur des mesures plus contraignantes et plus douloureuses comme les réquisitions de personnes et de biens ou encore l’affectation des circuits de productions pour mieux soutendre les efforts nationaux. Cela n’est pas d’actualité mais pourrait l’être le cas échéant. Il nous revient dès lors de préparer et d’anticiper sur ces mesures et sur les actions d’accompagnement à engager ainsi que les stratégies de communication à mettre en œuvre.
La question des ressources financières est un élément important de la mobilisation nationale et en même temps un baromètre significatif de l’effectivité de celle-ci. L’Etat doit s’y engager pour concrétiser la nécessaire implication des maliens mais aussi disposer d’un minimum de ressources supplémentaires à engager dans l’effort des forces armées et de sécurité. Le lancement d’une grande souscription nationale pour le soutien aux forces armées et de sécurité en vue de collecter des fonds et des dons de toutes sortes peut être envisagé. Cette souscription doit être volontaire, être conduite par les autorités nationales à travers l’ensemble des services publics financiers partout sur le territoire avec la délivrance de justificatifs à tout paiement. L’Etat pourrait émettre des timbres ou vignettes spécifiques « soutien au Mali », « soutien à la paix et à la réconciliation nationale », « non au terrorisme » pouvant être affichés et qui seraient cédés à un prix standard pour collecter des ressources. L’Etat peut aussi envisager la levée d’un impôt spécifique, adapté et facile à collecter pour compléter les moyens nécessaires à la campagne. Les contributions financières à collecter revêtiront donc un caractère volontaire d’une part, et une spécificité obligatoire d’autre part, pour accroître le potentiel de collecte et lever des fonds appréciables afin de soutenir les efforts publics.
L’Etat, utilisant les moyens juridiques à sa disposition et associant l’ensemble des composantes des forces vives, pourrait ainsi mobiliser les maliens vers le seul but qui vaille aujourd’hui, la sécurisation durable du territoire dans le sillage de la résolution de la crise au Nord à travers la paix et la réconciliation entre les maliens.
Que doivent faire les citoyens pour accompagner?
Les maliens ont le devoir d’accompagner les efforts des autorités pour s’engager individuellement et collectivement dans cette œuvre hautement patriotique.
Ils doivent s’abstenir de toute initiative de sabotage et voir en ces actions de mobilisation l’une des meilleures opportunités d’un Mali qui se remet debout grâce aux maliens, un Mali qui s’engage vers son destin dans des conditions favorables pour ses intérêts immédiats et à moyen et long termes. C’est cet engagement citoyen souhaitable qui s’est traduit en 2013, pendant la transition, par de nombreuses initiatives, publiques et privées au bénéfice de nos forces armées en campagne militaire. Nous devons essayer de nouveau en 2015. Le moment qui s’y prête parfaitement, nous l’impose.
Nous pourrions ainsi voir des initiatives originales prises par les regroupements socio politiques, les partis politiques, la société civile, les collectivités locales, les entreprises privées, les services publics, les organisations religieuses, les réseaux des maliens de la diaspora….créant une véritable lame de fond de mobilisation des maliens pour la cause du pays. Si on s’y prend habilement, en fouettant l’orgueil de nos compatriotes, en suscitant des initiatives originales des femmes, jeunes…partout sur le territoire, on pourrait être surpris des résultats. Plus que jamais les maliens sont prêts à participer à une œuvre nationale pour donner de l’élan au pays, lui rendre sa fierté et donner en même temps à nos autorités les marges de manœuvres nécessaires à un pilotage efficace du pays en ces moments difficiles. Seule la mobilisation des maliens derrière elles, mûs par un seul souci et engagé dans une seule direction, garantirait cela. Ce bloc (peuple – dirigeants) sera forcément respecté à l’extérieur. Il sera craint par les ennemies de toutes sortes qui se sont beaucoup nourris de nos divisions. Il assurerait à nos forces armées mais aussi à nos diplomates et représentants le souffle indispensable à leur progression.
Vivement que nos autorités entendent cet appel à la mobilisation du Malien ! Vivement qu’elles soient convaincues de l’engagement de ce partenariat « gagnant – gagnant » avec le peuple en ce moment où le Mali en a bien besoin !
Le Malien a été le spectateur de son histoire, pendant les cinquante-cinq ans de notre indépendance. Il a été balloté entre populisme et autoritarisme, entre fausse consultation et liberté infantilisante, entre contemplation forcée et transparence en trompe l’œil. Il a été quelque fois obligé d’aller dans des directions qu’il ne comprenait pas, faire des options qu’il ne maitrisait pas. Il a été souvent endormi par des formules toutes faites, aussi creuses qu’improductives.
Il est désormais temps qu’il se saisisse de lui-même et du Mali, en faisant face aux réalités, en acceptant de souffrir et de faire des sacrifices pour se sortir de cette mauvaise passe que son inaction a favorisée. Alors, quoi de plus normal, que cet engagement et ces sacrifices lui soient demandés aujourd’hui ?
Moussa MARA
PS : Cet article est la reprise et l’actualisation d’une précédente tribune publiée en 2013 pendant la transition. Le contexte a certes évolué mais les enjeux pour le Mali demeurent fondamentalement les mêmes