Missa Hébie, réalisateur Burkinabé : ‘Si nous faisons des films adaptés à nos réalités, le public suivra”

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    Présent à Bamako, pour le lancement de la première édition de Cinétour initié par Orange Mali, le réalisateur Burkinabé, qui a fait  bon nombre de  films comme ”Le Fauteuil” et ” En attendant le vote” dans lequel jouent Guimba et Kari Coulibaly, a porté un regard sur la production et la promotion du cinéma africain. Missa Hébié, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a parlé aussi des actions en cours pour rendre le secteur du cinéma plus rentable.

    Bamako Hebdo : Comment trouvez- vous cette initiative de Orange ?
    Missa Hébié :
    Si nous sommes ici à Bamako, c’est parce que nous adhérons à l’événement. Nous trouvons que c’est une très bonne chose car si nous faisons nos films, c’est pour qu’ils soient vus par le maximum d’Africains. C’est un plaisir pour moi de venir à Bamako, ce n’est pas parce qu’il y a deux comédiens maliens qui ont joué dans mon film, Guimba et Kari Coulibaly. Non, ce n’est pas ça ! Cela a toujours été un plaisir pour un cinéaste africain d’aller dans un autre pays africain, pour y montrer son œuvre. C’est pourquoi nous sommes là, aujourd’hui. J’espère que le public va aimer ce que nous avons fait car chacun de nous a des messages à faire passer au public africain. C’est ça qui est important.

    Pourquoi le public ne va plus regarder les films dans les salles de cinéma ?
     C’est dû à plusieurs causes dont en première ligne la piraterie. Il y a beaucoup de piraterie aujourd’hui. Les DVD se vendent aujourd’hui entre 500 et 1000 FCFA. Les gens préfèrent acheter les DVD piratés  et les regarder à la maison plutôt que d’aller au cinéma.  Tu prends madame pour aller au cinéma, il y a le carburant et les deux tickets d’entrée à payer. Ensuite, il faut s’arrêter dans un petit maquis pour payer à boire. En fin de compte, dans la soirée, vous vous retrouvez avec au minimum 5000 FCFA de dépenses  et les gens, avec la crise qui sévit actuellement, sont très près de leurs sous. Ils réfléchissent beaucoup avant de dépenser leur argent. En plus, aujourd’hui, il y a beaucoup de chaînes de télévision à la disposition des gens. Ce qui ne donne pas  envie de sortir si on a un programme alléchant.  Les gens restent à la maison, ils zappent, ça leur permet d’économiser.

    Mais est-ce que cela facilite le développement du cinéma africain ?
     Cela entraîne un manque de financement du cinéma africain. Problème qui se pose de plus en plus parce que pour faire un film aujourd’hui, il faut se lever  tôt. C’est la croix et la bannière pour faire un film africain aujourd’hui. En d’autres termes, ce n’est pas du tout facile.  Mais nous avons la chance qu’au Burkina, nos salles ne sont pas fermées, comme cela se passe dans beaucoup de pays africains. Je ne sais pas si c’est le Fespaco, qui est là depuis une quarantaine d’années,  qui donne envie aux gens de sortir. Et elles sont très fréquentées, heureusement pour nous ! D’ailleurs moi, je fais la plupart de mes films en prenant un prêt à la banque et heureusement que ça marche. Je rembourse parce que j’hypothèque toujours ma maison. Bref, de ce côté-là, nous avons la chance au Burkina. Mais il faut aussi présenter des thèmes qui sont adaptés au public d’aujourd’hui. Des films que le public aime et vous allez voir que les gens vont fréquenter les salles de cinéma. Tant que nous ne faisons pas des films adaptés à nos réalités de tous les jours, le public ne suivra pas.
    Propos recueillis par Kassim Traoré

    Mahamat Saleh Haroun cinéaste Tchadien
    "Au Tchad, on a voté une loi qui instaure une redevance au profit du cinéma. Le Mali et le Burkina peuvent le faire "

    Le réalisateur  tchadien, dont le film,  " Un homme qui crie " a eu l’étalon d’argent du Yennega au Fespaco 2011, pense que le cinéma africain peut être une industrie. Il nous a  expliqué, dans cet entretien,  les mécanismes  qui ont permis au cinéma tchadien d’avoir des fonds pour construire une école de cinéma.

    Bamako Hebdo : Qu’est-ce qui explique votre présence à Bamako ?
    Mahamat Saled Haroun :
    Je suis présent à Bamako, dans le cadre du festival du cinéma, Cinétour, qui doit passer au Mali, Niger, Côté d’Ivoire , Sénégal, Guinée Conakry et Guinée Bissau, soit dans 6 pays. Il nous fallait donc être au lancement à Bamako, avec d’autres réalisateurs, pour appuyer cette initiative salutaire pour le cinéma. Voilà les raisons de ma présence à Bamako.

    Quel jugement portez-vous sur le cinéma africain ?
     Il y a un film malien dans ce festival. J’aurais souhaité voir des cinéastes maliens au lancement de la manifestation. Cela aurait été important. Vous savez, les artistes font à peu près ce qu’ils veulent, ce qu’ils désirent voir. Mais il y a des gens qui veulent séduire le public. En fait, il n y a pas de pierre à jeter à qui que ce soit, chacun fait la cuisine qu’il peut faire, avec son niveau, avec son talent. Après voilà ! Par exemple, moi je ne me mettrai pas à critiquer le palmarès du Fespaco 2011. Ce n’est pas mon rôle. Ce que je veux dire tout simplement, c’est que l’Afrique n’a pas besoin d’être isolée. Nous ne sommes pas des êtres différents, on n’a pas besoin de films spécifiques, de films ethniques pour nous-mêmes. Moi je souhaite que tous les films africains puissent être vus au Japon, dans le monde entier, parce que nous voyons le monde entier. Vous voyez des films américains, japonais, français. Cette vision à dire qu’il faut s’enfermer sur son territoire  n’est pas  la mienne. Parce que ce n’est pas ma vision des choses.

    Qu’est-ce que vous proposez pour l’Afrique ?
     Ce que je peux dire, c’est qu’avec " Un homme qui crie " et son rayonnement sur le plan international, j’ai vu comment, à un moment au Tchad, le sentiment national a commencé à gagner les gens. Comment les autorités politiques tchadiennes ont décidé de faire des choses qui n’ont jamais été réalisées en Afrique noire. Au Tchad, on a voté une loi, à partir du moment où ce film là a eu ce rayonnement. Une loi qui instaure tout juste une redevance. Le Mali et le Burkina peuvent le faire. Il suffit tout simplement de taxer les communications  sur les téléphones portables et cet argent va servir à financer la production audiovisuelle et cinématographique. En plus de cela, il a été décidé de la création d’une école de cinéma qui va ouvrir en 2013. Parce que, soudain, le président de la République et le gouvernement se disent que le cinéma est important et qu’il donne une image du pays, différente de celle qui est répandue avec son cortège de violence et de pauvreté.
    Je fais un cinéma que peut-être beaucoup de gens n’aiment pas. Mais Cheikh Anta Diop n’est pas lu, mais pourtant cela ne veut pas dire que ce n’est un artiste un grand penseur. On ne peut résumer la qualité du travail d’un artiste, il faut qu’on se respecte tout simplement. L’art ne se mesure pas à la quantité du public qu’on peut avoir.  
    Propos recueillis par Kassim TRAORE

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