Migration, conflits, évacuation d’urgence, réinstallation au pays

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les immigres
Les immigrés Lampedusa

La migration est le propre de toute espèce vivante. Les animaux migrent au gré des saisons et de la nourriture disponible. Ils quittent leur milieu naturel pour y revenir quand les conditions leur sont à nouveau favorables. Il en a toujours été de même pour les êtres humains. Au cours des siècles, ils ont quitté leurs villages pour s’installer en ville, en quête d’un travail et d’une vie meilleure.

 

Des femmes et des hommes se sont aventurés au-delà des frontières, dans un pays voisin ou lointain. Ils y ont fait leur vie, leurs enfants y sont nés. Parfois, les populations n’ont d’autre choix que la migration pour survivre aux  sècheresses, aux crises économiques sévères, aux conflits ou aux guerres. Lorsque ces désastres perdurent, les exilés s’enracinent là où ils ont trouvé refuge. Leurs descendants se souviennent qu’ils sont «d’origine» étrangère, parce qu’on leur a raconté l’histoire de leurs ancêtres, et parce qu’ils portent un nom «d’ailleurs», un patronyme à consonance régionale ou étrangère. De génération en génération, le contact avec le pays d’origine peut se perdre. Les brassages culturels se font ainsi, progressivement, au fil du temps, au rythme de l’Histoire, dans toutes les régions, dans tous les pays, sur tous les continents.

 

Contrairement à une idée reçue en Occident, les migrants africains se dirigent plus volontiers vers d’autres pays du continent que vers l’Europe ou l’Amérique du Nord. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), «près de 19,3 millions de personnes sont concernées par les migrations à travers les régions d’Afrique, soit 1,9% de la population totale du continent».

 

 

Les Maliens sont de grands voyageurs

Les Maliens sont de grands voyageurs. Les autorités maliennes chiffrent à 4 millions leurs ressortissants à l’extérieur, mais ce ne sont là que des estimations, certainement bien en deçà de la réalité. Ce qui est sûr, c’est qu’on retrouve des Maliens partout sur le continent, en Afrique de l’Ouest, Centrale ou Australe. Souvent, leurs familles le savent car ces migrants demeurent leur soutien principal. Parfois, le lien s’est émoussé avec le temps jusqu’à disparaître.

 

Lorsque les affrontements ont éclaté en République Centrafricaine, le monde entier a appris que beaucoup d’Africains originaires d’autres pays vivaient là-bas. Depuis début janvier, des femmes, des hommes, des enfants, bi-nationaux, ou déclarés d’origine guinéenne, malienne, sénégalaise, tchadienne, et bien d’autres encore, sont évacués et rapatriés vers le pays de leurs parents.

 

Plus d’un millier de Maliens et de Centrafricains d’origine malienne sont ainsi arrivés à Bamako. Souvent, ils foulent le sol malien pour la première fois. Parmi eux, Aïssata Daf, 50 ans, qui n’a pas la nationalité malienne, raconte qu’elle est née en RCA et n’a jamais connu autre chose, puisque ce sont ses grands-parents qui sont venus s’y installer. Elle est «rapatriée en terre inconnue».  Ceux qui n’avaient pas perdu le contact avec le pays de leurs ancêtres ont tout de suite été recueillis par leur famille. Soutenir ses frères et sœurs est une nouvelle épreuve pour les Maliens, déjà largement éprouvés depuis janvier 2012. Les autorités gouvernementales ont demandé à ce que les enfants rapatriés soient scolarisés, mais peu est fait pour trouver une vraie solution à l’échelle nationale. Malgré l’intervention des organisations internationales, ces évacués manquent encore de tout.

 

 

C’est ce qu’a constaté Bintou Doumbia, une Malienne de la diaspora en France, très active et efficace dans le milieu associatif, quand, en janvier, elle leur a rendu visite à Bamako, juste après les premières arrivées. De retour à Paris, elle a contacté les responsables de groupements maliens pour réfléchir, ensemble, aux actions de soutien possibles. Lors de la première réunion qui s’est tenue, le mercredi 19 février dernier, à la Bourse du Travail de St Denis, dans la proche banlieue nord, plus d’une vingtaine étaient présents. Les idées ont fusé pour collecter du matériel, de la nourriture et de l’argent. Mais, très vite, leur expérience a parlé. Les représentations diplomatiques du Mali en France ne sont pas toujours dignes de confiance. Certains, à l’extérieur comme au pays, profitent de ces crises pour détourner ce qui ne leur est pas destiné. La distribution et la juste répartition de l’aide sont difficiles à assurer. Comment redonner confiance aux Maliens de l’extérieur pour qu’ils acceptent, à nouveau, de venir en aide aux frères et sœurs en détresse ?  Toujours prêts à agir, ils sont chaque fois déçus de constater que leurs dons n’arrivent que rarement à bon port, ou ne profitent qu’à quelques uns.

 

 

Cette première rencontre qui doit aboutir à une action fédérant plusieurs associations a été sans langue de bois et pleine de bon sens. Chacun sait quels écueils il faudra éviter, quelles difficultés il faudra surmonter, quelle vigilance il faudra développer. Tout sera mis en œuvre pour que, cette fois-ci, l’élan de solidarité atteigne son but.

 

 

Les Maliens de l’extérieur en France savent qu’ils sont,  a priori,  à l’abri des conflits et des guerres qui contraignent les expatriés à reprendre le chemin de l’exil, mais ils sont conscients que l’instabilité qui règne dans de nombreux pays du Continent peut amener d’autres communautés d’origine malienne à revenir au pays. Il est donc temps d’initier un soutien pérenne qui viendra en complément des actions gouvernementales, afin que tous les rapatriés puissent se réinstaller au Mali après une évacuation d’urgence face à des affrontements qui menaçaient leur sécurité.

Françoise WASSERVOGEL

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