« Seules les choses qui n’ont pas d’âmes peuvent vivre éternellement.
On a beau être puissant un jour, on deviendra impuissant par la faute de la mort. Tel semble être la vie de ce grand homme qualifié de père de la Nation en la personne de Mamadou KONATE depuis le congrès du 21 Mai 1946 du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) tenu à Bamako. Ce congrès l’a fait élire comme un des vice-présidents du nouveau parti devenant ainsi l’un des pères fondateurs du RDA, dont l’objectif était l’émancipation des populations Africaines. Elu successivement trois fois de suite à l’assemblée française au palais de Bourgon de 1946 à 1958, il a été le premier noir à occuper le poste de premier vice-président de l’assemblée français pendant la quatrième République. Instituteur sorti de l’école William Ponty de Sébékotane (au Sénégal) en tant que major de sa promotion, il naquit à Kati en 1897. Il est le fils de Tiéouleba et de Mama SY. Lors du congrès du RDA en 1946 Mamadou KONATE a brillamment débloqué une situation de crise qui s’est invitée dans les crises du congrès du RDA.
Certains participants voulaient que le mot ‘’autonomie’’ soit consacré dans la résolution du congrès. Ce qui n’était pas l’avis des Soudanais. C’est donc Mamadou KONATE qui a proposé cette autre formule « Union librement consentie qui nous fera aboutir plus tard à l’autonomie », cette formule proposée par Mamadou KONATE à été adoptée par acclamation.
Toute chose qui a permis de débloquer le désaccord de départ sur les objectifs du RDA. Fily Dabo SISSOKO et Mamadou KONATE en désaccord sur les visions politiques se sont embrassés à la tribune à la demande de Félix Houphouët Boigny au milieu des applaudissements comme pour sceller la paix des braves. C’était le 21 Mai 1946.
Dix ans après presque jour pour jour il est décédé après une carrière politique très courte, mais tout de même bien remplie. C’était le 11 Mai 1956 à Bamako à 15 heures 25 minutes, selon les récits historiques des partis politiques au Mali de 1946 à 1968.
Il était atteint d’un cancer primitif du foie qui a été la cause directe de sa mort constatée par le docteur Bouche RENE, médecin commandant des troupes coloniales, médecin-chef du dispensaire central et de la maternité de Bamako (assisté par des docteurs Antoine et Seydou Badian Kouyaté). Ses obsèques ont été célébrées le 12 Mai en présence de nombreuses personnalités. De nombreux discours ont été prononcés : Fily Dabo CISSOKO, président de l’Assemblée Territoriale. Yalla SIDIBE vice-président de l’Assemblée Territoriale, Modibo KEITA député RDA, YA DOUMBIA conseiller de l’Union française, gouverneur Geay, sénateur Perrain Boissier, PALUM, président du grand conseil, le haut commissaire de l’AOF, le ministre Félix Houphouët BOIGNY.
Ces discours ont été transmis le 16 Mai par la Radio Dakar à 20 h et Radio Abidjan à 22h. Mais le discours de Fily Dabo CISSOKO, un adversaire politique redoutable avec lequel il a été toujours en bagarre, mais sans jamais aller au divorce ni politiquement ni socialement a retenu notre attention. Nous vous le livrons en intégralité.
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Haut-commissaire,
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Monsieur le Gouverneur,
Mes Chers Collègues parlementaires, Conseillers généraux et Chefs de Cantons,
Monsieur,
Les proverbes de la terre, chez nous, disent que la mort peut passer dix fois dans une maison sans frapper un homme. Mais cette fois, la niveleuse a frappé au cœur du Soudan. Que dis-je ? Au cœur même de l’Afrique. Car le rayonnement de Mamadou s’étendait de l’Atlantique au Lac Tchad, du Tagant à la lagune d’Assainie. J’en veux pour preuve, cette foule venue de tous les azimuts pour lui rendre un suprême hommage, cette foule recueillie que l’angoisse étreint associée à d’effrayantes perspectives d’avenir. Faut-il rappeler qu’hier encore, l’Assemblée Nationale, par la voix de son Président le Troquer, rendit un vibrant hommage à celui que nous pleurons tous aujourd’hui ? Et qu’à l’issue du Congrès MRP, les militants de ce mouvement observèrent une minute de silence en son honneur ?
Si bien que je suis tenté de m’écrier comme Abba Shaoul de Gisela :
Où est-elle, ô mort ta victoire ?
Où est-elle, ô mort ton aiguillon ?
Car la mort n’a aucune prise sur un tel rayonnement.
Pourquoi ?
Messieurs, permettez au Président de l’Assemblée Territoriale du Soudan de ne pas parler de l’activité faite d’allant et de lucidité de Mamadou au sein de cette Assemblée. Le Vice-président Yalla Sidibé l’a fait.
Permettez-moi de ne pas aborder, non plus, son activité parlementaire. Le Vice-Président de l’Assemblée de l’Union Française à Versailles, Yâ Doumbia l’a fait.
L’un et l’autre avec des arguments péremptoires, vibrant d’émotions contenues, de sympathie, de profonde estime et d’amitié.
C’est mon propos
Devant cette tombe prématurément ouverte, laissé parler mon cœur, laissez-moi exalter l’amitié
Allah Talah ! Le Clément, le Miséricordieux a créé l’univers par amour, par amitié pour son Prophète, venu sceller le sceau de la prophétie et doter l’Humanité du Livre des livres. L’amitié est donc la clef de voûte de toutes les activités humaines, ici-bas. Toutes les mythologies de tous les peuples, dans tous les temps et sous les cieux, l’ont exaltée à ce point de vue ; toutes les cosmogénèses de toutes les civilisations l’ont inscrite parmi les constellations et toutes les religions révélées lui ont réservé une place insigne à la droite du Semeur.
Mamadou était mon ami. Non pas que nous fussions du même pays. Non pas que nos familles fussent liées plusieurs générations. Non pas, en tant qu’éducateurs, nous fumes entrainés par vocation dans un même sillage, celui qui nous a conduits, l’un et l’autre au Parlement : l’amour du sol natal, sublimé dans le souci d’assurer l’avenir des nouvelles générations.
Non c’est le cœur qui a parlé, un certain soir, ici même, à Bamako, autour d’un banquet en 1918. Depuis, le fil de fohat, tenu, qui constituait le lien de cette amitié s’est développé, a pris une forme irréfragable que les secousses que nous venons de subir ces dix dernières années n’ont pu altérer. J’en appelle au témoignage de tous les Soudanais de bonne foi. Si la mort, sur le plan physique, peut mettre un terme à cette amitié, elle n’a aucune prise sur elle sur les plans supérieurs de l’esprit. Et c’est pour cela que Saint-Paul a eu raison de s’écrier :
O mort où ta victoire ?
Cette amitié, pain merveilleux qu’un ange partage et multiplie, émanait de Mamadou comme l’eau d’une source de cristal de roche, fraîche et limpide et où tous les assoiffés peuvent boire à loisir. Son rire de bon malinké où son âme faite de candeur, de probité et de bonne foi en rendait témoignage.
C’est pour cela, que du Soudan, de partout en Afrique Noire, de la Métropole et d’ailleurs, partout où il avait mis les pieds, des âmes sœurs sont venues à lui, jamais déçues, jamais rassasiées de cette amitié non seulement affective, mais agissante. Mamadou savait se dévêtir de son unique manteau pour les autres.
Il savait aller au-devant des souffrances muettes, savait les soulager par la parole et par des actes ; savait au milieu des pires difficultés où parfois le destin le plaçait, se maintenir au niveau où son cœur magnanime l’avait placé et qui se traduit en fait, par l’oubli des injures. Cet homme faisait l’honneur à l’homme. Son amitié faisait honneur à l’amitié. Et c’est cela qui a attiré cette foule auprès de cette tombe sur les bords du Djoliba où nos aïeux ont peiné, œuvré et vaincu le destin qui leur paraissait contraire.
Et cela a vu, au Soudan une renommée nouvelle. Sous la troisième République, la Chambre des Députés compta, un vice-président de « couleur », Gratien Candace. Nos compatriotes des Antilles-de même que nos compatriotes du Sénégal, bénéficiaient à l’époque, des dispositions stipulées par la Constitution de 1848, reprise sous d’autres formes en 1875. Déjà, c’était un éclatant signe du sens de l’humain de la Métropole d’associer tous ses enfants, au même titre, aux honneurs et aux devoirs, ceux-ci déterminant ceux-là.
Mais Mamadou Konaté fut le premier vice-président noir de l’Assemblée Nationale de la quatrième République française.
Cette quatrième République née de la tourmente, qui cherche encore ses voies, mais dont la survie est, nécessaire à l’équilibre même du monde, en créant l’Union Française, a fait faire un pas de géant aux populations d’Outre-Mer qui ont vu poindre, avec des élans exaltants d’espoir, l’aurore de leur émancipation.
Plus que quiconque, l’Afrique Noire a senti ce renouveau. Plus que quiconque, l’Afrique Noire espère encore. Mais les faits sont les faits : deux d’entre nous sont au gouvernement et Mamadou, en siégeant pour la première fois au fauteuil qu’a illustré Bailly, Dupuy, Paul Deschanel, avait provoqué une ovation dont la gloire a rejailli sur le Soudan et par-delà sur toute l’Union Française.
C’est cette Union Française que, de tout notre cœur, nous voudrions-nous voulons car nous y sommes décidés à réaliser. Et si cela est un vœu, la mort de Mamadou Konaté, foudroyé en pleine activité au poste éminent où la confiance de ses pairs l’avait placé, la mort de Mamadou a scellé ce vœu, dis-je, du nœud sacré qui par-delà la tombe unit les morts et les vivants. Puissions-nous, tous ici, en rendre témoignage, au nom de la France, au nom de l’Union Française, face au monde ?
Mamadou, mon ami, mon alter ego dort en paix.
Fily Dabo SISSOKO, Député du Soudan
En conclusion, nous disons que voilà des espèces de dirigeants Africains nationalistes disparues pour toujours dans l’arène politique du Mali et même de l’Afrique. Il a respecté son honneur et la dignité de son peuple.
Il a refusé la ruse pour son seul bonheur et a misé sur les forces du peuple, car pour lui ce qui ne meurt pas, c’est bien le peuple. Aujourd’hui quels sont les dirigeants maliens et africains qui pensent comme lui ?
Je n’en trouve pas. Nos dirigeants maliens doivent prendre l’exemple sur lui pour sauver l’unité, et l’intégrité du Mali au lieu de se sauver sans le Mali.
Repose en Paix, Grand-père National.
Badou S KOBA
Mamadou Konaté et Fily méritent de la Nation sauf que eux n’ont pas de griots républicains des temps modernes qui nous pompent l’air avec un discours envahissant sur le héros choisi pour des raisons peu louables
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