Mali: «Les Etats-Unis soutiennent très fortement l’intervention française»

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Un C17 américain à Ndjamena s’apprête à transporter des équipements destinés à l’opération Serval au Mali.
AFP

Les Etats-Unis ont promis la semaine dernière 96 millions de dollars pour aider les forces africaines à reconquérir le nord du Mali. Mais au-delà de ce soutien financier, que font les Américains sur le terrain ? Mary Beth Leonard est l’ambassadrice des Etats-Unis au Mali. En ligne de Bamako, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Quatre semaines après l’arrivée des Français au Mali, est-ce que vous pensez que la guerre est déjà gagnée ou pas ?

Mary Beth Leonard : Gagnée, c’est peut-être beaucoup dire, mais c’est un bon début. Eradiquer les menaces de l’extrémisme du Mali est un travail à long terme. Mais déjà, le fait d’avoir fait autant de progrès dans les grandes villes du nord est très encourageant.

Au début de l’engagement des Français, vous avez voulu demander une forte somme d’argent à l’armée française en échange du prêt de vos avions de transport. Ce n’est pas très amical de la part d’un allié. Cela veut dire que vous n’y croyiez pas à cet engagement français au départ ?

Non, pas du tout. En fait, les Etats-Unis soutiennent très fortement l’intervention française. J’ai suivi un peu le départ sur cette histoire des frais et, je crois que mes collègues en fin de compte ont dit que ce n’était pas le cas. Mais en tout état de cause, je peux vous dire aujourd’hui que nous avons fait une douzaine de vols de ravitaillement, une trentaine de vols de transport des équipements et des forces françaises. Il y a donc un fort engagement des Etats-Unis dans cette intervention en soutien à la partie française.

Vous avez transporté quelque 610 soldats français à bord de C-17 de l’US Air Force. Est-ce que cette aide américaine est gratuite ou payante ?

Le chiffre est plutôt 661, mais je devrais faire confirmer par mes collègues du ministère de la Défense. J’avais en tout cas compris que la question de remboursement était réglée dans le bon sens.

C’est-à-dire que c’est gratuit ?

Il faudra confirmer avec les collègues, mais j’ai compris qu’à partir de leurs déclarations publiques que c’est bien le cas.

Lundi dernier, le 4 février, le vice-président américain Joe Biden a rendu hommage aux soldats français pour leur « courage » et leur « compétence impressionnante ». Mais est-ce qu’il ne faudrait pas rendre hommage aussi à la technologie impressionnante de votre pays, et notamment à ses drones ?

Les représentants n’ont pas l’habitude de parler des soutiens de ce genre, mais il est clair que les Etats-Unis sont là aussi pour fournir les appuis en matière d’information, et nous sommes fiers d’y avoir pris part.

L’un des faits marquants de ces derniers jours, c’est le retour sur la scène des rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) du nord du Mali. A Kidal, il semble avoir obtenu l’assurance qu’aucun soldat malien n’accompagnerait les soldats français et tchadiens. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Nous sommes dans un moment très délicat dans l’histoire du Mali. Et c’est vrai qu’il y a une longue histoire de méfiance, surtout après les événements de l’an dernier. Mais les uns doivent reconnaître l’unité territoriale du pays, les autres reconnaître qu’il faudra vivre et parler avec ces gens et s’accommoder pour travailler ensemble pour le pays.

Et quand la paix reviendra, est-ce qu’il faudra négocier avec tout le monde, y compris avec les dissidents Ansar Dine du MIA, le Mouvement islamique de l’Azawad ?

C’est clair qu’on ne peut pas négocier avec tout le monde. On peut négocier avec ceux qui acceptent les principes de base : le caractère laïc de l’Etat, l’unité territoriale du Mali, le rejet de l’extrémisme. Et il faut accueillir tout Malien qui veut accepter ces principes.

Les Français ne veulent pas s’éterniser au Mali. A partir du mois de mars, ils espèrent que les forces africaines de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) vont prendre la relève. Mais on se souvient, votre ambassadrice aux Nations unies, Susan Rice, n’a pas du tout confiance dans la Misma. Elle l’a dit à New York il y a deux mois. Est-ce que vous êtes toujours aussi réservés ?

Il y a eu beaucoup d’émulations, on a beaucoup travaillé ces deux derniers mois pour comprendre quelle forme devrait prendre la Misma.

Franchement, est-ce que Susan Rice n’a pas dit tout haut ce que vous pensez tout bas ?

Les Etats-Unis ont promis lors de la conférence à Addis-Abeba quelque 96 millions de dollars pour les équipements, l’entraînement, le transport des forces de la Misma. C’est un travail concerté de la communauté internationale pour assurer une réussite.

La mise sous tutelle des Nations unies d’ici deux ou trois mois, c’est quelque chose qui pourrait vous rassurer ?

C’est encore un signal de la communauté internationale qui cherche une meilleure possibilité de soutenir les forces qui sont là.

Vous avez condamné très vivement le putsch de mars 2012. Pensez-vous que le capitaine Sanogo et ses compagnons d’armes sont définitivement neutralisés ou qu’ils peuvent encore perturber la transition ?

Vous avez raison, nous avons fortement condamné ce putsch. Depuis ces dernières semaines de l’intervention, on voit vraiment une volonté massive des Maliens et une énergie pour combler la transition.

Il faut que ces putschistes quittent le camp militaire de Kati ?

Les Etats-Unis ont toujours dit durant toute cette période qu’ils ne se mêlaient pas du processus politique.

On a vu le président français François Hollande à Tombouctou. Est-ce que Barack Obama viendra lui aussi à Tombouctou ?

Ce n’est pas à moi de prédire les mouvements de mon président (rires).

RFI

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