Diango Cissoko et Tiéna Coulibaly sont deux grands commis de l’Etat. L’on était en droit de supposer entre eux une fertile complicité politique tissée durant les longues années passées à des postes stratégiques sous le règne interminable du Général-Président Moussa Traoré. Le premier nommé fut le Directeur de Cabinet du Maître Tout-Puissant, le second son argentier réputé rigoureux voire austère. Lorsque l’insurrection populaire de mars 1991 a sonné le glas de la dictature militaro-civile, les carrières des deux hommes ont connu des fortunes diverses. Diango a survécu aux tumultes qui s’en sont suivis et a réussi à refaire surface, en un laps de temps relativement court, dans la sphère dirigeante de l’Etat. Tiéna, lui, restera plus longtemps dans l’ombre, confiné à des responsabilités techniques.
D’autres dossiers de gros sous, nous dit-on, sont bloqués par les services de Tiéna, parce que ne répondant pas à l’orthodoxie financière. Le Premier ministre a su trouver les arguments pour amener le président intérimaire Dioncounda Traoré à trancher en sa faveur en retirant à Tiéna le cordon de la bourse. Le plus décisif a pu être celui-ci : et si l’élection présidentielle annoncée pour le 28 juillet dérapait à cause de l’extrême sévérité infligée dans le traitement de dossiers revêtant un caractère d’urgence ?
Le réaménagement technique a été opéré alors que sa principale victime, Tiéna, se trouvait hors du pays. En a-t-il été informé à l’avance? A contrario, va-t-il accepter le sort qui lui a été fait ou rendre le tablier ainsi qu’on le suppute dans certains milieux ?
Son remplacement par Abdoul Karim Konaté dit ” Empé ” comporte un avantage certain : ce fonctionnaire discipliné n’opposera pas de résistance aux instructions, ou plutôt aux injonctions venues de la Primature. Diango aura désormais les coudées franches et le sommeil quiet. Mais il recèle aussi un inconvénient majeur : l’homme est réputé très proche de l’ADEMA. Ce qui pourrait alimenter les soupçons d’un financement occulte de la campagne électorale de ce parti à partir des fonds publics.
Autre question inévitable : l’ex-pensionnaire de l’Hôtel des Finances passait pour avoir l’estime et le soutien des institutions de Bretton Woods quand sa nomination n’avait pas été fortement recommandée par elle. Comment vont-elles réagir à sa révocation ?
Enfin, lassée par la fréquence trop rapide des remaniements et réaménagements gouvernementaux en une année de transition, l’opinion nationale a accueilli le dernier en date avec un mélange de dépit, d’agacement, voire de colère. A moins de cinq semaines du scrutin présidentiel, ce sentiment est parfaitement compréhensible.
Saouti Labass HAIDARA