Cette constitution du 25 février 1992 souscrit à la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 qui, elles aussi, traitent, entre autres, des élections politiques.
L’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose : « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.
Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret, ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote. »
L’article 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples énonce le même principe en ces termes : « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi.
Tous les citoyens ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leur pays.
Toute personne a le droit d’user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi. »
Le peuple tout entier ne peut diriger, aussi faut- il qu’il désigne ses dirigeants.
Cette désignation se fait à travers l’élection.
L’élection est le choix qu’on exprime par l’intermédiaire d’un vote.
En démocratie pluraliste, l’élection est un mode de dévolution du pouvoir reposant sur un choix opéré par l’intermédiaire d’un vote ou suffrage. Le suffrage ou le vote est universel, égal et secret.
L’élection pour la désignation des représentants de la Nation ou des membres des assemblées délibératives des collectivités locales est appelée élection politique par opposition à toutes les autres catégories d’élections (syndicales, professionnelles, corporatives, universitaires, prud’homales, etc.)
Les élections politiques sont nationales ou locales selon qu’elles permettent de désigner les représentants de la Nation ou des élus locaux.
Le référendum n’est pas une élection, aussi ne sera-t-il pas concerné par notre communication.
Les partis politiques et les candidats indépendants concourent à l’expression du suffrage.
L’élection se réduit, essentiellement, à une lutte concurrentielle de « professionnels » de la politique sur les votes du peuple. Cette compétition doit être régie par des règles. Ces règles tendent à ce que les élections soient régulières et sincères. Elles sont : la constitution et les règles de valeur constitutionnelle, le code électoral (textes législatifs et réglementaires), la loi organique, la loi ordinaire, le règlement administratif, l’instruction ou circulaire et la recommandation et enfin la jurisprudence.
Ces règles déterminent qui sont les personnes qui choisissent ( liste électorale : électeurs ), comment et quand les électeurs seront appelés à voter ( convocation du collège électoral ), où les électeurs voteront ( création et emplacement des bureaux de vote ), qui peuvent être choisis ( les candidats ), comment les candidats feront la propagande pour conquérir l’électorat (campagne électorale ), comment les bulletins de vote seront présentés, comment le scrutin se déroulera, comment, quand et par qui les litiges seront tranchés et comment et quand les résultats seront proclamés, etc.
Les règles de la compétition politique (législation des élections) doivent être acceptées par les citoyens (électeurs et candidats indépendants) et les partis politiques, majoritairement.
Les élections politiques permettent, entre autres, la désignation, au Mali, du président de la République et des membres de l’Assemblée nationale (députés).
Les élections, désormais, (depuis 1992) sont pluralistes, c’est-à-dire qu’elles mettent en compétition des adversaires qui ont tous un objectif : accéder à une fonction politique en se faisant élire pour certains ou en se faisant réélire pour d’autres.
L’élection peut donner lieu, souvent, à des litiges, c’est l’ensemble des ces litiges que l’on appelle contentieux électoral.
Dans quelles conditions et selon quelles procédures ces litiges seront résolus ?
Le contentieux électoral répond à ces questions.
L’élection est un processus, c’est-à-dire un ensemble d’opérations qui s’enchaînent les unes aux autres et qui concourent à la sélection des élus. Ces opérations se réalisent avant, pendant et après le scrutin.
Nous distinguerons le contentieux électoral stricto sensu qui porte sur la régularité des actes concourant au vote et de la sincérité du vote lui-même des diverses infractions (pénales) qui peuvent émailler le processus électoral.
Le contentieux électoral seul fera l’objet de notre contribution dans la mesure où elle doit indiquer les mécanismes de son règlement.
Les infractions pénales commises pendant le processus électoral relèvent de la compétence des juridictions pénales ordinaires même si les fraudes constitutives des infractions pénales électorales peuvent avoir des répercussions sur le résultat de l’élection. Elles ne sont pas traitées par les juges électoraux.
Pour la commodité de la présentation nous allons diviser notre contribution en deux parties: la première relative au contentieux préélectoral, la deuxième relative au contentieux postélectoral et une conclusion.
PREMIERE PARTIE : LE CONTENTIEUX PREELECTORAL.
Quand les mandats des élus nationaux ou locaux arrivent à terme ou sont écourtés pour diverses raisons (démission ou empêchement du président de la République, dissolution de l’Assemblée nationale, dissolution de conseils municipaux, dissolution de conseils de cercle, dissolution des Assemblées régionales, démission des membres de conseils communaux, démission de membres de conseil de cercle, démission des membres des Assemblées régionales, des membres du conseil du district de Bamako.) il faut organiser de nouvelles élections pour que les nouveaux élus remplacent ceux dont les mandats sont expirés ou interrompus.
Nous vivons au Mali une situation inédite où il y a un mandat présidentiel « écourté » par une démission du président de la République et celui des députés prorogé.
Un ensemble d’opérations administratives doivent être mises en route pour que le scrutin ait lieu.
Il faut s’assurer que la liste des électeurs est prête, il faut confectionner les cartes d’électeur et les distribuer (remettre à leurs titulaires), il faut convoquer le collège électoral, il faut créer les bureaux de vote en indiquant qui y voteront et où ils seront installés, il faut faire un appel aux candidats, il faut recevoir les candidatures et statuer sur leur validité, il faut organiser la campagne électorale, il faut imprimer les bulletins de vote, il faut nommer les agents électoraux, il faut acquérir le matériel nécessaire au déroulement du scrutin, il faut confectionner les documents électoraux, il faut peut-être même assurer le déplacement de certains agents électoraux etc.
Ce sont là des actes qui concourent au scrutin, qui le rendent possible, mais qui le précèdent.
Ils peuvent, déjà, donner lieu à des réclamations ou même des contestations. Faut-il résoudre le contentieux lié à ces actes préparatoires avant le scrutin ou attendre la fin du processus pour statuer ?
Le mécanisme de la résolution des contentieux électoraux, au Mali, consiste à ce que le contentieux des actes préparatoires soit tranché, étape par étape : les actes préparatoires avant la date du scrutin, les opérations du votes et les résultats après la date du scrutin par des autorités qui sont désignées soit par la constitution ou les lois organiques qu’elle a indiquées, soit par le code électoral, soit par le code des collectivités territoriales.
Il est à noter quand ce qui concerne les élections présidentielles et législatives le contentieux électoral est tranché avant la proclamation des résultats définitifs par la cour constitutionnelle conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur.
La convocation du collège électoral, l’organisation de la campagne électorale, l’enregistrement des candidatures, la validation des candidatures qui sont les actes préparatoires majeurs sont susceptibles de donner lieu à des litiges.
En ce qui concerne les élections présidentielles et législatives tout le contentieux est de la compétence exclusive de la Cour constitutionnelle, au Mali, ainsi qu’il ressort des dispositions de l’article 31 de la loi organique n° 97-010 du 11 février 1997 modifiée par la loi n° 02-011 du 05 mars 2002 :
« Tout le contentieux relatif à l’élection du président de la République et des Députés à l’Assemblée Nationale relève de la compétence de la Cour Constitutionnelle.
En cas de contestation au sujet de l’enregistrement des candidatures aux élections présidentielles et législatives, le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante, les partis politiques ou les candidats saisissent dans les vingt quatre heures la Cour Constitutionnelle qui statue sans délai.
Toute contestation portant sur la validité des candidatures reçues, les réclamations éventuelles dirigées contre les candidatures aux élections présidentielles et législatives sont déférées à la Cour Constitutionnelle.
La Cour Constitutionnelle statue sans délai, en tout cas avant l’ouverture de la campagne électorale.
Le droit de faire des réclamations appartient à tout candidat, tout parti politique ou représentant de l’Etat dans la circonscription administrative »
Nous traiterons dans cette première partie les contentieux relatifs à la liste électorale des élections présidentielles et législatives de 2013, à la convocation du collège électoral, aux candidatures (enregistrement et validation), à la distribution des cartes NINA, à la campagne électorale, aux couleurs du bulletin de vote, à la création des bureaux de vote et la nomination des présidents des bureaux de vote et des assesseurs.
1 Le contentieux relatif à la liste électorale :
La liste électorale est le relevé nominatif de tous les électeurs recensés.
Au Mali la liste électorale est permanente ; elle est, désormais, établie à partir des données du recensement administratif à vocation d’état-civil (RAVEC).
La constitution indique en son article 27 que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les citoyens en âge de voter, jouissant de leurs droits civiques et politiques. »
La loi électorale précise en son article 27 que « sont électeurs, les citoyens maliens des deux sexes âgés de 18 ans, jouissant de leurs droits civiques et politiques et ne tombant pas sous le coup des interdictions prévues par la loi ou prononcées par le juge. »
NOTA BENE : Les élections présidentielles de 2013 se feront sur la liste d’une nouvelle liste électorale. Il ne s’agit pas de la liste électorale existante qui sera révisée. La nouvelle liste électorale intègre les données biométriques et le numéro d’identification nationale de chaque citoyen.
Un contentieux sur cette nouvelle liste électorale ne semble pas possible car cette éventualité n’est pas prise en compte par la loi n° 2013-017 du 21 mai 2013 qui modifie la loi électorale en vigueur et institue la liste électorale « biométrique »
2 Le contentieux relatif à la convocation du collège électoral :
La convocation du collège électoral pour toutes les élections politiques se fait par décret pris en conseil des ministres.
Ce décret obéit à une forme d’adoption : être pris en conseil des ministres. Il doit observer les délais constitutionnels et ou légaux qui séparent les dates de sa prise et de sa publication au journal officiel et de la date du scrutin sous peine de pouvoir être censuré.
La Cour constitutionnelle du Mali a reconnu sa compétence pour examiner un recours contre le décret portant convocation du collège électoral. Il s’agissait du décret portant convocation du collège électoral pour l’élection des députés et de celui portant convocation du collège électoral pour l’élection du président de la république. Voir arrêt cc-el n° 036 du 03 avril 1997 et arrêt cc-ep n° 047 du 08 mai 1997.
Pour l’élection présidentielle de 2013 le décret portant convocation du collège électoral a été pris le lundi 27 mai par un conseil des ministres extraordinaire. Il s’agit du décret n° 2013-478/P-RM du 27 mai 2013.
A suivre.
Bouréma KANSAYE
Magistrat, expert en contentieux électoral