Le 14 septembre 2005, à 3h50 du matin, deux bus loués par la Somadex et garés à une dizaine de mètres de la gendarmerie de Sanso brûlent. Cet incident se produit alors qu’un conflit oppose depuis plusieurs mois le comité syndical et la direction de la Somadex qui exploite la mine de Morila.
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Le point d’orgue de ce conflit est une grève de 72h intervenue début juillet 2005. Pendant tout l’été, le dialogue reste bloqué, en dépit des tentatives de médiation des centrales syndicales et des autorités politiques et administratives maliennes. 311 des quelques 500 employés refusent de reprendre le travail et les tensions qui existent entre les grévistes, les non grévistes et la direction gagnent le village mitoyen de Sanso où résident les travailleurs de la mine. Dans les heures qui suivent l’incendie, les gendarmes procèdent à 32 interpellations pour complicité d’incendie volontaire. Tous les inculpés sont des anciens grévistes, qui déclarent tous leur innocence. Une série d’éléments jettent le trouble sur les motifs de leur arrestation et la conduite de l’enquête:
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* les gendarmes qui dormaient à proximité de l’endroit où les bus ont pris feu n’ont rien vu ni rien entendu;
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* la piste de l’incendie accidentel n’a pas été explorée alors même que les gendarmes ont déclaré que le moteur d’un des deux bus était resté allumé;
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Par ailleurs, les liens entre la gendarmerie et la Somadex sont pour le moins troublants. Dans le cadre du financement des communautés locales dans lesquelles elle est implantée, Morila S.A (entreprise pour laquelle la Somadex sous-traite l’extraction du minerai) subventionne les salaires des gendarmes de Sanso. Et les gendarmes reconnaissent, dans la description contextuelle de leur enquête, qu’ils avaient reçu peu de temps auparavant une liste d’une trentaine de «meneurs principaux» du mouvement de contestation à surveiller étroitement. Cette liste leur avait été fournie par la direction des ressources humaines de la Somadex… Une information a été ouverte contre X. Auditionnés par le juge de paix du tribunal de Bougouni, 23 des 32 personnes mises en examen sont mises en liberté provisoire après un mois et six jours de détention préventive.
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Selon les neuf autres mis en examen, leur maintien en détention s’explique par leur réputation de leaders du mouvement de contestation. Ainsi, Mamadou Sogoba était chargé de l’affichage des tracts syndicaux; Adama Troaré accueillait chez lui les rencontres du comité syndical; Karim Guindo est secrétaire administratif du comité syndical mais a déclaré ne pas avoir été présent à Sanso le jour de l’incendie; Oumar Touré, ancien mineur licencié par l’entreprise, est resté proche du comité syndical. Les conditions de détention de tous les prisonniers entassés à Bougouni constatées par la mission étaient déplorables (nourriture sommaire améliorée épisodiquement par la famille de certains détenus au prix de lourds efforts, hygiène totalement absente, qui aggravée par l’exiguïté des cellules et la chaleur écrasante conduit tous les détenus rencontrés à souffrir de problèmes cutanés). Ces détenus ont finalement été remis en liberté après 14 mois de détention, en novembre 2006, et attendent toujours leur jugement.
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