L’Autorité Routière ou la plaque tournante de la fraude : Plus d’1 milliard FCFA carotté : l’ancien DG Baba Moulaye Haïdara et l’ex Directrice Lala Koïté dans la tourmente

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Paiement de travaux non exécutés et fournitures non livrées pour un montant de  120,865 millions FCFA ; non-recouvrement des recettes issues des pénalités de surcharge pour un montant de 151,372 millions FCFA, en passant par le paiement indu de carburant aux membres du Conseil d’Administration pour un montant de 24, 63 millions FCFA et le paiement d’indemnités indues au Délégué du Contrôle financier auprès de l’Autorité Routière pour un montant de 10,6 millions de nos francs, à la non-comptabilisation des recettes des postes de péage pour un montant de 37,3 millions FCFA. Auxquels s’ajoutent, la non-retenue des pénalités de retard sur le marché d’entretien des bacs pour un montant de 14,9 millions FCFA et le paiement des dépenses inéligibles sur le fonds d’entretien routier pour un montant de 18,9 millions FCFA…

Autant d’irrégularités financières relevées dans le rapport 2022 du Bureau du Vérificateur Général et qui sont à l’origine de l’évaporation de 1,735 milliards FCFA (1 735 968 854 F) à l’Autorité Routière (AR) pendant les périodes 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021.

L’Autorité Routière n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, l’ex DG Baba Moulaye Haïdara et l’ancienne Directrice, Lala Koïté, n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, la délinquance financière au sein de cette structure n’a atteint un tel degré.

Jugée, pourtant, stratégique dans la politique de financement du fonds d’entretien routier de notre pays, l’Autorité Routière n’a pas échappé à l’appétit vorace de ces deux anciens responsables, Baba Moulaye Haïdara et Lala Koïté. Par petite touche, ils ont « sucé » les caisses, érigé le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès du gouvernement, a viré au cauchemar.

 

Paiements indus de carburant aux membres du Conseil d’Administration et d’indemnités indues au Délégué du Contrôle financier…

 

De 2015 à 2018 et de 2018 à 2022, Baba Moulaye Haidara et Lala Koité, ont occupés, respectivement, le fauteuil de Directeur général de l’Autorité Routière. C’est ainsi que leurs gestions à la tête de cette structure étatique viennent d’être mises au goût du jour par le Bureau du vérificateur général dans son rapport d’enquête 2022.

Pour s’assurer de la mise en œuvre des dispositions prévues par les textes, l’équipe du vérificateur a examiné les pièces de paiement des dépenses liées aux sessions du Conseil d’Administration, les listes d’émargement, analysé les Procès-verbaux des sessions du Conseil d’Administration tenues durant la période sous revue. Elle s’est également entretenue avec l’ex directrice de l’AR, Lala Koïté, l’Agent comptable et le Directeur Administratif et du Budget.

Du coup, il ressort de l’entrevue que son prédécesseur, Moulaye Aboubacar dit Baba Moulaye Haïdara, bombardé ministre des Transports, le 30 décembre 2017, a ordonné le paiement indu du carburant aux membres du Conseil d’Administration pendant la période sous-revue.

Par ailleurs, le Conseil d’Administration par Délibération n°20-009/CA-AR du 06 octobre 2020 a octroyé aux administrateurs : « […] du carburant en raison de deux cents (200) litres par administrateur et par session. »

Cependant l’ex Directrice Générale de l’AR, Lala Koïté, a appliqué la délibération concernée bien qu’elle n’ait été entérinée par l’arrêté conjoint du Ministre de tutelle et du Ministre chargé des Finances.  Le montant du carburant indûment octroyé aux administrateurs durant la période sous revue est de 24 634 900 FCFA.

Aussi, les deux anciens patrons de l’Autorité Routière ont ordonné le paiement des indemnités indues au Délégué du Contrôle financier. Pour la régularité et la sincérité des opérations de dépenses effectuées par l’Autorité Routière, les enquêteurs ont constaté que les anciens DG de l’AR, Baba Moulaye Haïdara et Lala Koïté, ont ordonné le paiement des indemnités mensuelles indues au délégué de contrôle financier placé auprès de l’AR. Le montant des indemnités payées au titre des exercices 2017, 2018, 2019 et 2020 s’élève à 10 650 000 FCFA.

Par ailleurs, l’ex Directeur Général de l’Autorité Routière, Baba Moulaye Haïdara, a autorisé le paiement des dépenses inéligibles sur le Fonds d’Entretien Routier.  Afin de s’assurer de l’application des dispositions, l’équipe de vérification a examiné les dossiers de paiement. Elle a également procédé à des entrevues avec le Directeur de l’Administration et du Budget, le Directeur technique et l’Agent comptable. Du coup, il ressort que l’ex Directeur Général de l’AR, Baba Moulaye,  a accordé le paiement de 18 957 186 FCFA dans le cadre de la réalisation d’un guide d’investissement sur les potentialités économiques du Mali sans autorisation préalable du Conseil des Ministres.

 

L’Agent Comptable de l’Autorité Routière dans ses œuvres

 

Pour s’assurer de l’exhaustivité du recouvrement des recettes de péages par l’Autorité Routière, l’équipe du vérificateur a procédé au rapprochement de la situation des recettes fournies par le Service informatique à celle des rapports d’activités des postes de péage ainsi qu’aux grands livres des recettes fournis par le service de la Comptabilité. Elle s’est également entretenue avec l’Agent Comptable, le Responsable du service informatique, les chefs d’équipe et les péagistes. Les enquêteurs ont constaté que l’Agent Comptable ne s’est pas assuré du reversement total des recettes de péage par les Chefs d’équipe des postes de péage informatisés et par conséquent n’a pas comptabilisé l’exhaustivité des recettes pour lesdits postes durant la période sous revue. En effet, le montant des recettes mensuelles comptabilisées des postes de péage de Dibloli, Sanankoroba, Kati et Mahinamine est minoré par rapport à celui fourni par le Service informatique pour lesdits postes de péage. Le montant des recettes minorées durant la période sous-revue s’élève à 37 391 900 FCFA.

Pire, l’Agent Comptable de l’AR n’a pas recouvré la totalité des recettes issues des pénalités de surcharge. S’agissant du recouvrement exhaustif des recettes sur les pénalités, l’équipe de vérification a analysé les contrats, les ordres de recettes, les bordereaux de versement et les données informatiques des différents postes de pesage. Elle a aussi comparé la situation des paiements à celle des recouvrements de la période sous revue. Elle a constaté que des opérateurs économiques n’ont pas payé la totalité des pénalités liées à des surcharges de leurs véhicules de transport pour un montant total de plus de 151 millions FCFA (151 372 620 F).

Plus grave, l’Agent Comptable de l’Autorité Routière n’a pas reversé la totalité des recettes issues de la délivrance des cartes de riverains. L’équipe de vérification a constaté que l’Agent comptable de l’AR n’a pas reversé la totalité des recettes issues de la vente des cartes de riverains de la période sous revue. À cet effet, elle a constaté, des écarts entre les recettes déclarées et les versements effectués dans le compte bancaire de l’AR pour un montant de 1 123 000 FCFA.  Et ce n’est pas tout. Loin sen faut.

Même le DG de l’AGEROUTE n’a pas reversé à l’Autorité Routière le reliquat après la clôture du programme du 11ème FED. Afin de s’assurer du respect des clauses, l’équipe de vérification a analysé les conventions, les contrats et les rapports d’audits de la Convention durant la période sous revue. Elle a rapproché les relevés bancaires du compte ouvert par l’AGEROUTE avec la situation comptable de l’AR dans le cadre du projet. L’équipe de vérification a décelé que l’AGEROUTE n’a pas reversé à l’AR les sommes non utilisées pour la réalisation des activités et des dépenses inéligibles pour les montants respectifs de 141,5 millions FCFA (141 143 579 F) et de 147,3 millions de nos francs (147 322 039 F).

Par ailleurs, l’AR a adressé à l’AGEROUTE la lettre n°013/DGAR- 2022 du 06 janvier 2022 demandant le remboursement des paiements effectués non justifiés. La Convention de financement ayant pris fin depuis le 30 juin 2021, le montant total à rembourser s’élève à plus de 288 millions de nos francs (288 465 618 FCFA).

 

Les Pourboires de l’ex Directrice Générale de l’Autorité Routière

 

À en croire le rapport d’enquête du vérificateur, l’ex Directrice de l’AR, Lala Koïté, a ordonné des paiements des marchés non exécutés totalement. Les enquêtes révèlent que l’ex Directrice Générale de l’AR Lala Koïté, a ordonné le paiement des prestataires qui n’ont pas entièrement exécuté des travaux et fourni des équipements conformément aux clauses contractuelles.

Pour le : Contrat n°5667/CPMP/MTI-2021 du 29 décembre 2021 relatif aux travaux de réparation et de sécurisation du poste de péage de Bougouni suite à l’attaque par des individus armés dans la nuit du 29 au 30 mai 2021, il s’agit de :

– la non-réalisation de fourniture et pose de grille métallique antivol au niveau des deux (02) cabines pour un montant de 440 000 FCFA ;

– la non-fourniture des bacs à sable pour un montant de 4 millions FCFA;

– la non-fourniture et la mise en œuvre de sable dans les bacs à sable pour un montant de 3 600 000 FCFA ;

– la fourniture et pose de lampes solaires trois (03) en lieu et place de dix (10) pour un montant de 1 330 000 FCFA.

S’agissant du Contrat n°0417/CPMP/MTI-2021 du 15 mars 2021 relatif aux entretiens et maintenances des groupes électrogènes des postes de pesage, le groupe électrogène de marque HATZ MD 40 16KVA est en arrêt depuis le mois de décembre 2020 à Hérémakono et n’a pas été entretenu pour un montant de 920 000 FCFA.

Vient ensuite, le Contrat n°1944/CPMP/MIE-MTMU-2020 relatif aux travaux de mise en place de bacs à sable et amélioration du système de sécurité de certains postes de péage et pesage (Kassela, Sanankoroba, Konobougou, Bla 1, Bla 2, Kati, Nioro, Diéma, Zangasso, Sienso) en un lot unique. La non-réalisation du mirador en structure métallique pour les agents de sécurité de dimension 4x5ml dans le poste de péage de Kasséla pour un montant de 1 640 200 FCFA.

Enfin, le Contrat n°3092/CPMP/MTI- 2021 relatif aux travaux de mise en place de blocs de béton de types New Jersey aux postes de péage de Farabana et Samanko 2 et de réparation des dégâts causés par les transporteurs de camions bennes au niveau du poste de péage de Farabana. La non-réalisation du réseau électrique des cabines pour un montant de 431 200 FCFA. La non-fourniture et pose de câble 4×16 mm2 pour remise en état de l’alimentation électrique des cabines pour un montant de 2 933 250 FCFA.

Également, l’équipe de vérification a constaté que deux (2) pèses essieux PE 40 acquis suivant le Marché n°T1-BNOB-2222-01-01/2018 AGETIPE n’ont pas été fournis au poste de Zégoua pour un montant total de plus de 105 millions  (105 571 030 FCFA). Le montant des travaux non réalisés et des fournitures non livrées s’élève à plus de 120 millions de nos francs (120 865 680 FCFA).

Pendant ce temps, le Directeur Général des Routes n’a pas retenu la pénalité de retard sur le marché d’entretien des bacs. Sur ce plan, l’article 15 du Marché n°0046/DGMP-DSP 2017 du 06 avril 2017 est claire: « En cas de retard dans la livraison des fournitures ou dans la prestation des services, le titulaire du marché sera passible d’une pénalité par jour de retard fixé à un deux mille cinq centième (1/2500è) du montant du marché initialement modifié ou complété par les avenants intervenus. Il n’est pas prévu de prime pour exécution anticipée de l’objet du marché. »

Cependant, les enquêtes révèlent que le Directeur Général des Routes n’a pas retenu sur le Marché n°0046/DGMP-DSP-2017, les pénalités de retard dans l’exécution des travaux de réparation des bacs dans différentes localités. Le montant total des pénalités non retenues s’élève à 14 956 725 FCFA.

Et comme si cela ne suffisait pas, l’ancienne Directrice Générale de l’Autorité Routière, Lala Koïté, a ordonné le paiement d’indemnités indues à des agents dans le cadre de la gestion des travaux de l’HIMO. Après l’examen des pièces de paiements, les contrats et la convention, l’équipe de vérification a constaté que l’ex directrice de l’AR, Lala Koïté, a indûment accordé des indemnités à des agents, suivant la Décision n°2018-001/HIMO/DGAR-18 du 29 mai 2018 dans le cadre de la gestion des travaux de Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO) pendant la période sous revue.  Les indemnités mensuelles accordées sont : la Coordinatrice : 2 500 000 FCFA ; le Coordinateur Adjoint : 2 000 000 FCFA ; le Comptable : 1 500 000 FCFA ; l’Ingénieur : 1 500 000 FCFA ; l’Assistante : 500 000 FCFA.

En outre, ces indemnités n’ont pas fait l’objet de délibération du Conseil d’Administration. Le montant total des indemnités payées s’élève à 104 millions FCFA.

Et comble de la ‘’bouffecratie’’ à l’Autorité Routière, des importateurs de produits pétroliers ne se sont pas acquittés des Redevances d’Usage Routier sur les Produits Pétroliers (RURPP).

Afin de s’assurer de l’application des dispositions, l’équipe de vérification a analysé les arrêtés interministériels fixant les taux de la redevance d’usage routier sur les produits pétroliers, a adressé la Lettre n°conf. 0426/2022/BVG du 18 août 2022 au Directeur Général des Douanes, demandant de mettre à disposition les données relatives à la Redevance d’Usage Routier (RUR) au titre des exercices budgétaires 2017 à 2021. Elle a procédé à l’examen des données produites par la Direction Générale des Douanes suivant la Lettre n°0021/MEF/DG-DDRPPV du 24 août 2022.

L’équipe de vérification a constaté que sur la période 2017 à 2020, des redevables ne se sont pas acquittés des Redevances d’Usage Routier sur les Produits Pétroliers. En effet, ils n’ont pas versé au Receveur du Trésor auprès de la Douane lesdites redevances dues à l’AR. Le montant total des redevances non payé par les importateurs de produits pétroliers s’élève à 963 551 225 FCFA.

Autant de pratiques à l’origine de 1,735 milliard FCFA (1 735 968 854 F) d’irrégularités financières à l’Autorité Routière pendant les périodes 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021.

D’où la transmission et la dénonciation de faits au Pôle économique et financier par le vérificateur général. Du coup, l’ancien DG Baba Moulaye Haïdara et l’ex Directrice Lala Koïté sont dans la tourmente.

À suivre !

Jean Pierre James

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