Comment s’opère encore en ce moment l’intervention mauritanienne à Waghadou ? Et surtout, comment se comporte cette armée étrangère dans cette partie du Mali ? Le reportage de notre Envoyé spécial.
Des voix s’élèvent à Waghadou, et en premier lieu, celle du chef traditionnel de la zone pour dénoncer les pratiques peu catholiques de l’armée mauritanienne depuis son raid contre un bastion d’AQMI le 24 juin dernier. Car en plus d’occuper toute la zone, elle fait subir aux populations locales des traitements inhumains.
Vendredi 30 juin ; il est 15h, lorsque le téléphone de notre hôte sonne. Au bout du fil, le chérif Cheick Ahmed, chef de la zone de Waghadou, théâtre du raid mauritanien.
«Il parait que le journaliste Malien venu en reportage d ans la zone se rendra à Bamako aujourd’hui ? ».
La réponse de l’appelée est affirmative.
En sa qualité de chef coutumier, de notabilité et de malien tout court, il invite notre « djatigui » (hôte) à transmettre le message suivant afin que tout le Mali apprenne ce qui se passe en ce moment à Waghadou : «L’armée Mauritanienne est en train de nous montrer de toutes les couleurs sur notre propre territoire. Les populations de la zone située autour de la forêt Waghadou disent en avoir marre du comportement de cette armée d’occupation ! Ils sont pires que les éléments d’Al Qaïda». Tel est le message des habitants de Waghadou et de leur chef.
Ici, en effet, les militaires Mauritaniens se comportent comme sur territoire conquis. Ils maltraitent les populations pour la plus part des éleveurs.
Plusieurs témoignages de citoyens maliens de Waghadou nous sont parvenus sur place. Tous convergent : l’armée Mauritanienne procède à des pratiques peu orthodoxes. Les militaires tirent sur tout ce qui bouge et quand ils veulent. Juste pour s’amuser. L’armée malienne est invisible. C’est la peur et la psychose à Waghadou.
L’on comprend mieux pourquoi personne n’a accepté nous accompagner à la base mauritanienne située sur la fontaine N8 au bord de Waghadou. « Je vous conseille de ne pas y aller ! Les mauritaniens ont même tiré sur la voiture du Chérif, le chef traditionnel de la zone » nous prévient le sous préfet de Sokolo M. Dembélé.
En effet, les forces militaires mauritaniennes ont tiré sur la voiture du chef du village. Les balles ont transpercé la jambe gauche du chauffeur en causant une grave blessure.
Face à cette situation, le chef du village, le chérif Cheik Ahmed a fait une déposition au niveau de la gendarmerie de Nara pour dénoncer les tirs injustifiés de l’armée mauritanienne sur sa voiture. Et la blessure de Khéri Ould Salek, son chauffeur. Evidemment, sans obtenir la moindre réaction des autorités maliennes.
La fontaine située au bord de la forêt de Waghadou et gérée par un projet est aujourd’hui interdite d’accès à tous les usagers. Le gérant de la fontaine y a failli être abattu par l’armée mauritanienne laquelle exige à toute personne de se déshabiller afin de montrer pates blanches ou de se mettre à plat vendre pendant des heures. Femmes et hommes ! Sans distinction ! L’essentiel étant leur origine malienne. Chérif Cheik Ahmed en a les armes aux yeux.
L’armée malienne étant absente dans les zones, les mauritaniens y sont désormais seules maîtres à bord. Et les populations locales, leurs sujets.
Ils (les militaires mauritaniens) occupent les quatre points d’eau situés au bord de la forêt Waghadou, une manière de couper l’approvisionnement en eau aux éléments d’Al Qaida au Maghreb Islamique, mais aussi et malheureusement, aux populations civiles. Rappelons que ces points d’eau sont utilisés par les éleveurs pour l’abreuvage de leurs cheptels. Qu’importe !
Les frustrations deviennent le lot quotidien de nos concitoyens dans cette zone. Nombreux sont désormais ceux qui pensent à raison que la Mauritanie vient de conquérir une partie du territoire malien.
La suite dans nos prochaines livraisons.
Baba Ahmed
Envoyé spécial