Les prisons maliennes souffrent d’une surpopulation : 1600 détenus pour une prison de 400 places ! C’est monstrueux, ça ! Où sont passés les droits de l’Homme ?
Le Président de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH), Maître Bréhima Koné, est formel : « la surpopulation carcérale est le signe d’une dérive qui doit cesser ». En conséquence, l’Association militante des Droits de l’Homme propose la médiation pénale. Un sujet qui a fait l’objet de la sortie remarquable de l’AMDH lors de la dernière édition de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), le 10 décembre 2009 ainsi que d’une conférence débat au Centre Awa Kéïta de Bamako, le 19 décembre 2009 financé par l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas au Mali.
La surpopulation carcérale dépasse l’entendement du président de l’Association malienne des droits de l’homme, Maître Bréhima Koné et son mouvement. Car, s’interroge l’AMDH, qu’est-ce que la valeur justice et son rapport au temps ?
Aucune société respectueuse des individus, de leurs libertés et de leur égale dignité ne peut s’accommoder d’une justice trop lente ou trop expéditive et sans cesse plus répressive, répond Maître qui poursuit : « Aucun pays respectueux des principes démocratiques et des exigences de l’Etat de droit, ne peut demander à la justice pénale de résoudre par toujours plus de condamnations et d’emprisonnements tous les conflits et les fractures qui la traversent. Sous cet angle, les procédures alternatives permettent dans une large mesure de réguler le cours de la justice et de réduire le taux de détention ». Parole d’avocat, pourraient tenter de s’exclamer les anti-droits de l’Homme !
Pourtant, même le législateur malien a été obligé d’introduire la médiation pénale dans le Code de procédure pénale en 2001.
Mais, s’interroge encore l’Avocat, qu’est-ce que la médiation pénale ? Combien de fois les Magistrats ont-ils recours à cette procédure et quelles sont les difficultés de sa mise en œuvre ?
Bref, autant de questions graves et pertinentes auxquelles deux brillants conférenciers, le talentueux Juge démissionnaire de Kati, le Dr Malick Coulibaly et le Magistrat chevronné, le très perspicace Noumandi Kanté, ont dû trouver réponses. L’un et l’autre sont respectivement intervenus sur et la médiation pénale au regard des textes et de leurs applications.
Dans un imposant exposé portant sur les aspects théoriques de la médiation pénale, le Dr Malick Coulibaly a appréhendé la médiation pénale qu’il a distingué de ses notions voisines comme la conciliation, l’arbitrage, la négociation et la transaction ainsi que de ses institutions voisines comme l’injonction pénale. Autre sujet qui a retenu l’attention du Dr Malick Coulibaly, la légitimité, les fondements, la justification et la pertinence de la Médiation pénale dans un Mali où les justiciables sont prompts à crier au scandale de l’impunité. Les justiciables maliens vont-ils accepter la médiation pénale sans rechigner ? Il s’agit plutôt de prendre ses responsabilités de juge selon le Dr Cloulibaly qui a rappelé à ses collègues une citation du Bon Magneau : « Le juge doit humainement appliquer les implacables inflexions pénales ». Les Magistrats maliens vont-ils s’assumer ? Le temps nous le dira. Pour l’instant, Malick préfère nous entretenir sur les bienfaits de la médiation pénale. Une médiation qui s’impose d’autant plus qu’au Mali « il faut au moins un an pour un procès pénal » selon le Dr qui a également rappelé qu’un détenu coûte plus de 1000FCFA/Jour à l’Etat malien. Aussi, ajoute le Dr, les justiciables peuvent parcourir 70Km pour avoir droit en fin de compte à un renvoi de leur affaire simplement parce que l’huissier n’a pas fait son travail. C’est une justice, ça ? Pour sûr, non. Et, il faut recourir à la médiation pénale qui a l’avantage d’assurer à l’Etat malien, au personnel de la justice, au personnel du Barreau et aux justiciables un gain de temps ainsi qu’une économie d’argent, d’encre, de salive et d’énergie. Enfin, le Dr Malick Coulibaly en a appelé à la magnanimité de ses collègues juges : « Les sages têtes que vous êtes pouvez contribuer à désengorger les tribunaux, les prisons. C’est avec un regard d’humain qu’il faut regarder l’humain ».
Dans son exposé de belle facture portant sur la médiation pénale au regard des textes et de l’application des textes, le juge Noumandi Kanté définit la médiation pénale comme « une conciliation mise en œuvre dans les litiges opposant une victime et l’auteur d’une infraction » relevant du Procureur de la République qui « peut, avec l’accord des parties, et avant de décider de poursuivre l’auteur de l’infraction, lancer une médiation à condition qu’une telle mesure assure la réparation du dommage causé à la victime, mette fin au trouble lié à l’infraction et permette éventuellement de reclasser l’auteur de l’infraction ». Le brillant Magistrat, très soucieux de la cause des plus faibles, en particulier celle des femmes et des enfants, s’est aussi appesanti sur les droits des parties, les infractions objets de la médiation pénale, les conditions de la médiation pénale (conditions de fond et condition de forme), le délai en matière de médiation, le déroulement ainsi que les effets de la médiation pénale. Un véritable tour d’horizon qui a permis au juge Noumandi Kanté au terme duquel sont apparus des « obstacles au développement de la médiation : manque de sensibilisation du personnel judiciaire, des organisations de soutien aux victimes et les victimes elles-mêmes ». Mais aussi les faiblesses de la médiation pénale telle qu’elle s’institue, s’applique et se vit aujourd’hui au Mali.
En conséquence, recommande le Juge Noumandi Kanté, les autorités juridictionnelles, les ONG et les autres parties concernées par la médiation devraient prendre des mesures appropriées pour sensibiliser les justiciables sur les avantages et la nécessité de la médiation. Des mesures qui passent, entre autres, par « des articles ou informations dans les médias, l’organisation des semaines de la médiation, l’information sur la médiation par le biais des dépliants, brochures, Internet ou affiches des journées portes ouvertes consacrées à la médiation pénale dans les juridictions du pays, le soutien et la promotion de la recherche scientifique dans le domaine de la médiation ».
En somme, une conférence-débat sur la Médiation pénale réussie grâce à « la contribution remarquable de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas au Mali, les qualités intellectuelles, la compétence et l’expertise des éminents conférenciers, leur travail » selon Maître Brehima Koné de l’AMDH ainsi qu’à la bonne organisation de l’événement dû au dynamisme personnel de cet autre talentueux Magistrat Sékou Konaré, membre de l’Association Malienne des Droits de l’Homme.
Hawa Diallo