Nous étions plongés dans «l’injustice des heures tardives» dans la nuit du dimanche 3 février pour voir l’émission «Questions d’actualité» enregistrée depuis le 25 janvier dernier. Mme Seye Mariam Traoré et ses invités du jour, tous des hommes en robe noire, se retrouvaient devant une vérité : celle d’un territoire de la Justice encore en friche. Faut-il donner encore un peu d’oxygène au département de Me Malik Coulibaly ?
Chez nous, tout le monde dit craindre la puissance de feu de la Justice, mais déplore son impuissance de fait. C’est l’Article 85 de la Constitution qui dispose que la Justice est la gardienne de la loi. Or que venait-on de voir ? Le département de la Justice faire le dos rond sur le cas de la libération des Bérets rouges tout en s’obligeant à parler fort. Sur le plateau, les invités reconnurent que malgré les appréhensions, la Justice devait passer et qu’après elle, les Maliens pourront se retrouver. Me Tapo, en homme intuitif en verbe, souvent rebelle sur un plateau de télévision, nous promènera dans tous les dédales de cette loi votée sur l’état d’urgence. Pour nous dire par exemple que le gouvernement aurait pu prendre cette loi par Ordonnance et que seule l’Assemblée nationale peut mettre fin ou proroger les trois mois de l’état d’urgence. Ce que Me Tapo nous apprendra ensuite, c’est que juridiquement, nous ne sommes pas en état de guerre, mais de conflit armé. Le bâtonnier Me Keïta s’inquiétait de cette absence de justice dans les territoires occupés. A défaut d’être rendue sur toute l’étendue du territoire et en tenant compte des fragilités structurelles de l’Etat malien, la CPI pouvait agir au Nord en l’absence de toute autorité judiciaire, la Procureure de la CPI pouvant s’auto-saisir. Le Procureur général, Me Daniel Téssougué, nous rappellera la compétence du tribunal de la commune III à tous les délits commis sous occupation forcée. C’est lui qui nous rappellera enfin que la Justice actuelle est au creux de la vague.
L’indépendance de la justice , c’est d’abord un comportement à observer
Le propos est du Procureur général. Il faut interpeller pour que chacun s’assume ou démissionne. La verve du Procureur pourfendait ainsi le gouvernement. Un exemple intolérable : un mandat d’arrêt avait été émis contre le rebelle Bahanga en son temps, et Koulouba se signalera autrement à l’attention des juges. Pour Me Tessougué, aucun Etat ne peut se substituer en remettant en cause les décisions de justice émises. Notons au passage la gouaille de Me Tapo retournant ce compliment au Procureur en l’invitant à démissionner lors de l’affaire de libération des Bérets rouges. Aucune comparaison à oser sur le Procureur Tessougué sinon que cet homme est habité par l’autorité de la loi. Me Tapo nous assurera de son côté que l’Assemblée nationale a bien joué son rôle dans ces périodes chaotiques et il ira à nous le faire connaître que lui, Me Seye et d’autres ont eu à alerter le gouvernement depuis les massacres d’Aguel’hok, mais ces derniers choisirent de traîner les semaines avant de déposer plainte. Me Mariko nous dévoilera le faux problème touareg. Son organisation a toujours été sur les remparts et il nous dira qu’elle communique chaque semaine plus qu’on ne le croit. Pour assurer l’indépendance de la Justice, ce qu’il faudrait, c’est d’abord de formation qui se retrouve être à la base de la qualité des décisions de justice. Nous avons certes des gens qualifiés, mais beaucoup d’insuffisances. C’est le laxisme qui a été toléré trop longtemps et c’est pourquoi la confiance des justiciables a disparu. Il y a des limites à ce qu’on peut imposer à un pays. Autre option : aller au bout de ce qui a été commencé. C’est une condition pour que l’avenir ne soit rejoint par le passé.
S. Koné