La Gloire des imposteurs : «On nous a volé le Mali»

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Aminata Dramane Traoré
Aminata Dramane Traoré

L’opération Serval, déclenchée il y a un an par la France au Mali, est la principale cible des critiques d’Aminata Dramane Traoré et de Boubacar Boris Diop dans La gloire des imposteurs, que les deux intellectuels viennent de publier. Mais c’est loin d’être la seule : le dogme néolibéral imposé de l’extérieur, l’insuffisant désir de souveraineté des élites locales, l’incapacité des intellectuels d’Afrique à penser la logique globale de domination sont quelques-unes des autres cibles de cet essai parfois crispant et excessif, mais à la sincérité tonique.

 

 

«On nous a tout simplement volé notre pays, Boris. Je suis Malienne et je dis haut et fort qu’on nous a volé le Mali, sous prétexte de le protéger des djihadistes.» Sous la plume d’Aminata Traoré, cette affirmation est la thèse centrale de La Gloire des imposteurs -Lettres sur le Mali et l’Afrique, le livre que l’ancienne ministre de la Culture et du Tourisme du Mali cosigne avec l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop. Et la femme politique de continuer : «La vérité est que ceux-ci n’auraient pas fait régner la terreur à Kidal et encore moins à Konna si Nicolas Sarkozy, encouragé en coulisse par un certain Bernard-Henri Lévy, n’avait pas cru devoir mettre la Libye à feu et à sang en faisant fi des tragiques conséquences, parfaitement prévisibles, de son activisme. Personne ne songe à demander des comptes à ces deux-là, ne serait-ce qu’au regard du chaos dans lequel est tombé Benghazi qu’ils prétendaient sauver. Pardonne-moi de revenir sur cette dimension de la crise. Tout le monde la dit “malienne”, mais je tiens à faire remarquer que notre pays a été plutôt soufflé par la violence des ingérences occidentales dans le “printemps arabe”.»

La 49è intervention militaire française en Afrique

Quelques pages plus loin, François Hollande, successeur de Sarkozy à l’Elysée, se voit ironiquement félicité par Boubacar Boris Diop : «Le compatriote de Talleyrand a sûrement éprouvé le même sentiment de fierté pour son aisance à faire passer la 49è intervention militaire française en Afrique pour un acte de pur altruisme. De toutes les puissances européennes, la France est la seule à n’avoir jamais pu se résigner à décoloniser et l’opération Serval va évidemment la conforter dans cet entêtement.» Et le romancier sénégalais d’écrire la formule qui donne son titre au livre : «Serval, c’est l’imposture dans toute sa splendeur, l’imposture dans toute sa gloire : le succès a dépassé les plus folles espérances des stratèges». Pour autant, habitués l’un et l’autre à essuyer les critiques, les auteurs ne manquent pas de balayer devant leur porte. «Comment en sommes-nous arrivés à ce que je propose de nommer la déraison Serval ?, s’interroge Boubacar Boris Diop. Chacun de nous doit se poser la question en son âme et conscience. Nous les intellectuels, après nous être institués, avec notre habituelle arrogance, les porte-paroles de nos peuples, nous les avons tout simplement égarés. […] L’inquiétant, c’est que le peuple malien n’ait pas eu le choix ou, plutôt, qu’il ait eu à choisir entre des barbares déchaînés et une occupation étrangère si corrosive et subtile qu’elle en devient indolore. On tombe toujours dans le même piège : il y a les bons et les méchants, et sans même nous demander comment il se fait que les premiers appartiennent toujours au même univers culturel, nous crions haro sur Mugabe, Saddam Hussein, Gbagbo et Kadhafi. Certains de ces politiciens arabes ou africains se sont souvent montrés d’une cruauté incroyable, et personne évidemment n’est à l’aise pour les défendre. Mais justement : s’agit-il de prendre parti pour eux ? Certainement pas. Comme toi, j’ai été ulcéré par les exactions commises chaque jour par les narcoterroristes au Nord-Mali. Je sais aussi que la situation était telle que le Mali et toute l’Afrique n’avaient d’autre solution dans l’immédiat que de s’en remettre à la France pour les déloger. Pourtant, ce qui aurait dû être une simple alliance de circonstances revêt une signification stratégique qui ne devrait pas nous échapper. […] Sans une armée digne de ce nom, aucun pays ne compte vraiment.»

«Les mains nues, à la boucherie»

Pendant que l’auteur sénégalais ne se fait pas d’illusion sur l’utopie que représente la création d’une «armée pour toute l’Afrique», sa correspondante détaille l’état de déliquescence avancé de celle du Mali, «gravement affectée par les coupes budgétaires des années 80». Aminata Traoré affirme que les dignitaires du régime, auxquels des quotas sont réservés, les revendent aux tarifs suivants : «2 millions de F CFA pour une place dans le cycle officier», entre «250 000 et 500 000 pour devenir sous-officier ou soldat». Pour autant, elle ne jette pas la pierre aux soldats maliens, mais rend plutôt hommage à leur courage, sans cacher sa «grande colère contre ceux qui les ont envoyés, les mains nues, à la boucherie».

«Consommateurs béats des idées des autres»

«L’extrême vulnérabilité du continent africain tient en grande partie à l’abyssal vide théorique qui fait de nous les consommateurs béats des idées des autres, souligne encore Aminata Traoré. À chaque tournant de la crise malienne, je m’aperçois avec consternation qu’elle est avant tout celle de notre pensée, qu’elle raconte d’une certaine façon le peu de respect que nous, intellectuels maliens, avons pour nous-mêmes. J’aurais d’ailleurs pu étendre la critique à l’écrasante majorité des intellectuels africains, puisque ce qui est en jeu au Nord-Mali, c’est à la fois la place du continent dans un monde global et l’idée que chacun de nos pays se fait de sa dignité.» Pour les deux auteurs, l’opération Serval est donc la fin, le résultat d’une histoire dont des pans entiers sont occultés. Chacun d’eux cependant tient sa propre variable explicative.

Les réformes néolibérales ? « Un tabou ! »

Pour Aminata Traoré, c’est l’économie. Militante altermondialiste revendiquée, elle s’insurge depuis longtemps contre l’ajustement structurel qui a affaibli les Etats subsahariens tout en leur imposant un système néolibéral «structurellement violent». Devenue essayiste pour dénoncer le fait que des milliers de jeunes n’avaient aucune chance d’avoir un boulot chez eux, ni la possibilité d’aller voir ailleurs, elle s’insurge surtout contre le silence imposé sur ce point, notamment lors d’une rencontre* à Paris le 14 janvier : «Les bouleversements de fond en comble de nos économies et de nos sociétés, dans le cadre du paradigme du marché, constituent un tabou : on n’en parle pas. Chacun est sommé de  comprendre qu’il n’y a pas d’alternative à ce modèle économique : on doit changer les gouvernants, on doit aller aux élections, mais il n’est pas question de toucher aux réformes néolibérales pourtant sources de douleur et de colère. Or elles jouent un rôle considérable dans ce qui se passe aujourd’hui dans le septentrion malien. Nous-mêmes, Africains, nous aimons bien parler de politique, de partis, de démocratie. Mais ces débats évoquent rarement le fait que ceux qui sont dans la rue veulent d’abord travailler et vivre dignement dans leur pays.»

Culture et désir de souveraineté

Pour Boubacar Boris Diop, c’est davantage la culture et la souveraineté qui sont en cause. Lors de la même rencontre, il insiste : «Il faut critiquer à la fois l’Etat français et les Etats africains. Les Etats, pas les peuples. Dans notre situation, les décisions économiques et parfois politiques sont prises à l’extérieur et mises en œuvre à travers des dirigeants imposés. La Françafrique est un serpent à deux têtes : l’une à Paris, l’autre dans chacune des capitales concernées. Comme le serpent, elle change de peau, mais fondamentalement les méthodes, le rapport de domination à travers des élites cooptées sont là ! C’est pourquoi il y a deux questions préalables à l’économie : le travail à faire sur sa culture, non comme un retour, mais comme un recours au passé ; et deuxièmement, la question de la souveraineté. Au fond, culture et désir de souveraineté sont liés car c’est la fierté d’être qui on est qui donne le désir d’être libre, et aide à en finir avec un certain asservissement vis-à-vis de puissances étrangères.» Il est impossible, ici, d’examiner toutes les idées brassées dans ce livre : de l’héritage de l’historien sénégalais Cheikh Anta Diop aux raisons et circonstances de la chute du Libyen Kadhafi, en passant par la corruption, l’impossibilité d’endiguer les migrations ou la vraie-fausse émergence à venir de l’Afrique, La Gloire des imposteurs est une plongée complexe dans l’actualité récente. La forme épistolaire facilite la lecture de cet essai à deux voix et met en perspective des idées qui, pour minoritaires qu’elles soient, n’en méritent pas moins d’être débattues.

Rfi, France 24 et la propagande

La Gloire des imposteurs interroge le rôle des médias. Pour l’altermondialiste malienne, «on ne peut plus ouvrir sa radio ou regarder sa télé –il s’agit souvent d’ailleurs des chaînes françaises de propagande, style RFI ou France 24– sans y entendre pontifier un de nos adeptes du libéralisme pur et dur.» Dans un style plus subtil, Boubacar Boris Diop demande : «Serions-nous mal informés par overdose d’informations ? Peut-être devons-nous tous apprendre à reconnaître de loin l’insidieux prêt-à-penser que l’on nous délivre sous forme de petits comprimés : les courtes phrases, faussement laconiques et neutres, qui défilent au bas de notre écran ou celles, serinées à longueur de journée sur le ton d’indiscutables évidences, par les consultants ou reporters des grandes chaînes internationales. Elles sont reprises systématiquement par les télés africaines, y compris lorsqu’il s’agit d’informations sur des pays africains. Par qui avons-nous en effet été informés, nous les Sénégalais, des événements au Mali si proche de nous à tous points de vue ? Tu le sais autant que moi : par RFI et France 24 ! Qui peut reprocher à ces médias de faire de la propagande pour leur pays ? C’est notre planète comme elle va…» Qualifier RFI et France 24 –deux médias qui, pour faire partie aujourd’hui du même groupe financé sur l’impôt de tous les Français, n’ont pas la même histoire en Afrique– de médias de propagande, c’est faire peu de cas d’au moins deux choses : la richesse des magazines, qui apportent à nos antennes une diversité d’opinions contrebalançant les impératifs du format «tout actu» à l’œuvre dans les journaux ; et surtout, le professionnalisme de journalistes qui ne ménagent pas leurs efforts pour rendre compte au plus près de la réalité du terrain.

A. P.

 

 

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La Gloire des Imposteurs. Lettres sur le Mali et l’Afrique. Aminata Dramane Traoré et Boubacar Boris Diop. Paris, éditions Philippe Rey, 2014. 232 pp.

 

MALI : succès d’audience pour les médias français et francophones internationaux

TV5MONDE : 1ère chaîne généraliste internationale, France 24 : 1ère  chaîne d’information internationale, RFI : 1ère  radio internationale. Selon l’étude TNS Sofres Africascope, menée à Bamako du 6 au 19 décembre 2013,  TV5MONDE rassemble chaque jour 44,8% des habitants dans la capitale malienne (+7,1 points vs 2012) et se positionne ainsi comme la première chaîne internationale et la troisième parmi toutes les chaînes mesurées. France 24 quant à elle touche 10,5% des Bamakois (+1,8 point vs 2012) et conforte son statut de première chaîne d’information internationale et cinquième chaîne toutes télévisions confondues. Les deux chaînes renforcent également leurs audiences sur la cible des cadres et dirigeants à Bamako. Avec 74,5% d’audience quotidienne, France 24 est la chaîne la plus regardée par cette cible (+18,3 points vs 2012). TV5MONDE performe également en réunissant 57,3% d’entre eux chaque jour (+3,4 points vs 2012). TV5MONDE et France 24 enregistrent de forts taux de notoriété à Bamako, avec respectivement 98,7% et 71,6% des 15 ans et plus qui déclarent les connaître, et 100% des cadres et dirigeants. 80% des personnes interrogées citent spontanément TV5MONDE parmi les chaînes connues. On note un engagement très fort des Maliens pour les deux chaînes : 95% des téléspectateurs de TV5MONDE et 90% des téléspectateurs de France 24 se déclarent prêts à les recommander à leur entourage. Pour 48,1% des personnes interrogées, TV5MONDE est perçue avant tout comme une chaîne familiale de divertissement et de découverte, confirmant son positionnement d’unique chaîne culturelle mondiale francophone. France 24 est quant à elle plébiscitée par 88% de ses téléspectateurs pour sa couverture de l’actualité africaine. Les Bamakois confirment en outre leur fort attachement à RFI, qui complète la présence audiovisuelle française et francophone au Mali. Avec 18,7% d’audience quotidienne, la radio française reste largement en première position des radios internationales à Bamako auprès des 15 ans et plus, et en cinquième place de toutes les radios confondues. Auprès des cadres et dirigeants, RFI arrive en tête de tous les indicateurs d’audience avec 77,4% d’entre eux qui l’écoutent chaque jour. Dans la capitale malienne, RFI est connue par 89,8% de l’ensemble de la population et par 100% des cadres et dirigeants. 82,3% de ses auditeurs considèrent qu’elle est la référence en matière d’information africaine. TV5MONDE et France 24 sont accessibles au Mali via les opérateurs MMDS Multicanal et Malivision (TV5MONDE en clair et France 24 en crypté), ainsi que dans les offres des opérateurs Canal+ et DSTV, et en clair sur les satellites SES5 et Eutelsat 16A. RFI est accessible au Mali en FM à Bamako, Kayes, Sikasso, Gao, Mopti et Ségou, ainsi qu’en ondes courtes et ses programmes sont repris sur de nombreuses radios partenaires à travers le pays.

TNS Sofres –AfricascopeMali- Bamako du 6 au 19 décembre 2013 auprès d’un échantillon de 1112 individus de 15 ans et plus, dont 106 cadres et dirigeants.

Source : TSS Sofres 

 

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11 COMMENTAIRES

  1. Tu feras mieux de te taire et nous laisser respirer. N’eut été la France, qu’allait devenir le Mali. Heureusement que tous les maliens ne sont pas comme toi. Tu ne mérites aucun respect.

  2. on regarde france 24 par ce que c’est o franc ,c’est pas une chaine ki donne la realité des fais merci

  3. Madame Aminata Dramane ,vos idées folles ne servent ni votre famille ni votre pays à fortiori l’Afrique. Sans l’intervention française au Mali, vous n’alliez pas vous assoir et parler libre aujourd’hui. Que Dieu bénisse la France.

    • C’est la France qui a mis le feu au Mali et a ensuite joué ausapeur pompier.Le soit disant MLNA a été crée en France.Madame a donc raison d’accuser la France et son Président satanique SARKOZY qui n’a fait que détruire notre beau continent.

  4. Dites ce qui vous plaît à présent. Le Mali est libre grâce à Dieu, à François Hollande et à SERVAL. AlhamdoulliLlah. Vos tentatives de maintenir ce pays dans la souffrance ont échoué pour jamais. Allez voir ailleurs si le Mali y est. La France est notre amie parce qu’elle s’est comportée comme telle avec nous. Qu’espériez vous, qu’on vienne nous couper tous la main à Bamako? Soyez maudits pour vos complots contre l’unité et la quiétude de ce pays, Amen!

  5. AMINATA EST UNE AIGRIE, GAUCHISTE, ELLE A TOUT VOLE A ADEMA ET CRACHE DANS LA SOUPE. OUI TOUT LE MONDE LA COMPREND. PARADOXALE UNE GAUCHISTE QUI A LE RESTAURANT LE PLUS CHER DE BAMAKO DE TOUT LES TEMPS.
    AMINATA PREND TA RETRAITE POLITIQUE. SI TU ES AUTANT CAPABLE POURQUOI TU NE T’ES PAS PRESENTEE A L’ELECTION LEGISLATIVE PASSEE.

  6. aminata dramane va te marie a fougk et laisses nous respire… 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

    • “aminata dramane va te marie a fougk et laisses nous respire…”

      Si ils font un enfant, j’en réserve un d’office! 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

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