L’INCIVISME FISCAL AU MALI : Comment des criminels à col blanc sucent les ressources de l’Etat

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    Selon les statistiques de la Direction Générale des Impôts sur la situation des recouvrements, on constate une évolution régulière et constante en terme d’entrée des impôts direct et des taxes indirectes au cours des dix dernières années. Le total des recouvrements est passé de vingt et quatre milliards de francs CFA en 1990 à deux cent milliards en 2005. A première vue, l’on est tenté de dire que le civisme fiscal est en nette progression au Mali. Mais, face à la délinquance de certains hauts fonctionnaires, est-ce vraiment le fait d’une élevation du sens civique du Malien ou de l’amélioration des mécanismes mis en oeuvre par l’administration fiscale pour récupérer ses sous ?

    L’ETAT DU CIVISME FISCAL AU MALI

    Un tableau synoptique de la Direction Générale des Impôts intitulé : “Situation des recouvrements pour la période de 1990 à 2005”, fait apparaître une évolution régulière et constante du montant de recouvrement des impôts directs et des taxes indirectes. Des spécialistes de la question nous revèlent qu’il y a quinze postes qui composent les impôts directs et vingt et quatre les taxes indirectes. De 1990 à 2005, le montant recouvré monte d’année en année. Souvent, la progression va du simple au double. C’est ainsi que le montant recouvré est passé de 24 milliards de francs CFA en 1990 contre 200 milliards en 2005.

    LES IMPOTS DIRECTS

    Ils enregistrent le plus fort taux de réalisation par rapport aux objectifs fixés avec un taux de 119%, soit un dépassement des objectifs de 5,696 milliards malgré la non atteinte des objectifs au niveau de la DID (89% de taux de réalisation, imputables au centre VI qui n’a, par ailleurs, pas atteint ses objectifs). Le mérite de cette performance revient à la Sous-Direction des Grandes Entreprises (SDGE) qui a atteint un taux de réalisation de 13%. Cette performance a favorisé une augmentation substantielle de 7,525 milliards par rapport aux réalisations de 2004, ce qui représente un taux de croissance de 26%.

    LES IMPOTS INDIRECTS

    Le taux de réalisation des impôts indirects se chiffre à 99%, soit un écart négatif de 1,059 milliard par rapport à l’objectif de 125,903 milliards. Ce résultat s’explique par les problèmes actuels de certains gros contribuables de la SDGE tels que la CMDT, l’EDM, l’HUICOMA, etc. Malgré la non atteinte des objectifs fixés, les impôts indirects affichent une augmentation substantielle de 10% par rapport aux recettes de 2004 et qui se chiffre à 11,037 milliards. Toutes les structures ont contribué à cette augmentation avec une mention particulière aux régions (28% de croissance) et les centres du District de Bamako qui ont tous réalisé les objectifs fixés à l’exception du centre I dont le taux de réalisation est de 86%.

    Il est à noter que les taxes perçues directement par les structures décentralisées et celles perçues par la Douane pour les besoins du commerce import/export ne font pas partie de ces chiffres.

    INFORMATISATION DES IMPOTS : QUEL IMPACT ?

    La modernisation avec l’introduction de l’outil informatique dans l’administration fiscale a eu des impacts positifs dans l’amélioration des services de recouvrement des imports. La Direction Générale des Impôts, en partenariat avec la Coopération Canadienne a exécuté un vaste programme d’informatisation des centres des impôts du District de Bamako. Cette opération doit s’étendre sur l’ensemble des régions du pays et progressivement les cercles. Déjà, dans le District de Bamako, les six centres d’impôts prévus ont été réalisés. Ce fut d’abord la commune II, la commune VI puis la commune III qui ont été inaugurés.

    Du côté de la Cellule de Communication de la Direction Générale des Impôts, on avance que les trois centres restants, à savoir ceux des communes I, IV et V seront inaugurés dans les jours à venir. L’informatisation des centres des impôts du District de Bamako contribue à conforter les recettes, à mettre en exergue les services aux contribuables (assistance, information, sensibilisation).

    Un bref parcours de la revue trimestrielle de la Direction Générale des Impôts dénommée IMPÔT_COM, comparé au comportement des citoyens sous d’autres cieux est moins contraignants et moins bien structurés et organisés, on ne peut pas donner un brevet de satisfait au contribuable malien pour civisme fiscale sans resserve. Certes, nous sommes loin de la période des années 1980 auxquelles les salaires n’étaient pas faits le 30 du mois, mais l’équilibre obtenu reste fragile. Le contribuable peut toujours mieux faire.

    DETOURNEMENT D’UN BIEN PUBLIC, USAGE ETRANGER A SA DESTINATION NORMALE

    Ici, le comportement incivique ne relève plus de la fantaisie, de la négligence, de l’indolence ou du manque de fermeté du caractère, mais procède plutôt de la préférence accordée à l’intérêt personnel sur l’intérêt général. Ce genre d’état d’esprit s’est si bien généralisé dans la durée que son caractère incivique et même délictueux n’apparaît plus aux yeux du citoyen en général.

    Combien de Maliens savent-ils qu’on ne doit pas utiliser le téléphone du service pour des communications qui ne regardent que la vie privée?
    Satisfaire un parent sur le crédit de fonctionnement, mettre le véhicule du service à sa disposition pour lui "arrondir quelque angle", utiliser les biens et les moyens de l’Etat comme élément de séduction de la reine de son coeur sont-ils perçus comme actes d’incivisme ou comme actes de gentillesse et de galanterie?

    Faire prendre ainsi à ces biens et services d’autres directions que celles pour lesquelles ils ont été destinés compromet naturellement les chances d’atteindre les objectifs visés.

    LORSQUE LE REDRESSEUR DE TORTS OU LE GARDIEN DU TEMPLE FAIT PIRE

    C’est le cas de l’agent de police ou de douane qui, au lieu de verbaliser le contrevenant, noue avec celui-ci une entente illicite en le laissant partir en toute franchise moyennant quelque pécule.
    C’est le cas du juge qui se livre à un examen bienveillant des faits de la cause et à une interprétation tout aussi bienveillante de la règle de droit après la visite domiciliaire du justiciable…

    Que dire de l’administrateur lorsqu’il vend le sujet du concours ou de l’examen qu’il s’apprête à organiser, lorqu’il fausse le jeu de la libre concurrence dans la procédure d’octroi des marchés publics, ou lorsque la surfacturation est devenue pour lui le mode ordinaire d’enrichissement rapide et massif?
    Le malade est-il rassuré lorsqu’il se rend compte que le manque de conscience professionnelle du médecin va jusqu’à lui faire utiliser le matelas et autres équipements sanitaires à des fins personnelles? Exemple: faire payer à une femme pour son accouchement gants et autres produits de base prélevés sur le stock de fonctionnement de l’hôpital alors qu’ils ne sont pas à vendre, mais sont justement là pour de tels besoins.
    Le comportement prédateur des hauts responsables administratifs et politiques est-il perçu comme tel par le citoyen ordinaire lorsque ceux-ci, dans la gestion des intérêts supérieurs de l’Etat, font prévaloir les leurs propres?

    Pourant, il est à signaler que la loi a cerné tous ces comportements infractionnels par une incrimination aggravée du fait de la qualité de l’auteur. Manifestement ces incriminations, aux yeux du citoyen ordinaire, ne semblent pas jusqu’ici avoir porté leurs fruits. Il reste que cette délinquance des hauts fonctionnaires que les criminologues désignent souvent par l’expression de "criminalité à col blanc" a, vu l’état actuel de la décomposition des assises morales de la société, de beaux jours devant elle.

    Daba Balla KEITA

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