Ceux qui sont arrivés au pouvoir par la contrebande d’électeurs gouvernent en se moquant du peuple. La Cour constitutionnelle, du temps du passage de témoin entre Alpha et ATT en 2002, a agi en précurseur de Yao N’Dre, le président de la Cour constitutionnelle ivoirienne qui avait annulé plus de voix que ceux des recours déposés par le parti au pouvoir.
Au Mali aussi, l’accession au pouvoir d’ATT en 2002 a été le fruit d’une «yaodrinade» sans précédent qui a conduit à supprimer des centaines de milliers de voix favorables à IBK, de manière à l’empêchera d’accéder au second tour. Ce tour de passe était l’œuvre d’Alpha Oumar Konaré, qui parvint par des moyens faussement démocratiques à baliser l’accession d’ATT à la Présidence du Mali. La chute peu glorieuse d’ATT est aussi la défaite personnelle d’Alpha, lui qui n’a pas voulu respecter les saines règles de l’alternance démocratique.
Arrivé au pouvoir par la contrebande d’électeurs, ATT s’y maintint en 2007 par la fraude électorale à grande échelle, selon les aveux du président de la Cour constitutionnelle sortante.
ATT avait perfectionné le mécanisme allant jusqu’à contourner la Cour constitutionnelle, prise d’assaut par les hommes de Soumaïla Cissé. Si les élections avaient eu lieu, tous se seraient réveillés groggy le 30 avril, en raison de leur défaite programmée soigneusement par le général et son dauphin putatif Modibo Cissé.
De la même manière, les faux démocrates ont dévoyé la démocratie à travers le détournement de pouvoir à leur profit, du fonctionnement des institutions républicaines, ATT a fait pire : Mal élu, il gouverna le Mali comme le capitaine d’un bateau ivre, abandonnant le navire aux pirates des temps modernes.
Deux institutions-clés du système de gouvernance démocratique que la loi fondamentale rend indépendantes de l’exécutif sont instrumentalisées par lui pour combler son besoin de pouvoir absolu, à savoir la Justice et l’Assemblée nationale.
S’agissant de la Justice, ils sont une poignée de juges qui ne doivent leur accession à des postes de responsabilité dans la haute magistrature qu’à la mansuétude du chef de l’Etat qui en retour leur exige une totale soumission et une exécution de basse besogne, telle que le maintien en détention-séquestration du Pdg de la Bhm, en dépit d’une liberté irrévocable de la Cour suprême par l’arrêt Numéro 53 du 27 mai 2009. A cet égard, le régisseur de Bamako, qui s’est opposé à l’exécution d’un ordre de libération reçue de l’autorité judiciaire, les juges de la Cour suprême impliqués dans cette séquestration et le Président ATT qui publiquement a reconnu être l’auteur de l’entrave à l’exécution de la décision de justice, doivent répondre devant les tribunaux du Mali.
Le cas de l’attribution à une société étrangère libanaise par entente directe (gré à gré), de la confection et la livraison du matériel électoral pour près de 6 milliards FCFA est la parfaite illustration du tort fait par certains juges de la Cour dite suprême a l’économie nationale.
La Cour suprême qui devait mettre en œuvre une justice impartiale et de dernier recours, s’est rangée du coté du pouvoir en déclarant irrecevable la plainte des opérateurs économiques maliens alors que l’évidence crevait les yeux.
Les juges qui ont rendu l’arrêt d’irrecevabilité n’ont pas défendu l’intérêt du pays, mais plutôt ceux de la prédation nationale alliée aux puissances d’argent extérieures.
Comment par ailleurs le Ministre des finances et celui de l’Administration territoriale ont-ils accepté de tremper dans une telle magouille? Ils doivent répondre devant des juges compétents et intègres à toute interrogation relativement à l’exécution de ce deal infecte autorisé en Conseil des ministres. Il faut nettoyer la justice de ces brebis galeuses et rendre à cette institution toute la noblesse de sa mission qui est quasi divine.
Dans l’affaire Bhm/waic, des juges tels que Mahamadou Bouare, N’Pere Diarra et plus récemment Sidi Sinenta, ont accepté de servir le pouvoir contre leurs propres collègues, en l’occurrence M. Kamissoko et M. Keita, respectivement ancien Procureur et Avocat général auprès de la Cour Suprême. Ils sont victimes de la méthode ATT. Il intimidait les juges, abrogeait les nominations de certains d’entre eux sans s’en référer au Conseil de la magistrature lorsque leur verdict n’était conforme à ses desiderata, nommait d’autres à des postes de responsabilité en dépit de leur passé sulfureux, et distribuait des prébendes pour soumettre les moins dociles et agitait en épouvantail leurs dossiers. Le Général Président a transformé la justice en un champ de ruine. Ainsi la nomination de M. Mahamadou Bouaré au poste de Procureur Général à la Cour suprême, en remplacement de M. Kamissoko, la nomination de M. Coulibaly Solomani comme Procureur général de la Cour d’appel, participe de la mise en place du réseau ATT. Vont-ils survivre à la déchéance de leur mentor ? L’avenir nous le dira.
Il convient de faire un audit des jugements rendus et mettre à la retraite d’office tous les juges corrompus et inféodés à ATT en émettant des arrêts contraires à l’intérêt national, avec une poursuite devant la Haute cour de justice, pour en finir avec cette justice à deux vitesses.
Lorsque le coup d’Etat du 22 mars a pris corps, tous les juges qui avaient des choses à se reprocher se sont cachés des semaines durant. Ils ont refait surface progressivement croyant le danger passé.
La seconde institution dont les décisions ont choqué le commun des mortels est l’Assemblée nationale. Lorsque l’avenir de la nation fut compromis ou lorsqu’une proposition de loi émanant d’ATT pouvait créer une fracture sociale, les députés n’ont jamais été à la hauteur de leur mission, soit par leur passivité, soit par leur accointance avec ATT.
La représentation nationale ne s’est jamais saisie des accords d’Alger pour pourfendre l’exécutif et l’obliger à revoir sa copie. Les honorables ont voté a 98% le referendum constitutionnel prévu alors que ce sujet reconnu inopportun fâchait 98% de la population. Ils avaient, avec le même score, voté à l’initiative d’ATT, le Code des personnes avant la révolte des musulmans. Tout se passa comme si l’Assemblée nationale était une simple chambre d’enregistrement des décisions personnelles d’ATT qui souvent étaient en contradiction avec les intérêts du peuple du Mali.
C’est parce que les députés n’ont pas assumé leur responsabilité lorsque le pays partait à la dérive qu’ils sont mal aimés de leurs mandants.
De même l’hémicycle est devenu le refuge de nombreux individus qui ont commis des actes répréhensibles et qui profitant de leur immunité, s’érigent en donneurs de leçon, en démocrates bon teint.
Le désamour entre le peuple et ses mandataires est profond et il n’est pas certain que cette transition courte rétablira la confiance en l’institution.
Birama FALL