L’enquête réalisée par une équipe d’experts sur la qualité de l’huile alimentaire produite par l’huilerie ALCOMA-SARL dans le cercle de Bougouni est sans appel : l’usine ne dispose pas de chaîne complète de production. Pire, cette mini huilerie produit de l’huile impropre à la consommation, à cause de sa teneur en gossipel. Un poison, contenu dans les graines de coton, dont la neutralisation exige un équipement adéquat. Du coup, nos autorités exigent à cette mini-huilerie de fermer boutique. Au même moment la commission mine et industrie de l’Assemblée Nationale débarque sur le terrain. Histoire de voir clair. Mais contre toute attente, cette unité de production d’huile continue de commercialiser son« poison ». D’où le nombre, de plus en plus, élevé de victimes. Surtout, dans le cercle de Bougouni où, dit-on, on frôle l’hécatombe. Nous sommes tous en danger… de mort !
C’est face à l’ampleur des dégâts liés à la consommation de l’huile d’ALCOMA dans le cercle de Bougouni qu’une équipe d’enquête s’est rendue dans cette localité qui abrite « l’huile qui tue ». Objectif : évaluer la qualité des huiles produites, par l’huilerie ALCOMA.
Pour ce faire, les enquêteurs ont procédé à des prélèvements d’échantillons, dans cette huilerie. Mais aussi, dans le magasin de stockage des produits fini.
Par la suite, les échantillons ont été analysés au Laboratoire National de la Santé.
Selon les enquêteurs, cette analyse a porté, essentiellement, sur les paramètres physico-chimiques. Il s’agit, en clair, de déterminer la teneur de cette huile en savon, en acide, en humidité, en peroxyde…
Premier constat : les échantillons prélevés sont conformes aux normes d’humidité (0,2%).
S’agissant de leur teneur en savon, les échantillons ne sont pas conformes aux normes, ajoutent les enquêteurs.
Avant de préciser : « l’huilerie ALCOMA ne se soumet jamais au prélèvement en fonction du lot. Mais plutôt pour l’analyse mensuelle. Dans ce cas de figure, lorsque la production dépasse un lot dans le mois, seul un sera contrôlé et tous les autres seront mis sur le marché, qu’ils soient bons ou mauvais ».
Second constat : dans cette huilerie, rares sont les fois qu’elle produit de l’huile raffinée de coton. C’est-à-dire, une huile obtenue à partir des opérations de neutralisation de l’huile brute, de lavage de l’huile jusqu’à la débarrasser des traces de savon, de filtration, de décoloration, de désodorisation etc.
Seul processus, capable de produire de l’huile raffinée. Une huile sans danger pour le consommateur. Mais ce processus, permettant d’avoir de l’huile raffinée, est contourné dans l’huilerie ALCOMA à Bougouni visitée par les enquêteurs. Et son PDG monsieur Rakeich se la coule douce.
Tous en danger
A en croire les enquêteurs, l’huilerie ALCOMA- SARL dispose d’un système de raffinage. Mais les équipements de raffinage ne sont pas en matériaux adéquats. C’est-à-dire en inox ou en fer galvanisé. Ce qui, de l’avis des enquêteurs, constitue une source d’inquiétude pour les consommateurs. Du coup, la mini huilerie ALCOMA produit de temps à autres deux types d’huiles impropres à la consommation : l’huile brute et l’huile neutre.
L’huile brute est obtenue à partir d’une pression exercée sur les graines de coton. Elle ne subit aucune opération de neutralisation, des produits jugés dangereux pour l’organisme, comme le gossipel, le savon ou l’acide.
Quant à l’huile neutre de coton, c’est une huile qui a subi les opérations de neutralisation de l’huile brute, de lavage de l’huile jusqu’à la débarrasser de toutes traces de savon, de séchage et de filtration.
Pire, selon certaines indiscrétions, cette huilerie ne disposerait même pas d’autorisation pour produire son « poison ».
D’où le lieu pour les enquêteurs de recommander l’arrêt temporaire de l’huilerie ALCOMA-SARL, jusqu’à l’installation d’équipements permettant la production d’huile raffinée. Mais aussi, demandent à l’unité de production de procéder à la correction de la teneur, en savon, de son huile.
En outre, ils obligent Monsieur Rakeich, PDG de la société ALCOMA-SARL, basée à Bougouni, à incorporer dans sa ligne technologique, le processus de désodorisation de son huile. Mais aussi, à acquérir des équipements en matériaux adéquats pour la production d’huile raffinée.
Rédigées par des experts, issus de la Direction Nationale des Industries, du Laboratoire National de la Santé et de l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire des Aliments, les conclusions des enquêtes sur la qualité de l’huile alimentaire produite par ALCOMA n’a pas été suivies avec effet par les autorités compétentes. La suite est connue : le marché malien et celui de Bougouni, en particulier, est ravitaillé en huile frelatée. Avec à la clé, des empoisonnements à la pelle et des maladies, aussi grave les unes que les autres.
Mais pourquoi après cette mission, dans ces localités, les recommandations contenues dans ce rapport ont été sans suite ?
Pourquoi cette huilerie continue de commercialiser son huile, jugée malsaine, malgré une interdiction ?
Pourquoi tant de victimes, après consommation de ces huiles ? Combien sont-elles ? Et de quoi souffrent-elles ?
La réponse dans nos prochaines éditions.
Jean pierre James