Fototala King Massassy, le seul photographe malien aux Rencontres de Bamako

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Fototala King Massassy, le seul photographe malien aux Rencontres de Bamako
Le chanteur, rappeur et photographe Fototala King Massassy présente aux 11e Rencontres de Bamako la série photographique « Anarchie productive ». Rencontres de Bamako

Il est chanteur, rappeur et photographe. Et s’il y a un photographe qui montre une Afrique qui a envie, une Afrique qui vibre par tous ses pores, une Afrique de fête, de joie et d’espoir, c’est bien lui, Fototala King Massassy. L’artiste malien figure parmi les 40 photographes mis à l’honneur aux 11e Rencontres de Bamako. La Biennale africaine de la photographie se déroule sous le titre « Afrotopia » jusqu’au 31 janvier 2018. Entretien.

RFI :  À l’inauguration des Rencontres de Bamako, le ministre malien de la Culture, N’Diaye Ramatoulaye Diallo, citait le maître Malick Sidibé qui disait « Souriez, la vie est belle ». Vous pourriez reprendre ce message à votre compte ?

Fototala King Massassy : Vous savez, on dit au Mali que la bonne humeur est le premier signe du paradis. L’Afrique qui sourit, pour moi, elle existe depuis longtemps. Elle existe partout, pas seulement en Afrique. C’est aussi le fait que toute culture qui ne se frotte pas à une autre culture est appelée à mourir. L’Afrique s’est frottée à toutes les cultures, en a appris avec tout le monde. Et aujourd’hui, elle en a pris à tout le monde et en a fait à sa sauce. Étant photographe africain, je vais peut-être partir sur mes débuts à moi. Je suis passé d’abord par le hip-hop, ensuite par la scène du théâtre. Aujourd’hui, je suis presque autiste de la photo parce que pour moi, elle peut représenter des siècles d’un continent, des siècles d’un pays, et aussi renouveler et montrer tout ce qui a de nouveau dans ce continent qui est peut-être quelque part ignorée.

Votre série de photographies s’intitule Anarchie productive. C’est donc également le sillon des photographes de studio que vous continuez de creuser. Vous vous inscrivez dans la lignée d’un Malick Sidibé [1936-2016] ou d’un Seydou Keita [1921-2001] qui ont un peu inventé la photographie moderne au Mali ?

Vous savez, dans cette biennale, je suis quelque part le seul photographe malien. Mais, sans pour autant dire que les autres pays n’ont pas fait grand-chose, le Mali est un pays que j’appelle « le pays des premiers ». Si on vous parle de Aboubakri II [surnommé l’ « empereur explorateur », il aurait régné au Mali entre 1310 et 1312, ndlr], cela vous dit quelque chose ? C’est la première personne qui a été en Amérique. Si on vous parle du premier ballon d’or africain ? Salif Keïta. Si on vous parle de Massa Kankou Moussa [selon le site Celebrity Net Worth, l’empereur malien (1280-1337) était l’homme le plus riche de tous les temps, ndlr]. C’est lui qui a fait chuter le cours de l’or à travers le monde pendant dix ans. Pour moi, ce pays, si je dois le représenter, il me faut beaucoup de personnes pour m’aider à le tenir. Et ces personnes-là, ce sont ces personnes qui sont dans ces photos. Ce sont ces personnes qui sont le moteur du Mali… Quand je vais en tant qu’artiste chanteur en tournée, je passe par Berlin, j’achète une voiture, je la conduis jusqu’à Bamako. Et quand je traverse le Maroc, la Mauritanie, ce sont ces mêmes personnes que je vois qui sont pour moi le moteur.

Comment se noue la relation entre le photographe et les personnes qui sont sur les photos ? Comment est-ce que vous nouez ce contact qui passe à travers l’objectif et à travers le regard des visiteurs ?

J’ai seulement fait un truc : en tant qu’enfant né en Afrique, j’ai grandi en Afrique, j’ai pris ma vie, j’ai pris tout ce que je vois aujourd’hui comme ce que vivait ma mère au temps de Malick Sidibé. Ma mère partait danser le jerk avec la perruque et si elle tombait, elle la récupérait et la mettait sur sa tête. Mon père, je le voyais danser le twist. Donc en fait, c’est tout cela que j’ai essayé de rassembler et c’est tout cela qui fait la série qui est là. Si on dit comment se noue mon travail avec mes sujets, c’est moi en fait.

Il y a aussi les objets qui accompagnent ceux que vous photographiez. Il y a beaucoup de bicyclettes en particulier, mais pas que. Est-ce que l’accessoire est essentiel pour vous ?

Oui, l’accessoire est essentiel. Quelqu’un qui te prend un pot de beurre de karité, un pot vide, et qui en fait une canne à pêche, c’est un magicien. Je vais rajouter qu’une des photos, c’est un monsieur qui répare plein de télés. Moi je l’ai appelé « O. D. D. », « Obsolescence définitivement déprogrammée ».

Est-ce qu’on peut dire que votre travail de photographe, de musicien et le hip-hop se nourrissent l’un l’autre ?

Oui, bien sûr. Je dirais même qu’au-delà de tout cela, que ce sont surtout les rencontres qui se font grâce à la musique. Ma grand-mère qui me disait tout le temps que « la terre est petite, les gens sont grands ». C’est grâce à toutes ces rencontres. Une fois je discutais avec une dame qui est décédée et qui est très connue, Rosa Parks. Quand je lui demandais : comment avez-vous réussi à motiver autant de gens pour que l’apartheid dans les bus et ailleurs s’arrête ? Elle me dit « Je suis partie avec une arme ». Moi, je voyais une arme, mais quelle arme ? Là, elle répond : « La volonté ». Cette même discussion, je l’ai eue aussi avec une autre dame. Moi, ce sont les femmes qui m’ont fait.

 Par Jean-François Cadet rfi.fr – Publié le 12-12-2017

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