Les wisigoths sont un peuple d’origine germanique qui envahirent l’Espagne au Vème siècle. Désignés dans les textes arabes : «Qûtti », les Wisigoths islamisés sont partis de l’Espagne (Andalousie), au Maghreb jusqu’au Bilal as-soudan (pays des noirs, précisément en Afrique de l’Ouest dont le nord du Mali : Tombouctou, Gao…). Selon monsieur Ismaël Diadié Haïdara Qûtti promoteur de Fondo Kati, tous les manuscrits se trouvant dans la bibliothèque Fondo Kati sont constitués par les écrits de la famille Qûtti.
Fondo Kati est donc deux histoires à la fois : celle d’une famille, d’une communauté dont nul ne fait plus cas, selon Ismaël Diadié Qûtti et celle d’une masse documentaire que le professeur John O. Hunwick considère comme la plus importante découverte documentaire les cinquante dernières années. C’est pourquoi le professeur Hunwick compare Fondo Kati aux manuscrits de Qumran également appelés manuscrits de la mer morte. Il affirme : « Fondo Kati est pour l’Afrique de l’Ouest ce que sont les manuscrit de la mer morte pour l’Orient».
Et à Ismaël Diadié Qûtti de nous édifier sur les manuscrits de la mer morte. Selon lui : « les manuscrits de Qumran également appelés manuscrits de la mer morte sont un ensemble de 850 parchemins et fragments de papyrus retrouvés entre 1947 et 1956 autour du site dit de Qumran. Là se trouvent les copies de multiples fragments de livres bibliques dont le plus important est le Livre d’Isaïe écrit en 54 colonne sur 17 feuilles de cuire d’une longueur totale d’environ 7,30 m. Ce manuscrit qui est le plus ancien de ce livre date du IIe siècle avant le comput chrétien. Cette découverte des manuscrits révèle aussi celle d’une communauté aujourd’hui disparue, celle des Esséniens qui précède et préfigure en plus d’un point celle du Christ. Une seconde découverte non moins importante est celle de la Genizah du Caire qui montra à la communauté scientifique toute l’importance de la communauté juive du Caire et de son patrimoine écrit qui révèle d’antiques relations entre celle-ci et le monde saharien entre autres. »
Comme donc les manuscrits de Qumran qui ont révélé l’existence des Esséniens et des manuscrits de la Genizah du Caire qui ont mis à jour l’importante communauté juive du Caire ; ceux de Fondo Kati découvrent l’existence d’une communauté (les wisigoths) au nord du Mali actuel dont nul ne fait plus cas.
Ismaël Diadié Qûtti qui dirige aujourd’hui cette bibliothèque familiale nous la présente ainsi : « Le total des manuscrits acquis s’élève à 12.451 manuscrits. Sur ce total, 6.844 forment un ensemble tous signés par les membres d’une seule famille, celle des Qûtti. Les 6844 manuscrits se distribuent en 86 fonds qui ont tous appartenus à différentes branches de la famille.
Fondo Kati tel qu’il se donne aujourd’hui est une bibliothèque double. Nous avons d’une part une première donnée constituée par cet ensemble de manuscrits (ceux écrits par les membres de la famille Qûtti) qui vont chronologiquement d’un Coran sur vélin copié le13 Novembre de l’année 1198 à Ceuta au dernier manuscrit des membres de la famille Kati acheté à la fin du XIXe siècle, et d’autre part, par une autre série d’éléments constitués par ces notes marginales qui vont chronologiquement du 22 juillet de l’année 1468 à la fin du XIXe siècle. »
Cette famille a connu des hommes célèbres qui ont joué les premiers rôles dans l’histoire moyenâgeuse de l’actuel Mali. Comme par exemple l’auteur du Tarik Al Fetach, Mahmud kati (qûtti déformé) et l’empereur qui a porté l’empire Songhay à son apogée, Askia Mohamed. D’ailleurs, ces deux personnalités ont joué un rôle important dans la fondation de cette bibliothèque que dirige aujourd’hui leur descendant Ismaël Diadié Qûtti. La bibliothèque contient tous les écrits de ces deux illustres personnalités. Ismaël même nous explique leurs rôles dans la fondation de la bibliothèque : « nous sommes effectivement devant la bibliothèque de l’historien et humaniste alfa Kati Mahmud (l’auteur du Tarik Al Fetach). Les fonds les plus anciens sont de son père al-Hajj Ali b. Ziyad b. al-Mutawakkil al-Qûtti de Toledo, puis ceux de l’Empereur al-Hajj Askia Muhammad (l’empereur Askia Mohamed). » Ismaël nous a donné une lettre de ce dernier adressée aux autorités égyptiennes leur demandant de lui envoyer quelques livres de religion. Voici la teneur de la lettre d’Askia Mohamed adressée aux autorités égyptiennes : «…Nous avons envoyé depuis un certain temps Said Ibrahim en votre pays pour régler certaines de nos affaires, nous avons remis une lettre à ses soins pour vous le confier. Nous vous confirmons cette expédition et nous vous demandons de nous envoyer quelques ouvrages de religion, nous l’avons personnellement délégué pour cela. Nous n’avons pas fait cas de cela à notre passage pour le Hajj, presse alors d’accomplir le Hajj. Allah Subhana wa tala nous a permis d’accomplir le Hajj et nous facilita la visite du bilad al-Muqaddas. Présentement nous sommes en nos terres et nous investissons tous nos efforts pour écarter les agresseurs, briser l’intention des ennemis…»
En plus des manuscrits achetés par l’empereur Mahmud Kati et ceux écrits par lui-même et par l’historien Mahmud Kati, les autres manuscrits de la famille sont écris par leurs enfants, petits enfants, arrières petits enfants, et cela jusqu’au XIXe siècle, a ajouté Ismaël Diadié Qûtti. Il précise que le manuscrit le plus ancien date du 13 Novembre 1198 et les plus récents sont du XIXe siècle ; ils sont signés par les enfants de Abana.
Ismaël Diadié va jusqu’à décrire, dans les détails, le processus d’assemblement et d’acquisition des manuscrits de la famille Qûtti qui constituent aujourd’hui les manuscrits de la bibliothèque Fondo Kati. Pour lui, « c’est au XVIIIe siècle que alfa Ibrahim b. Mahmud Kati de Kirshamba signale à Ali-Gao son frère dans le manuscrit 1160 fol. 2 v. l’acquisition de certains manuscrits qui appartinrent à alfa Ismael b. alfa Kati Mahmud leur ancêtre. Alfa Ibrahim poursuivra cette tâche de récupération des manuscrits de ses ancêtres. Alfa Ibrahim se met à recopier dans les marges des manuscrits les écrits de son ancêtre Ali b. Ziyad al-Qûtti dont les manuscrits étaient en fort mauvais état. Abana, fils de alfa Ibrahim b. Mahmud Kati de Kirshamba et époux de Arkia b. Ali-Gao, se met à poursuivre l’œuvre pionnière de son père après son divorce avec sa cousine, Arkia Ali-Gao. Il achète des manuscrits de partout et les envoie avec son frère Uthman b. Alfa Ibrahim. Le long de ses voyages, Abana a rassemblé les manuscrits dispersés de la famille Qûtti. Ali-Gao b. Mahmud Kati III dans une lettre l’indiquait les manuscrits suivants qu’il a reçus de lui par l’entremise de son frère Uthman b. Abana. Abana continuera dans ses voyages à acquérir d’autres manuscrits et à les envoyer à son oncle et beau père Ali-Gao. A partir de ce moment, Ali-Gao b. Mahmud Kati de Kirshamba se met lui aussi à recopier les écrits de leurs ancêtres ou ceux des auteurs andalous qui étaient alors en très mauvais état. Ali-Gao se met à dicter à ses élèves le Tedzkiret al-Ihwan, l’œuvre principale de son ancêtre alfa Kati Mahmud, et son disciple Ali b. Hola b. Mahmud b. Ali b. Mahmud Kati II. L’initiative devient salutaire et titanesque. Presque toute l’œuvre de l’alfa Kati est reprise dans les marges des manuscrits avec la note : min imla sheikhna. La source n’étant pas toujours indiquée. L’œuvre de Kati est divisée en Bab. Certaines sont copiées deux ou trois fois par des copistes différents.
Cette entreprise de copiste qui n’avait de souci que de sauvegarder les œuvres de Ali b. Ziyad al-Qûtti, celles de son fils alfa Kati Mahmud et ceux des auteurs andalous, se ferme avec la deuxième génération, celle de Ali b. Hola au début du XIXe siècle. A cette époque se ferme aussi l’ère des copistes et une bibliothèque se constitue ainsi dans les marges des manuscrits. » Cette bibliothèque est : Fondo Kati.
Fondo Kati n’est pas constitué que par des manuscrits rédigés par les membres de la famille Qûtti. Sur les 12.451 anuscrits de la bibliothèque, 5607 appartiennent à d’autres personnes. C’est pourquoi dès au départ, Ismaël a indiqué que Fondo Kati est une bibliothèque double. Il n’a donc pas manqué de nous présenter les autres manuscrits de sa bibliothèques : « 100 des 5607 manuscrits qui restent appartiennent ou parlent des Morisques, 70 sont des lettres, des actes de ventes ou des actes juridiques des juifs marocains et sefardi qui vécurent à Tombouctou et dans le reste de la vallée du Niger, 1 est un palimpseste qui porte des uniques textes en Anglais du Major Gordon Laing sauvés après son assassinat en 1826 et sur ce textes écrits de droite a gauche et horizontalement, se trouve un texte vertical de l’Alfiya d’Ibn Malik al-Jayyani al-Andalusi. Les 5436 manuscrits qui restent sont dans leur ensemble ou des copies de manuscrits andalous ou dans de rares cas, des Ijazas (licences) où il est question de savants andalous, des actes notariés de commerçants maghrébins. Les plus fréquents des manuscrits andalous sont les ouvrages d’études de la langue et du Droits qui semblent être de simples manuels. »
La bibliothèque de manuscrits Fondo Kati est située au quartier de Hamabangou à Tombouctou. Elle offre aux visiteurs une exposition photos avec commentaires qui permet de se faire une idée générale sur l’histoire de Tombouctou et de ses manuscrits.
M’pè